Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord vous remercier de vos interventions concernant le projet de musée universel d'Abou Dabi, que je considère, pour ma part, comme une très belle aventure.
Mme Goulet et M. de Broissia l'ont rappelé, ce projet sera l'occasion de créer un lien extraordinaire avec ces régions peu connues, dont nous avons une image assez caricaturale, et qui ont leurs propres richesses culturelles. Cette passerelle entre nos deux cultures est valorisante et intéressante en soi.
Tout a été dit par les différents intervenants, mais l'essentiel est que la France a été sollicitée par une région située dans une zone anglophone pour concevoir un musée. L'Émirat d'Abou Dabi a en effet choisi la culture comme vecteur de son rayonnement et s'est tourné vers notre culture pour faire rayonner la sienne. Cette démarche ne pouvait être rejetée.
Cinq musées seront édifiés sur l'île de Saadiyat et il est très important que le Louvre fasse partie de cet ensemble. C'est un bel hommage rendu à notre ingénierie culturelle, à nos savoir-faire, à nos capacités scientifiques et, bien entendu, à l'extrême richesse de nos oeuvres.
On a déjà dit quel était l'intérêt, non négligeable, d'un tel projet pour notre pays : nous allons participer à la conception de ce musée, définir son projet scientifique, diriger la constitution des collections. Nous le laisserons ensuite totalement libre ; ce musée deviendra autonome et nous entretiendrons avec ses responsables des relations plus égalitaires.
Il s'agit d'un très beau projet, en dehors notamment des apports financiers qui sont de première importance pour le Louvre, comme l'indiquent les chiffres qui ont été rappelés.
On croit toujours que le musée du Louvre est achevé et qu'il n'a besoin de rien. Or le Grand Louvre est un projet en devenir permanent. Les apports financiers ainsi obtenus permettront en particulier d'améliorer le projet « Pyramide », qui doit assurer au Louvre de nouveaux espaces et moyens d'accueil et d'information, et de réaliser le déménagement du centre de recherche et de restauration des musées de France, le CRRMF, qui se trouve actuellement dans le Pavillon de Flore, et qui pourra ainsi rejoindre le futur centre de réserves destiné à abriter les collections de plusieurs musées menacés par la crue que nous redoutons tous.
Il s'agit donc d'un projet d'intérêt général non seulement pour le Louvre, mais aussi pour les musées participants. Tous les musées seront en effet libres de collaborer à ce projet ; ils s'adresseront à l'Agence internationale des musées de France ou ils seront sollicités par celle-ci. On peut imaginer, par exemple, que le musée Toulouse-Lautrec d'Albi soit invité à participer à une exposition et recueille, en retour, les moyens nécessaires à l'enrichissement de ses propres collections et à l'amélioration de la présentation des oeuvres ou de l'accueil du public.
Ce qui est très important, c'est que les fonds ainsi recueillis bénéficieront, dans tous les cas, aux oeuvres et au public.
Plusieurs orateurs ont déploré les conditions de secret qui ont présidé à l'élaboration du projet de musée universel. Cette extrême discrétion avait été souhaitée par les Émiratis, qui ne voulaient pas ébruiter cette affaire et qui ont préféré indiquer un chiffre global sans fournir de détails trop précis. Cette longue période de silence a été brisée en janvier dernier, lorsque mon prédécesseur a été auditionné par les membres de la commission des affaires culturelles.
Soyez assurés qu'à l'avenir la plus totale transparence présidera à la poursuite du projet et que les responsables de l'Agence, de même que les services du ministère de la culture, répondront à toutes vos invitations afin de vous informer des développements de l'opération.
Mme Cerisier-ben Guiga a exprimé la crainte que l'État ne profite de cette manne financière pour se désengager. Il n'en est absolument pas question : l'accord est tout à fait clair sur ce point. Les fonds versés ne feront que s'ajouter aux actions déjà menées en faveur des oeuvres, des collections et du public. Ils ne serviront en aucun cas à combler les manques d'un État supposé défaillant. L'État continuera à remplir son rôle.
M. Nachbar a évoqué, en particulier, le nom du Louvre. Il existe un débat, et même une polémique, portant sur le fait que le Louvre reçoit des fonds en contrepartie de l'utilisation de ce nom. Mais ce n'est pas une marque destinée à être vendue, bradée et reproduite sur quantité de produits dérivés ; c'est simplement le symbole même de notre coopération.
Le Louvre ne va pas fermer ses portes à Paris et déménager à Abou Dabi ! Il n'est pas non plus question d'ouvrir une antenne du Louvre à Abou Dabi ; c'est un musée indépendant qui sera construit.
Comme l'a dit Philippe Nachbar, au travers de cette opération, c'est un bel hommage qui est rendu au rayonnement de notre musée universel.
Mme Morin-Desailly a regretté que les collectivités locales n'aient pas été davantage associées, mais une telle coopération était difficile à mettre en place. En revanche, et c'est important, les musées locaux y seront associés et auront toute liberté pour participer aux projets communs.
Vous avez également souligné, madame la sénatrice, que toutes les garanties juridiques et scientifiques étaient réunies. En effet, un comité scientifique de très haut niveau, présidé par M. Henri Loyrette et composé des plus hauts responsables des musées participants, a été placé la tête de ce projet, dont Mme Laurence des Cars, conservateur au musée d'Orsay, est la directrice scientifique.
S'agissant du public, la politique est actuellement à l'étude et sera définie ultérieurement. Le public concerné sera, tout d'abord, les habitants des pays du Golfe, qui représentent une population d'environ 150 millions de personnes, ce qui n'est pas négligeable. Cette « clientèle naturelle » pourra ainsi découvrir une autre culture. Il s'agira, ensuite, des touristes. Nous sommes bien contents, dans les musées français, de recevoir des touristes ! En tout cas, à Versailles, je les accueillais avec grand plaisir.