L'objectif que le Gouvernement et sa majorité assignent à l'article 1er est d'apparence aimable puisqu'il s'agit pour le candidat au regroupement familial d'acquérir les rudiments du français avant de pouvoir séjourner sur notre territoire, au côté de son conjoint ou de ses parents. Objectif louable, pensent les bonnes âmes !
Mais un examen attentif et impartial révèle que ces dispositions sont inefficaces, impraticables, discriminatoires, onéreuses et grotesques.
Inefficaces, car l'apprentissage du français serait bien plus probant s'il avait lieu en France. Or, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, il doit avoir lieu en France.
Impraticables, car, en l'état actuel de notre réseau consulaire, on n'imagine pas comment, à moyens constants, voire à moyens réduits - on constate une diminution de 4 % des moyens de certains consulats d'Afrique -, nous pouvons demander à nos consulats de pratiquer un test linguistique ou encore à nos centres culturels de dispenser des formations.
Discriminatoires, car les formations seront bien plus difficiles à suivre pour celles et ceux qui vivent éloignés des centres de formation ; discriminatoires aussi pour les femmes des pays en développement, qui souffrent massivement d'analphabétisme.
Onéreux, car le coût sera supporté par tous les candidats à l'immigration, via l'augmentation des taxes sur les attestations d'accueil et les frais de dossiers pour les visas de long séjour.
Grotesques, enfin, car vous envisagez sérieusement de créer une nouvelle commission, composée notamment de philosophes et de sociologues, chargés de définir un corpus des valeurs républicaines réductibles à un questionnaire à choix multiples. Cette idée est saugrenue quand on suppose qu'ici, à propos de ce projet de loi, vous allez nous affirmer que les statistiques ethno-raciales sont tout à fait conformes à nos valeurs. Pourtant, nous sommes nombreux à récuser l'établissement de telles statistiques. Et j'imagine sans peine les difficultés qu'aura cette commission pour parvenir à un accord !
Loin de favoriser l'accueil des candidats au regroupement familial, les dispositions de l'article 1er consistent à éliminer les plus pauvres, à dissuader les moins riches de venir rejoindre leur conjoint pour vivre une vie familiale normale.
Je ne voudrais pas terminer cet argumentaire sans évoquer des situations personnelles.
Mon père, comme le grand-père d'Arnaud Montebourg, député socialiste, ne parlait que l'arabe en arrivant en France. Si ces dispositions avaient été en vigueur à l'époque, ils n'auraient pu être accueillis en France. J'ai la modestie de penser qu'Arnaud Montebourg manquerait à l'Assemblée nationale et que je manquerais au Sénat.
Avec cette mesure, monsieur le ministre, pensez aux talents que nous allons ignorer !