Intervention de Rama Yade

Réunion du 25 septembre 2007 à 16h00
Accords avec les émirats arabes unis relatifs au musée universel d'abou dabi — Adoption d'un projet de loi

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Monsieur le président, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le 6 mars 2007, la France et les Émirats Arabes Unis ont signé un accord qui scellait la coopération entre nos deux pays pour la création d'un musée universel à Abou Dabi.

Cet accord était le fruit de plus d'un an de négociations.

À l'automne 2005, les autorités de l'émirat d'Abou Dabi ont sollicité l'aide de la France et du musée du Louvre pour la conception et la construction d'un musée national du niveau des plus grandes institutions. Elles demandaient aussi la mise en place, jusqu'à ce que cet objectif soit atteint, d'un musée universel de renommée internationale, qui aurait pour nom le « Louvre Abou Dabi ».

Cette démarche correspondait à l'ambition affichée par les Émirats Arabes Unis, situés au carrefour du Moyen-Orient et de l'Asie, à mi-chemin entre l'Asie et l'Europe, de devenir la plaque tournante de l'art et de la culture pour cette partie du monde.

L'ampleur et la nature du projet, totalement inédit en France comme à l'étranger, soulevaient un certain nombre de questions auxquelles il importait de répondre : en dépit des excellentes relations qu'entretiennent la France et les Émirats Arabes Unies, était-il judicieux de s'engager sur un tel projet dans une zone aussi sensible ? Était-il opportun d'apporter une caution culturelle aussi prestigieuse que celle du Louvre à un projet qui, de prime abord, s'inscrivait dans le cadre d'un futur complexe touristique ? Avions-nous les moyens de répondre à une telle demande ?

La France a finalement répondu favorablement, afin d'encourager la volonté d'ouverture des autorités émiriennes et parce qu'elle y a vu une chance exceptionnelle d'affirmation du dialogue des cultures entre l'Orient et l'Occident.

Elle a également été sensible au concept de l'île de Saadiyat, qui, certes, a des visées touristiques, mais également des ambitions culturelles. Tandis que Dubaï propose une base de loisirs, Abou Dabi veut faire découvrir, à un public international et régional, l'art classique, contemporain et islamique.

En outre, la France dispose d'une expertise de premier plan, légitimée par la qualité des collections de ses grandes institutions patrimoniales et par les connaissances et le savoir-faire de leurs conservateurs.

La négociation a donc porté, dans une large mesure, sur les points suivants : le rôle du musée afin de promouvoir le dialogue des cultures, la garantie de la qualité scientifique et artistique du futur musée et la juste rémunération des musées français fortement sollicités pour la réalisation de ce projet.

La France a posé plusieurs principes : la création de ce musée devait transmettre un message universel et humaniste et témoigner du rapprochement des civilisations que les violences du monde tendent aujourd'hui à opposer ; le Louvre Abou Dabi, comme le musée qui lui fera suite, se devait de répondre aux critères de qualité et de déontologie les plus exigeants, qu'il s'agisse de la pertinence du discours scientifique et culturel ou de la conception et de la réalisation du bâtiment ; enfin, les contreparties financières, qui s'élèveront à plus de 1 milliard d'euros sur trente ans, devaient bénéficier, dans leur totalité, aux musées de France, le musée du Louvre en tête, pour des projets scientifiques nouveaux.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux et garantir la qualité du projet à toutes les étapes, la France a proposé une aide globale.

Une agence a été créée, l'Agence France Museums, émanation de douze établissements publics patrimoniaux, dont le Louvre est membre de droit. L'État y est représenté par deux censeurs : l'un du ministère de la culture et de la communication, l'autre du ministère des affaires étrangères et européennes, qui sera garant de la bonne exécution des obligations prévues par l'accord intergouvernemental et des intérêts de la France lors de la conclusion de nouveaux projets de nature muséale et patrimoniale d'ampleur internationale.

L'Agence France Museums va avoir pour tâche de mettre en oeuvre et d'accompagner ce projet jusqu'à sa réalisation.

Pour une période de dix ans, dans l'attente de la constitution de la collection du musée d'Abou Dabi, seront prêtées, pour des durées allant de six mois à deux ans, des oeuvres issues des collections du Louvre, de l'ensemble des musées nationaux et des autres musées français qui souhaiteront participer au projet. Par ailleurs, pendant quinze ans, la France concevra et mettra en place une programmation d'expositions temporaires.

Pour accompagner la formation de la collection émirienne, des experts français proposeront une stratégie d'acquisition.

De plus, la France conseillera Abou Dabi pour la mise en place de la future structure de gestion du musée, participera à la formation de ses cadres et accompagnera pendant une durée de vingt ans le fonctionnement du musée afin de lui permettre de conforter sa place dans le paysage des institutions internationales.

Face à l'engagement de la France dans une coopération aussi novatrice, des voix se sont élevées et des inquiétudes se sont exprimées dans notre pays même. Elles concernaient l'inaliénabilité des collections publiques, le dépouillement des musées français de leurs oeuvres majeures, la censure et les risques de marchandisation.

Pourtant, il n'en est rien. La présence de Christine Albanel aujourd'hui dans cet hémicycle témoigne de l'attachement du ministère de la culture à ce projet, et sa disponibilité à apporter tous les éclaircissements nécessaires qui permettront de dissiper l'ensemble des interrogations.

Au-delà de la controverse, la coopération que nous entamons avec les Émirats Arabes Unis représente un défi sans précédent.

Dans ce contexte de mondialisation, le Louvre Abou Dabi constitue un formidable vecteur de rayonnement de l'universalité de la culture et un défi que la France, au nom de la diversité culturelle et du rapprochement des civilisations, se devait de relever.

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