Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous tous dans cet hémicycle, je suis favorable à la circulation des oeuvres, à la rencontre, à la confrontation, au partage de tous les éléments qui constituent la culture, singulièrement les oeuvres d'art. Mais je n'oublie pas ce que disait si bien Octavio Paz : « Le marché - sous-entendu l'argent - est efficace, soit, mais il n'a ni conscience ni miséricorde. » Or, selon la tradition, non pas au sens passéiste, mais au sens de se souvenir de l'avenir, du travail muséal en France, c'est précisément la conscience et la miséricorde. Je voulais vous faire part de cette remarque dès le début de mon propos.
Voici donc inscrite précipitamment à l'ordre du jour d'une session extraordinaire - pardon du peu ! - la ratification de trois conventions signées entre la France et les Émirats Arabes Unis le 6 mars dernier relatives au projet du Louvre Abou Dabi, qui a été préparé sans concertation aucune, y compris professionnelle, en grand secret pendant des mois.
Si plus de 5 500 personnalités du monde de l'art français et étranger n'avaient pas signé l'appel intitulé « les musées ne sont pas à vendre », on se serait cru comme dans le secret-défense. Pourquoi ce secret alors que d'aucuns soutiennent que ce projet est si bien, si beau, si bon ? Je vais essayer de démontrer que la réalité est tout autre.
Ainsi, en résumé, les Émirats Arabes Unis, bourrés de pétrole - il faut le rappeler -, friands d'armement et acheteurs programmés de quarante Airbus, achètent sur trente ans la marque Louvre pour nommer un musée devant être construit à Abou Dabi sur l'île de Saadiyat réservée à la gentry locale, régionale et internationale, mais inaccessible au petit peuple et aux classes moyennes arabes.