L’affaire du Mediator, parce qu’elle a mis en évidence les failles de notre système sanitaire, a soulevé de manière directe la question de l’indépendance des experts qui participent à la prise de décision des différentes agences. À l’occasion de la création d’une commission d’enquête sur la grippe A/H1N1, qui s’attardait notamment sur le rôle de l’industrie pharmaceutique dans la prise de décision des pouvoirs publics, le groupe CRC avait déjà mis en évidence les imbrications qui existaient entre les conseillers du Gouvernement, les experts des agences et les firmes pharmaceutiques.
Depuis, les exemples se sont multipliés, au point que, lors des auditions organisées au Sénat dans le cadre de la mission commune d’information sur le Mediator présidée par notre collègue François Autain, certaines personnes entendues ont signalé que, contrairement à ce que prévoyait la réglementation, certains représentants des laboratoires venus solliciter une demande d’autorisation de mise sur le marché, une AMM, ne prenaient pas la précaution de sortir durant les délibérations. Autant dire que les membres des commissions débattaient devant ceux qui avaient un intérêt financier et immédiat à ce que l’affaire se fasse ! Cela n’est pas très sain, particulièrement quand on sait que l’immense majorité des experts a des liens d’intérêts avec ces mêmes laboratoires.
À cet égard, l’article 1er constitue une avancée puisqu’il contraint tous les experts à faire connaître leurs liens d’intérêts et renforce l’interdiction qui leur est faite de participer à des délibérations les concernant. La publicité des débats est une nouveauté qui devrait permettre au grand public de s’assurer que cette obligation est bel et bien respectée.
Pour notre part, nous considérons néanmoins qu’il faut aller encore plus loin. Nous proposons donc que la loi interdise aux personnes qui ne peuvent pas prouver l’absence de liens d’intérêts directs ou indirects avec des laboratoires durant les trois ans précédant leur prise de fonctions de travailler au sein des agences sanitaires.
Nous sommes convaincus que pour en finir avec les risques de conflits d’intérêts, il faut mettre en terme à certaines pratiques. Les expertises pré-AMM doivent aujourd’hui être le fait d’experts non seulement indépendants, mais aussi internes à l’Agence. Nous faisons nôtres l’analyse et la préconisation du rapport de l’IGAS sur « la pharmacovigilance et gouvernance de la chaîne du médicament » quand celui-ci souligne en page 11 : « La capacité d’expertise en interne à l’agence ne suffit pas. L’AFSSAPS doit disposer d’un noyau d’experts capables de discuter d’égal à égal avec les représentants des CRPV et avec une commission consultative externe ».
Nous sommes également en accord avec ce rapport quand il souligne à la page 17 que « ce modèle d’expertise externe présente de très sérieux défauts, comme l’a montré le rapport sur le Mediator : la porosité existant entre experts externes et firmes pose la question de l’indépendance de ces experts, a fortiori compte tenu de l’incapacité des autorités publiques à faire appliquer correctement les règles prévenant les conflits d’intérêts ».
C’est sur la base de ce constat que nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement portant création de ce corps d’experts internes et indépendants.