Intervention de Jack Ralite

Réunion du 25 septembre 2007 à 16h00
Accords avec les émirats arabes unis relatifs au musée universel d'abou dabi — Adoption d'un projet de loi

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Bien sûr, les accords soumis aujourd'hui à ratification pourraient faire l'objet d'un long débat, mais je ne m'étendrai pas, car Mme Tasca a fort bien exprimé les choses telles que je les ressens. Pour autant, je ne sous-estime pas le travail de Mme le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

J'ai tenu à rapporter les paroles des artistes, car elles se dressent contre le nouvel esprit des lois, porté par le Président de la République. Dans le discours que celui-ci a prononcé lors de l'inauguration de la Cité de l'architecture et du patrimoine, il a déclaré : « Je ne suis pas partisan d'une conception utilitariste de la culture. Je ne crois pas que la culture soit une simple marchandise. C'est pour eux-mêmes qu'il faut soutenir le théâtre, la musique, le patrimoine, l'architecture, le cinéma, pour ce que l'art et les artistes nous apportent comme sens, comme espérance et tout simplement comme plaisir. La culture ce n'est pas ?un supplément d'âme?, c'est l'âme même de la civilisation. »

Je suis d'accord, mais pourquoi le Président de la République impose-t-il le contraire lorsqu'il s'adresse à Mme la ministre de la culture, dont j'ai vu le travail tant à l'Élysée qu'à Versailles ? Pourquoi le Président de la République dit-il une chose et son contraire ? C'est ainsi que le secret est favorisé.

Dans ma ville, Aubervilliers, à l'occasion des lundis du Collège de France, le professeur de l'université La Sapienza, à Rome, Predrag Matvejevic, a soutenu l'idée selon laquelle nous avons un héritage, nous devons le défendre et, dans un même mouvement, nous devons nous en défendre. Autrement, nous aurions des retards d'avenir, nous serions inaccomplis.

Pour ma part, je ne veux pas que la France, dans quelque domaine que ce soit, d'ailleurs, ait des « retards d'avenir », des citoyennes et citoyens « inaccomplis ». René Char a, un jour, lancé : « L'inaccompli bourdonne d'essentiel. » Quel beau programme !

Ce devrait être cela, la politique de la création contemporaine, de la conservation de la création ! Cependant, elle ne figure pas dans les textes à voter. Elle est combattue dans la lettre stratégique de l'Élysée, qui éclaire des directions fondamentales de la politique gouvernementale voulue par M. Sarkozy.

Adopter ce projet de loi consisterait, ni plus ni moins, à demander aux parlementaires d'adouber un projet gouvernemental empreint d'une logique commerciale, élaboré sans concertation aucune, alors qu'il va bouleverser fondamentalement le rapport de l'État et de la société au patrimoine public et à sa gestion en introduisant du payant là où régnaient la gratuité et la coopération, une sorte de dictature de l'occasion là où devraient régner la permanence et la responsabilité.

Qui ne peut soupçonner alors que se creuse ainsi une entaille dans l'engagement public en faveur de la culture, une brèche pour un désengagement gouvernemental sous couvert d'une démocratisation qui, en fait, n'est qu'une marchandisation de la culture ?

Dans ce contexte, la convocation d'André Malraux, que j'entends évoquer souvent en ce moment, est un véritable reniement, une gifle assenée à sa pensée lorsqu'il a, par exemple, écrit, dans le Musée imaginaire : « Le musée est un des lieux qui donnent la plus haute idée de l'homme ».

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