Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 26 octobre 2011 à 14h30
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Article 2, amendement 57

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Le groupe CRC votera contre cet amendement qui non seulement prévoit un retour au texte de l’Assemblée nationale, entraînant une remise en cause les améliorations obtenues en commission, mais qui de surcroît obscurcit encore un système que tout le monde souhaite aujourd’hui plus transparent.

Je ne prendrai que deux exemples.

Tout d’abord, le paragraphe I de cet amendement vise à revenir à la situation juridique existante, où seule est rendue publique l’existence des conventions formées entre des professionnels de santé et des firmes pharmaceutiques ou d’autres industriels, alors que le texte tel qu’il est issu des travaux de notre commission prévoit de rendre également public le contenu des conventions.

Ce serait d’ailleurs, mes chers collègues, le sens même d’un véritable Sunshine Act. Vous le savez, les dispositions du Sunshine Act ont été intégrées dans le droit américain par le biais d’un amendement dû à l’initiative d’un sénateur républicain, Charles Grassley. Elles visent à rendre publiques les sommes que versent les firmes pharmaceutiques aux médecins.

Permettez-moi de vous rappeler la teneur de cet amendement : la déclaration devra inclure les compensations, repas, divertissements ou cadeaux, excursions ou voyages, des produits ou autres choses proposés pour moins que leur valeur marchande, des frais de participation à des conférences ou à la formation médicale continue, des rabais ou remises, des honoraires ou paiements des interventions à titre de consultant, et tout autre bénéfice économique.

À l’occasion d’une conférence de presse, le sénateur Grassley déclarait : « Les firmes pharmaceutiques ne paieraient pas tout cet argent s’il n’avait pas un effet direct sur les prescriptions et les dispositifs médicaux que les médecins utilisent. Pour les patients, tout ce côté reste dans l’obscurité, ils ne savent pas si leurs médecins reçoivent ou non de l’argent. »

L’amendement visant à rendre transparents les paiements des médecins par les firmes, devenu depuis le Sunshine Act, fait la lumière sur ces liens financiers cachés et, comme le soulignait le sénateur Grassley, « éclaire les rapports obscurs entre médecins et firmes au moyen du meilleur désinfectant : le soleil ».

C’est de ce soleil que vous entendez priver aujourd’hui nos concitoyens.

Alors que nous étions au cœur de la crise et qu’un sondage venait de révéler que nos concitoyens avaient perdu confiance en notre système, vous vous déclariez, monsieur le ministre, favorable à une « forme absolue de transparence », précisant même que, pour y parvenir, il fallait la « publication, sous la responsabilité de chaque industriel, de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, les sociétés savantes, les associations de patients et les organes de presse spécialisés. »

Vous poursuiviez en prônant, au cas où ces obligations de déclaration ne seraient pas respectées, la mise en place « de sanctions analogues à celles qui sont prévues par le code du commerce pour non-respect des obligations relatives aux comptes des entreprises. » Au regard de ce seul engagement, l’adoption de l’amendement n° 57 constituerait un recul majeur.

Par ailleurs, cet amendement prévoit l’extension aux étudiants de la possibilité dont disposent les professionnels de santé de recevoir des cadeaux de la part des industriels.

Dans l’objet de cet amendement, on fait fort habilement référence à la loi anti-cadeaux de 1993, omettant simplement de préciser que cette loi a été considérablement réformée par une autre loi, adoptée en 1994, qui a autorisé sous certaines conditions les pratiques initialement interdites.

Aujourd’hui, vous proposez d’étendre ces dispositions aux étudiants, au risque que ces derniers deviennent aussi dépendants.

Autrement dit, alors que le but de ce projet de loi était de rendre les professionnels de santé moins dépendants des laboratoires, vous proposez de placer les étudiants sous perfusion de ces mêmes laboratoires.

Telle n’est pas notre conception de la transparence. Nous voterons donc contre cet amendement et demandons, compte tenu de la régression qu’il constitue, qu’il soit procédé à un vote par scrutin public, afin que nos concitoyens puissent tous connaître la position de chacun d’entre nous.

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