Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 2 octobre 2007 à 22h15
Immigration intégration et asile — Exception d'irrecevabilité

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Le conjoint de Français est ici doublement pénalisé : d'une part, il doit retourner dans son pays d'origine pour obtenir un visa - nous dénoncions déjà cette situation l'année dernière - d'autre part, sa séparation sera allongée du fait de cette formation.

Nous prenons acte de la volonté exprimée par la commission des lois de supprimer l'exigence d'évaluation et de formation linguistique et civique imposée aux conjoints de Français. Nous espérons, bien entendu, que cette suppression sera entérinée par la Haute Assemblée.

Par leur accumulation, les conditions à remplir, tant pour bénéficier d'un regroupement familial que pour vivre en France avec son conjoint français, sont totalement disproportionnées. Elles portent une atteinte manifeste au droit de chacun de mener une vie familiale normale et de se marier avec qui bon lui semble !

Dès 1978, le Conseil d'État reconnaissait, dans son arrêt GISTI du 8 décembre, le droit, pour les étrangers comme pour les nationaux, de mener une vie familiale normale comme un principe général du droit. Il précisait que « ce droit comporte, en particulier, la faculté, pour ces étrangers, de faire venir auprès d'eux leur conjoint et leurs enfants mineurs ».

Le Conseil constitutionnel ensuite, dans sa décision du 13 août 1993, a considéré que, si le législateur pouvait prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartenait de respecter les libertés et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.

Dans sa décision du 22 avril 1997, il a rappelé que « les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale ».

Les seules restrictions que peut apporter le législateur à ce droit doivent concerner la protection de l'ordre public et de la santé publique, conformément à la décision de 1993. Encore faut-il que ces restrictions soient proportionnées à l'atteinte au droit de vivre en famille !

En outre, comme le rappelle M. Buffet dans son rapport, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 décembre 2005 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, considère que la procédure de regroupement familial a notamment pour but de vérifier la capacité du demandeur à « offrir des conditions de vie et de logement décentes, qui sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil ».

M. le rapporteur en conclut, et je partage son avis, que, « si l'on peut donc imposer des conditions, le législateur ne peut toutefois exiger des étrangers des conditions de vie et de logement qui excéderaient celles admises comme décentes pour des Français ».

Le SMIC est une obligation légale, mais rien, hélas ! n'oblige l'État à garantir un revenu égal au SMIC ni d'ailleurs à satisfaire le droit au logement, alors que ce principe est pourtant désormais inscrit dans la loi, au grand regret, apparemment, de votre majorité !

Aucune condition de ressources et de logement n'est requise pour se marier et avoir des enfants lorsqu'on est français. La loi actuelle introduit donc une discrimination entre étrangers et Français sur le territoire de notre pays, ce qui est contraire à nos principes fondamentaux à valeur constitutionnelle.

Bref, les articles 1er, 2 et 4 du projet de loi, parce qu'ils portent une atteinte disproportionnée aux droits des bénéficiaires du regroupement familial et des conjoints de Français, ne peuvent qu'être déclarés non conformes à la Constitution.

Ce même raisonnement vaut pour l'indigne article 5 bis relatif aux tests ADN, sur lequel se sont cristallisés les débats. Apparemment, ce n'est pas fini !

En introduisant dans notre législation la possibilité de prouver une filiation par un test ADN, cet article ouvre la voie à une utilisation abusive de la génétique, ce que le Parlement a toujours refusé, notamment lors de l'élaboration des lois de 1994. Les tests génétiques à des fins autres que scientifiques et médicales sont interdits par l'article 16 du code civil, sauf dans les cas graves et sous contrôle judiciaire.

Tout a été dit sur la preuve de la filiation masculine, à laquelle s'opposent les autorités philosophiques, religieuses, morales et scientifiques, ainsi que l'Union africaine aujourd'hui. La commission des lois du Sénat y est également opposée.

Monsieur le ministre, vous vous obstinez...

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