Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à souligner la richesse des interventions que nous venons d'entendre au cours de cette discussion générale.
Chacun, à commencer par M. le rapporteur, a exprimé la nécessité d'affirmer deux priorités.
La première est effectivement fondamentale : c'est le respect de l'éthique dans la pratique sportive, quel que soit le niveau de celle-ci.
La deuxième priorité, à laquelle je souscris tout autant, est d'éviter que cette évolution importante de notre dispositif de lutte contre le dopage ne se traduise pas par une moindre rigueur.
Monsieur Fortassin, vous évoquiez à l'instant le cyclisme et les efforts accomplis dans ce sport pour lutter contre le dopage. Certes, le dispositif mis en place était très perfectionné, mais il y a tout de même eu l'affaire Cofidis.
Selon moi, cette affaire et surtout les révélations faites par l'un des coureurs de cette équipe - je ne citerai pas son nom, mais il en est l'un des principaux protagonistes - sont tout à fait caractéristiques. Ce coureur a en effet raconté comment il passait son temps à contourner la loi : connaissant la date du contrôle mené dans le cadre du suivi longitudinal deux jours avant qu'il n'ait lieu, il se « lavait le sang ». Il faisait de même avant les contrôles inopinés qu'il savait devoir subir pendant les stages. Il a également expliqué comment il pouvait, avec de nouvelles doses d'EPO, passer au travers des mailles des contrôles effectués lors des compétitions.
Tout l'enjeu de la lutte antidopage consiste aujourd'hui à renforcer l'efficacité de celle-ci. Il faut faire en sorte que les contrôles effectués dans le cadre du suivi longitudinal, d'une part, et les contrôles inopinés, d'autre part, qu'ils aient lieu sur notre sol ou n'importe où ailleurs dans le monde, soient beaucoup plus aléatoires, donc beaucoup plus efficaces, afin de permettre de débusquer les tricheurs là où ils sont, tous les tricheurs : non pas seulement les coureurs ou les athlètes, mais aussi ceux qui leur fournissent les produits.
Comme je l'ai dit lors de mon propos préalable, un important travail de lutte contre le trafic des produits dopants est mené en collaboration avec Interpol. Le président de l'AMA, Richard W. Pound, doit d'ailleurs rencontrer le secrétaire général d'Interpol afin d'oeuvrer en ce sens.
S'agissant du respect de l'éthique, dès lors que le sport de haut niveau représente effectivement un magnifique exemple pour nos jeunes, le respect des règles n'en est que plus impératif.
Quant à la seconde priorité, ne pas baisser la garde et veiller à ne pas affaiblir nos positions, je la fais totalement mienne : en tant que membre de la commission exécutive de l'Agence mondiale antidopage, je défends ces positions, qui sont aussi celles des autres pays européens.
M. Dufaut a évoqué le rôle du Laboratoire national de dépistage du dopage. Certes, celui-ci va se trouver dessaisi d'une partie de ses prérogatives en matière de contrôle lors des compétitions de niveau international. Mais rien ne dit que les fédérations internationales ne délègueront pas à l'AFLD, et donc au LNDD, le soin de mettre en place les contrôles pour leur compte. La loi le permet et je pense que cela se passera ainsi.
Pour autant, le Laboratoire national pourra certainement dégager des marges de manoeuvre afin d'engager des programmes de recherche et d'effectuer sur le territoire français de nouveaux contrôles pour le compte de l'AFLD, à l'occasion de compétitions internationales comme à l'entraînement, sur des sportifs nationaux ou étrangers.
Par conséquent, on dégage des marges de manoeuvre - je reviendrai tout à l'heure sur la question du budget - et on cible mieux l'action du LNDD, qui est, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, l'un des plus performants, s'agissant notamment de la recherche sur l'hémoglobine réticulée, l'EPO, les glucocorticoïdes et les hormones de croissance. Il est d'ailleurs toujours en phase de recherche.
Je précise que ce laboratoire doit maintenir son standard en matière de recherche et ne surtout pas être pénalisé par rapport aux autres laboratoires étrangers qui se consacrent uniquement au traitement et à l'analyse.
Ce sujet est actuellement évoqué au sein de l'Agence mondiale antidopage. Un groupe de travail dont la mission est de déterminer les standards en matière de recherche et de contrôle est d'ailleurs en phase de constitution, afin d'éviter que les laboratoires à la pointe de la recherche, comme le nôtre, ne soient affaiblis. Je suis pour ma part très attentif à cette question en tant que membre de la commission exécutive.
Monsieur Valade, vous avez rappelé que, en 2004, le Laboratoire national avait traité près de 9 000 contrôles, alors quand l'AMA n'en avait réalisé que 5 000. Mais il faut savoir que les contrôles effectués par l'AMA sont tous inopinés, ce qui représente un apport d'informations d'une grande richesse.
J'ai tenu, avec d'autres membres de la commission exécutive de l'AMA, à ce que ce volume de 5 000 contrôles soit maintenu en 2005 et en 2006, car ceux-ci constituent un moyen d'investigation très important à l'encontre de sportifs qui se réfugient dans de véritables « paradis du dopage » ; nous en avons tous des exemples à l'esprit. Ces contrôles nous permettent de débusquer les tricheurs là où ils s'entraînent, et où ils pensent être à l'abri des regards.
L'Agence mondiale antidopage est donc au coeur de ce dispositif et l'Agence française, grâce à son indépendance, évoquée par M. Voguet, a toute sa place au sein du réseau d'agences.
Monsieur le président Valade, vous avez également évoqué, comme d'autres orateurs, le problème de la recherche. Pour simplifier, je diviserai ce sujet en deux volets.
D'une part, la recherche qui concerne strictement le dopage, consistant à rechercher les nouveaux procédés et les nouveaux produits, est de la compétence du Laboratoire national de dépistage du dopage et de l'Agence française de lutte contre le dopage, en relation avec l'Agence mondiale antidopage et les autres laboratoires de recherche.
Ce réseau existe d'ores et déjà. Ainsi, notre laboratoire de Châtenay-Malabry collabore avec les laboratoires grec, australien et suisse sur des programmes de recherche pilotés par l'AMA.
D'autre part, la recherche médicale dépend désormais du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative. J'aurai donc la charge de coordonner l'ensemble du dispositif. Mais pour cela, il faut des outils !
Vous l'avez dit, monsieur Valade, la recherche en matière de médecine du sport, de prévention et de santé des sportifs est trop diffuse. Beaucoup d'initiatives existent, mais elles sont très dispersées et souffrent d'un manque de coordination. J'ai d'ailleurs demandé au professeur Jean-François Dhainaut, président de l'université René Descartes-Paris 5, de me remettre un rapport sur le sujet, ce qu'il a fait il y a deux jours.
Nous allons donc mettre en place au sein de l'Institut national du sport et de l'éducation physique - un INSEP refondé et rénové puisque, comme vous le savez, je consacre 115 millions d'euros à cette rénovation - un institut de recherche médicale. Celui-ci aura pour mission de coordonner l'ensemble du dispositif en matière de recherche, non pas seulement à l'INSEP, mais sur l'ensemble du territoire, et de lancer des programmes de recherche ambitieux en matière de santé par le sport : je pense notamment à la pratique sportive de haut niveau, mais aussi à la santé des enfants, de plus en plus nombreux à être touchés par l'obésité dans notre pays ; je pense également au sport en tant que facteur de lutte contre la sédentarité, notamment chez les seniors.
Je répondrai d'un mot à l'inquiétude qui a été exprimée à propos des antennes médicales de lutte et de prévention contre le dopage. Il est vrai qu'aujourd'hui ces antennes sont peu performantes. Ainsi, le lien entre le centre d'appel « écoute dopage », basé à Montpellier, et ces antennes, est peu efficace. Je ferai donc en sorte, dès que ce projet de loi sera adopté, d'assurer une meilleure coordination de leur travail.
Je vous informe que 500 000 euros sont destinés aux antennes médicales dans le projet de budget pour 2006, afin que celles-ci puissent remplir leur fonction d'alerte, en particulier auprès des jeunes sportifs et surtout de leurs familles. Il est en effet essentiel que celles-ci comprennent mieux ces phénomènes de dérive qui peuvent entraîner peu ou prou un jeune vers le dopage lorsqu'il y est encouragé par un membre de son entourage sportif.
MM. Voguet et Todeschini ont évoqué le problème des moyens consacrés à la lutte contre le dopage.
Vous avez déploré, monsieur Todeschini, une baisse de ces crédits depuis 2002.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : en 2003, ce budget était de 16, 5 millions d'euros ; il est passé l'année suivante à 17 millions d'euros pour atteindre 19 millions d'euros en 2005. Pour 2006, le projet de loi de finances prévoit un budget de 20 millions d'euros. Nous sommes donc passés en quatre ans de 16, 5 millions d'euros à 20 millions d'euros, et, pour ma part, je ne parlerai donc pas d'une baisse.
Certes, la lutte contre le dopage appelle une réorganisation, une évolution à la suite de l'évaluation à laquelle nous avons procédé, mais les moyens sont là, et, monsieur Voguet, si je ne me suis pas permis d'inscrire dans le projet de loi de finances pour 2006 les moyens de l'AFLD, la future Agence française de lutte contre le dopage, c'est parce qu'il aurait été, vous en conviendrez, assez méprisant à l'égard de la représentation nationale d'établir un budget faisant état de l'installation de cette Agence alors que la loi n'a pas encore été votée.
J'ai donc souhaité attendre, et, bien évidemment, les moyens destinés à l'AFLD feront l'objet d'un amendement. Pour votre information, nous estimons ces moyens à environ 6, 8 millions d'euros, pour assurer le fonctionnement de l'Agence ainsi que celui du Laboratoire national de dépistage du dopage.
Par ailleurs, vous interprétez tous l'alignement de la liste des produits interdits de la France sur la liste de l'Agence mondiale antidopage comme un fait nouveau. Or, depuis la loi du 23 mars 1999, la France appliquait, non pas la liste de l'AMA puisque l'AMA n'existait pas encore, mais la liste du CIO. La transposition s'effectuait donc déjà.
Comme vous, je regrette qu'il y ait deux listes, une liste en compétition et une liste hors compétition, sur laquelle les stimulants, voire les drogues « sociales », comme la cocaïne, ne sont pas inscrits. Chaque fois que je me rends à l'AMA, je me bats pour que ces produits soient intégrés dans les deux listes, mais, dès lors qu'en 1999 le principe des deux listes a été accepté, il est difficile de revenir en arrière.
Enfin, je reconnais que les AUT, en particulier les AUT allégées, évoquées notamment par M. Gouteyron, suscitent une véritable interrogation à laquelle nous tenterons aussi de répondre le 20 novembre, lors de la commission exécutive de l'AMA.
Il y a encore un besoin de pédagogie et d'interprétation des AUT allégées. Pour autant, je rappelle que, si un athlète peut déposer une demande d'AUT allégée en amont de la compétition, la commission médicale peut préempter l'autorisation et remettre en cause son principe si elle estime que celle-ci est surannée et n'est pas en adéquation avec le profil de santé de l'athlète.
S'il est donc vrai que la réflexion n'est pas finalisée - un travail d'études est d'ailleurs en cours sur ce sujet et devrait nous permettre d'aboutir à des AUT allégées plus performantes et plus pertinentes -, un moyen de remettre en cause a posteriori le principe des AUT allégées, lesquelles sont nécessaires, vous en conviendrez, pour un certain nombre de produits, est donc aujourd'hui à la disposition des commissions médicales, en particulier celles des fédérations internationales et de l'AMA, si elles estiment que le sportif a outrepassé, bien sûr avec le soutien d'un médecin peu scrupuleux, les limites de ce type d'autorisation.
Mais nous aurons, mesdames, messieurs les sénateurs, l'occasion de revenir plus précisément sur tous ces points lors de l'examen des amendements.