Intervention de Marie-Thérèse Bruguière

Réunion du 26 octobre 2011 à 14h30
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Article 2

Photo de Marie-Thérèse BruguièreMarie-Thérèse Bruguière :

L’article 2 prévoit une déclaration par les industriels, sur leur propre site internet, des liens qu’ils entretiennent avec plusieurs catégories de partenaires. Les professionnels de santé, associations de professionnels de santé, étudiants, associations de patients, établissements de santé, fondations, sociétés savantes, organismes de conseils et organes de presse sont concernés par la publication de ces conventions, tout comme les avantages en nature ou en espèces – hospitalité et dons –, au-delà d’un certain seuil.

Les conditions d’application et la nature des informations publiées, les délais et les modalités de publication, sont renvoyés à un décret.

Toutefois, on peut remarquer que la philosophie du dispositif proposé va au-delà de la prévention des conflits d’intérêts, qui aurait impliqué que la transparence concerne seulement les personnes participant à la prise de décision publique. Le texte vise en réalité la transparence de l’ensemble des liens de l’industrie avec ses partenaires, professionnels de santé, monde associatif, étudiants, conseils, ce qui pose problème au regard du droit à la protection de la vie privée.

Ce dispositif s’inspire de la loi américaine dite « Sunshine Act ». Dans les États qui l’ont déjà mis en œuvre, le Vermont, par exemple, on constate déjà l’inquiétude des médecins quant à d’éventuels appels au boycott de la part de certaines associations, à l’affût de leurs liens d’intérêts.

Par ailleurs, la publication de toutes les conventions des entreprises avec les intervenants du secteur, y compris lorsqu’ils n’ont aucun rôle d’expertise publique, risque d’avoir des conséquences négatives sur les partenaires publics-privés de recherche. Que l’on se réfère aux recherches cliniques, où le rôle des investigateurs et chercheurs cliniciens est majeur pour attirer en France les essais cliniques industriels ou académiques.

Il est intéressant de comparer l’article 2 du présent texte avec les dispositions du projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, déposé à l’Assemblée nationale le 27 juillet. Ce dernier projet de loi prévoit que seules les déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement seront publiées. L’étude d’impact indique que même s’il n’y a pas d’extension de publicité des déclarations, si l’exigence de prévention des conflits d’intérêts implique que l’autorité dont relèvent les déclarants connaisse les intérêts déclarés, l’atteinte à la liberté individuelle et au respect de la vie privée que constituerait la publication des déclarations semble trop importante au regard du bénéfice qu’apporte la publicité.

Dès lors, il est difficilement compréhensible que la question de l’atteinte au respect de la vie privée ne se pose pas ici aussi. L’avis préalable de la CNIL serait donc une garantie nécessaire, car on touche là à des questions de protection de données personnelles et de la vie privée.

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