Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis entreprend une réforme volontariste et ambitieuse de notre système de sécurité sanitaire. Il fait suite aux travaux menés par l’Inspection générale des affaires sociales, les Assises du médicament et les différentes missions parlementaires d’information.
Notre assemblée a d’ailleurs fortement participé à cette réflexion. Je pense notamment aux travaux de la mission commune d’information qu’a présidée François Autain et dont Marie-Thérèse était le rapporteur.
Nous nous appuierons sur les travaux et recommandations des Assises du médicament. Notre ambition est la vôtre, monsieur le ministre : restaurer la confiance en renforçant la transparence.
Le système d’évaluation et de contrôle du médicament actuellement en vigueur s’est complexifié avec la multiplication des instances impliquées dans le processus, sans parvenir à garantir une expertise impartiale et indépendante pour la sécurité du médicament et la santé des usagers.
Longtemps dominée par l’État, la politique du médicament a été libérée de cette tutelle en 1993. Cette tendance n’a fait que se confirmer avec la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, qui a créé l’AFSSAPS, et la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie instituant la Haute Autorité de santé.
Nous avons constaté que l’absence de centre politique et administratif de décision créait un déséquilibre laissant le champ ouvert à toutes les influences, comme l’a souligné l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport du mois de juin 2011. C’est pourquoi un retour à la responsabilité du politique paraît indispensable, tout comme est nécessaire une refonte de la gouvernance des agences.
Après le dramatique scandale du Mediator, la gestion contestée de la grippe H1N1 et, récemment, la publication d’une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance, il nous faut aujourd’hui rééquilibrer notre système de sécurité sanitaire pour en renforcer l’efficacité et l’indépendance et restaurer la confiance des Français envers le dispositif de sécurité du médicament.
Il nous est donc demandé de renforcer la pharmacovigilance, de mieux réglementer les prescriptions hors AMM, de contrôler la publicité auprès des professionnels de santé, d’améliorer l’encadrement des dispositifs médicaux.
Le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, a le mérite de ne pas avoir succombé à la tentation de l’excès et a remodelé notre système avec pondération.
Ce texte pose les fondements d’un système qui offrira de plus grandes garanties, tant pour les patients que pour les prescripteurs. Il ne se limite pas à réaliser quelques aménagements du dispositif actuel : il le modifie en profondeur, avec la détermination de garantir l’indépendance et la transparence du système de sécurité sanitaire, de renforcer le processus de pharmacovigilance, d’assurer une meilleure formation des professionnels de santé et d’améliorer l’information du public et des acteurs du système de santé.
Avant d’évoquer les apports essentiels de ce projet de loi – mes collègues aborderont certains points de façon plus détaillée –, je tiens à affirmer que la réforme de notre système de santé ne doit pas être ressentie comme une mise en accusation de l’industrie du médicament. Les laboratoires de recherche et les industries pharmaceutiques réalisent un travail remarquable dont notre pays a le plus vif besoin pour accompagner l’innovation et permettre des avancées médicales indispensables à l’amélioration des soins.
Bien sûr, certains des changements apportés par ce texte peuvent préoccuper les professionnels de santé. Or, sans l’instauration d’un système efficient, précis, véritablement renouvelé, nous n’atteindrons pas notre objectif, qui est d’assurer une plus grande transparence du dispositif de sécurité sanitaire, de permettre une meilleure identification des responsabilités et de remettre l’intérêt des patients au cœur du système.
L’expertise est au cœur de la nécessaire transparence. Nos débats doivent permettre d’identifier les liens d’intérêts nécessaires avec les centres de recherche, l’université, la recherche industrielle. Le besoin de clarification des rôles et des missions des experts, internes et externes, doit entraîner une valorisation des métiers. La gestion des déclarations d’intérêts doit aboutir, dans les faits, à l’éradication des conflits d’intérêts.
Aussi ne pouvons-nous que plébisciter ce projet de loi dont les dispositions constituent de réelles avancées.
Le texte vise ainsi à lutter contre toute forme de conflits d’intérêts. Il prévoit une transparence totale dans les relations entre l’industrie et l’ensemble des acteurs du système de santé. Il s’agit notamment d’assurer l’indépendance des experts et de leurs décisions.
À ce titre, la déclaration d’intérêts obligatoire est étendue de façon systématique à tous les acteurs du domaine de la santé. Elle devra mentionner les liens d’intérêts personnels, ceux des conjoints, ascendants et descendants établis au cours des cinq dernières années. Elle sera rendue publique et actualisée.
L’exigence de transparence s’appliquera également à toutes les conventions conclues entre les entreprises et les professionnels de santé, les associations de professionnels de santé et de patients, les étudiants en médecine et en odontologie, les établissements de santé, les fondations, les organes de presse spécialisée, les sociétés savantes et les organismes de conseil. Au-delà d’un certain seuil, l’obligation de publicité s’étendra aux avantages en nature ou en espèce consentis par ces entreprises.
Le texte modifie par ailleurs le système d’admission au remboursement d’un nouveau médicament. Désormais, il faudra que ce médicament apporte quelque chose de plus par rapport au traitement de référence existant.
Une agence restructurée se substituera à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. À ce sujet, je tiens à souligner la valeur des hommes et des femmes qui prendront en charge la direction de cette nouvelle agence et à exprimer la confiance que nous leur accordons.
Afin que le doute soit au bénéfice systématiquement du patient, la future Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, pourra demander à l’industrie pharmaceutique de mener des essais comparatifs pour montrer l’amélioration du service médical rendu par un médicament par rapport à un médicament existant et non plus à un placebo. Les industriels qui s’y refuseront, puisqu’une directive européenne empêche d’exiger ce type d’essais, devront le justifier.
L’autorisation de mise sur le marché, l’AMM, ne sera ainsi délivrée et la prise en charge des traitements par la collectivité ne sera possible que si les médicaments apportent un bénéfice au moins comparable à celui d’autres traitements de référence déjà sur le marché. Si les médicaments présentent un service médical rendu insuffisant, aucune prise en charge par la collectivité ne sera envisagée.
La nouvelle agence sera organisée avec l’objectif constant de garantir sa transparence et son indépendance. La composition de son conseil d’administration sera modifiée : le projet de loi fait une plus grande place aux parlementaires – désormais au nombre de six – et supprime la présence de représentants des laboratoires et des entreprises fabriquant ou commercialisant des médicaments. Son mode de financement sera revu : elle sera financée par une subvention de l’État, qui percevra les taxes et redevances de l’industrie pharmaceutique jusqu’à présent directement versées à l’AFSSAPS.
Les modalités de l’autorisation de mise sur le marché et de sa réévaluation sont également réformées, afin d’en faciliter la suspension ou le retrait et de garantir un meilleur suivi du médicament tout au long de sa vie. Cela implique, par exemple, la réalisation d’études comparatives contre un médicament de référence lorsque ce dernier existe.
Un effort tout particulier est engagé afin d’assurer une information efficace et complète des patients et de l’ensemble des acteurs de la santé. La création d’un site internet sur les maladies et leurs traitements, le renforcement de la place de la pharmacovigilance dans la formation des professionnels de santé, la réforme expérimentale de la visite médicale collective à l’hôpital, sur laquelle nous reviendrons, ou encore l’instauration d’un nouveau mode de pilotage de la politique du médicament autour d’un comité stratégique sont autant de dispositions qui participent de cette volonté. De même, les modalités de publicité pour les médicaments et les dispositifs médicaux seront mieux encadrées.
Il s’agit, enfin, de faire évoluer la place des patients et des associations de patients dans le sens d’une plus large implication dans le processus de notification des effets indésirables d’un médicament. Désormais, ceux-ci pourront notifier directement tout effet indésirable, avec la création d’un recours en cas de non-traitement de la demande.
Nous devons le dire avec force, monsieur le ministre : par nos amendements, nous tenterons de rétablir les dégâts provoqués par la déconstruction du texte issu des travaux de la commission des affaires sociales, tout en proposant, ainsi que nous en avons l’habitude, des améliorations issues d’un dialogue fructueux avec le Gouvernement. Ainsi, le système de sécurité sanitaire, encore perfectible, pourrait être stabilisé.
Mes collègues de l’UMP, notamment ceux qui sont membres de la commission des affaires sociales, ne pourront accepter un texte qui ne vise pas à refondre le système de sécurité sanitaire des produits de santé conciliant sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.