Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il n'est pas courant que la commission des affaires culturelles demande à se saisir pour avis d'un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord international. Cependant, les trois accords passés entre la France et les Émirats Arabes Unis, qui donneront corps au projet de « musée universel d'Abou Dabi », justifient pleinement que notre commission souhaite donner un avis sur ce dossier important en termes diplomatiques, certes, mais également en termes culturels.
La dimension culturelle de ces accords n'est, en effet, pas contestable, comme en témoigne le rôle déterminant qu'ont joué dans les négociations le précédent ministre de la culture, M. Renaud Donnedieu de Vabres, la directrice des musées de France, le président de l'établissement public du Grand Louvre, ainsi que plusieurs responsables de grands musées français.
Ce projet, d'une ampleur exceptionnelle, illustre de manière exemplaire à la fois l'ouverture au monde que nous voulons donner à notre politique culturelle et notre souci de perfectionner en permanence, en le soutenant et en le finançant de manière substantielle, l'ensemble du système français qui permet aux visiteurs de découvrir l'art à travers nos grands musées.
Notre commission, Mme Cerisier-ben Guiga a évoqué ce point et je l'en remercie, avait dès le début de l'année 2007 demandé à entendre les responsables sur ce projet, notamment la directrice des musées de France et le président du Grand Louvre. Nous avions consacré une séance de nos travaux à discuter de ce sujet, sans rien dissimuler ni des controverses qu'il avait entraînées ni de l'intérêt qu'il paraissait présenter.
Par conséquent, dans le rapport pour avis que je présente au nom de la commission des affaires culturelles j'évoquerai tout d'abord les inquiétudes qui s'étaient fait jour afin d'apporter les réponses qui me paraissent les plus adaptées et j'examinerai ensuite les retombées de ce projet à la fois pour le rayonnement culturel de la France et pour la politique des musées, qui est une priorité.
Une première inquiétude, exprimée par certains, tenait au nombre d'oeuvres d'art qui seraient prêtées au musée d'Abou Dabi, au risque de priver les musées français d'une partie de leur attractivité tant pour le public français que pour les visiteurs étrangers.
Les chiffres que vous avez cités, madame la rapporteur, montrent clairement que ces craintes étaient tout à fait excessives.
En effet, la France s'engage à présenter dans les dix années suivant l'ouverture du musée des oeuvres dont le nombre diminuera au fur et à mesure que se constitueront les collections permanentes du nouveau musée.
Il convient de dire avec force qu'il s'agit de la constitution d'un nouveau musée. La France prêtera simplement des oeuvres pendant une durée limitée à dix années jusqu'à ce que les collections soient complètes.
Après ce délai, le musée universel d'Abou Dabi sera un très grand musée que nous auront porté sur les fonts baptismaux, mais auquel nous n'aurons plus, en dehors du cadre d'expositions temporaires, à prêter d'oeuvres.
Nous nous engageons à prêter 300 oeuvres au cours des trois premières années, 250 au cours des trois années suivantes et 200 pendant les quatre dernières années où s'appliqueront les conventions internationales. La durée de chaque prêt sera comprise entre six mois et deux ans. À partir de la onzième année, la totalité des collections propres du musée aura été acquise.
C'est la partie française, il convient de le préciser, qui choisira les oeuvres qu'elle entend prêter. Une commission scientifique sera chargée de cette sélection, qui fera elle-même l'objet d'une convention particulière.
Les mêmes règles s'appliqueront aux quatre expositions temporaires que la France s'engage à organiser chaque année pendant les quinze ans suivant l'ouverture du musée, et qui dureront chacune entre deux mois et quatre mois.
En outre, comme vous l'avez souligné, madame la rapporteur, ce n'est pas le Louvre seul qui prêtera ses oeuvres au musée d'Abou Dabi mais l'ensemble des musées associés au sein de l'Agence France Museums parmi lesquels le musée d'Orsay, le musée du Quai Branly, le musée Rodin, le musée de Versailles, le domaine national de Chambord et le musée Guimet.
On estime que les musées français prêtent actuellement chaque année à l'étranger entre 8 000 et 10 000 oeuvres, dont 1 500 environ proviennent du Louvre, ce qui permet de relativiser le nombre des oeuvres prêtées à Abou Dabi.
Une deuxième critique adressée à ce projet porte sur la sécurité des oeuvres prêtées, et elle manifeste, me semble-t-il, un certain ethnocentrisme français : l'État d'Abou Dabi possède tous les dispositifs nécessaires pour assurer aux oeuvres une complète sécurité. D'ailleurs, peut-être est-il mieux équipé que certaines des grandes institutions anciennes auxquelles nous prêtons des oeuvres et qui, certes, possèdent le charme et le prestige de l'ancienneté, mais dont les dispositifs de sécurité ne sont pas ceux dont disposera le nouveau musée d'Abou Dabi !
Comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteur, la maîtrise d'oeuvre du bâtiment sera confiée à Jean Nouvel, un architecte français, et la France sera associée à toutes les étapes de la conception et de la réalisation du musée. Je crois donc qu'il ne faut nourrir aucune inquiétude sur la sécurité des oeuvres qui seront prêtées.
De plus, en cas de menace sur la conservation et la sécurité des oeuvres, l'accord prévoit une série de mesures conservatoires, qui peuvent aller jusqu'au rapatriement immédiat des oeuvres et à la suspension ou à la résiliation du partenariat.
Une troisième critique portait sur l'abandon du principe de gratuité des prêts.
Or il faut noter que cet accord ne porte pas seulement sur le prêt d'oeuvres, car, si tel était le cas, il ne serait pas nécessaire que trois conventions internationales lient notre pays aux Émirats Arabes Unis et que deux commissions du Sénat soient appelées à donner leur avis ! Il s'agit d'un accord global, qui a pour objet non seulement le prêt d'oeuvres, mais aussi l'aide à la conception et à la réalisation du musée, la formation de l'ensemble de son personnel - l'équipe de direction comme les agents de surveillance - et l'acquisition des oeuvres destinées à la collection permanente du musée d'Abou Dabi.
Mes chers collègues, nous sommes donc saisis d'un vaste partenariat de coopération culturelle internationale, et nullement d'un simple accord relatif au prêt d'oeuvres, dérogeant à la règle de la gratuité qui est d'usage en la matière.
J'ajoute, car des critiques ont été formulées sur ce point, que le nom « Louvre », utilisé dans l'appellation du nouveau musée, dit « Louvre Abou Dabi », ne fera pas l'objet d'une utilisation mercantile, ...