Avec cet article 1er, nous abordons le premier obstacle imaginé par le Gouvernement pour restreindre l'accès au regroupement familial.
Il est question, en l'espèce, d'imposer aux candidats au regroupement familial une évaluation de leur degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République.
Quoique vous en disiez, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les parlementaires de la majorité, il s'agit vraiment là d'un obstacle à la venue en France de la famille d'un étranger déjà présent sur notre sol et en situation régulière.
L'évaluation, la formation, puis la seconde évaluation ne vont qu'alourdir un peu plus encore la procédure, retarder l'arrivée en France de la famille concernée, voire l'hypothéquer.
Que va-t-il se passer en cas d'impossibilité de suivre une formation dans le pays d'origine du fait de son coût ou encore de la distance à parcourir pour se rendre à l'endroit où cette formation sera dispensée ? La délivrance du visa sera refusée. Et ensuite ? Croyez-vous que le mari, la femme, les enfants accepteront de rester séparés les uns des autres ? Ils tenteront malgré tout - et, de mon point de vue, c'est humain ! - de venir en France, mais sans passer par la procédure de regroupement familial.
Par conséquent, cette disposition ne fera que produire de nouveaux cas de sans-papiers, exclus des dispositifs d'insertion et à la merci d'employeurs peu scrupuleux, de marchands de sommeil et autres trafiquants vivant de la détresse humaine.
Car vous le savez bien, plus on durcit les lois, plus les personnes qui ont à en subir les effets ont tendance à les contourner et plus, finalement, les personnes mal intentionnées en tirent profit.
Je le répète encore une fois ici, les femmes seront les plus touchées puisque, dans la grande majorité des cas, c'est le mari qui se trouve en situation régulière sur notre territoire et c'est la femme qui vient le rejoindre.
En réalité, vous allez arriver à l'inverse de ce que vous êtes censés rechercher.
Loin de favoriser l'intégration des familles, l'apprentissage du français dans le pays d'origine aura pour effet d'exclure un nombre important de migrants, des femmes pour la plupart.
Les « femmes rejoignantes » risquent donc d'être exclues de tout dispositif d'insertion en raison du durcissement prévu par votre texte, alors même que ce sont elles qui en ont souvent le plus besoin. Car ces femmes, parce qu'elles n'ont pas accès à l'école dans leur pays d'origine, sont bien souvent analphabètes ou maîtrisent mal le français.
J'estime que l'alphabétisation et l'apprentissage du français pour ces femmes qui vont rejoindre leur conjoint en France peuvent être des vecteurs importants de socialisation, d'autonomisation et d'émancipation.
Il est donc primordial de ne pas les en priver. Mais encore faut-il instaurer un vrai droit à la formation à la langue du pays d'accueil dans le pays d'accueil. Il faut que ce soit un droit et non une contrainte, voire un obstacle supplémentaire.