Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 26 octobre 2011 à 14h30
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Article 1er

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

L’article 1er porte sur les liens d’intérêts et la transparence dans le milieu médical. Le drame récent du Mediator a montré combien l’indépendance des experts et la transparence pouvaient faire défaut dans ce milieu.

Le texte du Gouvernement n’a pas, dans les faits, ajouté grand-chose au droit en vigueur. En effet, des dispositions analogues étaient déjà prévues dans les textes législatifs spécifiques aux instances sanitaires, exceptions faites de l’Institut national du cancer et des agences régionales de santé.

Au contraire, le projet de loi initial prévoyait la suppression de certains dispositifs spécifiques, souvent plus complets et plus détaillés. C’est sans doute ce à quoi notre collègue Jean-Louis Lorrain faisait référence lorsqu’il évoquait « une écriture sans excès ». Outre le fait que sa rédaction était confuse et imprécise, l’article proposé par le Gouvernement ne prévoyait ni définition des liens et des conflits d’intérêts ni système de contrôle centralisé des déclarations.

Or les exemples de conflits d’intérêts sont nombreux. Ainsi, la recommandation de la Haute Autorité de santé sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 a été remise en cause par l’association FORMINDEP, qui a saisi le Conseil d’État. Celui-ci, dans un arrêt en date du 27 avril 2011, a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité avait refusé d’abroger cette recommandation et lui a enjoint d’effectuer cette abrogation dans un délai de quinze jours.

Pour justifier sa décision, le Conseil d’État a relevé que l’association avait « produit à l’appui de ses allégations des éléments susceptibles d’établir l’existence de liens d’intérêts entre certaines personnes ayant participé au groupe de travail et des entreprises ou établissements intervenant dans la prise en charge du diabète » et que, à aucun moment, « la Haute Autorité de santé n’a été en mesure de verser au dossier l’intégralité des déclarations d’intérêts dont l’accomplissement était pourtant obligatoire de la part des membres de ce groupe de travail ».

De fait, les experts externes des agences ont l’habitude des collaborations avec l’industrie pharmaceutique. L’IGAS relève que, à l’AFSSAPS, ces derniers ont en moyenne six liens d’intérêts chacun. Ce chiffre est d’autant plus significatif que plus d’un quart des experts – 28 % d’entre eux pour être précis – de l’Agence n’ont aucun lien d’intérêts. La simple déclaration d’intérêts proposée par le ministre était donc insuffisante.

Le texte adopté par la commission des affaires sociales, sur l’initiative du rapporteur Bernard Cazeau, a permis des avancées significatives. Ainsi, l’article étend dès à présent la déclaration d’intérêts aux dirigeants des autorités sanitaires et interdit au président de la Haute Autorité de santé et au directeur général de l’AFSSAPS, dans les trois ans précédant leur mandat et au cours de celui-ci, tout lien susceptible d’affecter l’exercice de leurs fonctions. Pour des fonctions aussi importantes, la transparence en matière de relations d’intérêts ne suffit pas. Aucun conflit d’intérêts ne doit tout simplement être possible.

Les déclarations d’intérêts seront par la suite confiées à l’Autorité de déontologie de la vie publique, l’ancienne commission de déontologie créée par la loi Sapin en 1993. Cet ajout tient du bon sens et témoigne de l’impartialité complète dont devront faire preuve les membres des autorités sanitaires dans le futur.

L’article 1er prévoit aussi, parallèlement à la captation vidéo, de diffuser gratuitement en ligne un procès-verbal intégral comprenant « le détail et les explications des votes, y compris les opinions minoritaires ». Il est, de fait, plus aisé de rechercher sur Internet une parole écrite que de devoir retrouver dans une vidéo un passage précis.

Enfin, si l’article supprime la référence au secret industriel et commercial censé limiter la publicité des débats, c’est pour confier le contrôle du respect des secrets protégés par la loi à la Commission d’accès aux documents administratifs afin d’éviter toute invocation abusive tendant à limiter la publicité des débats au sein des agences.

L’article 1er ainsi modifié par la commission permet donc de mettre fin à des pratiques qui n’ont que trop duré dans le milieu médical. Comme le rappellent les inspecteurs de l’IGAS, dans leur rapport d’avril dernier, « la qualité et la légitimité de l’expertise dépendent de son impartialité, de la garantie que celle-ci ne résulte pas d’une analyse biaisée ».

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