Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 17 novembre 2005 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Débat sur l'assurance maladie

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

« Notre système de protection sociale n'est plus financé. Nous risquons de laisser aux générations qui suivent un lourd passif à épurer ».

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà ce qu'écrit la Cour des comptes dans son rapport sur le financement de la sécurité sociale. Le verdict est aussi limpide qu'inquiétant, surtout lorsqu'on fait un parallèle avec la phrase d'introduction de ce même rapport : « Le régime général accuse un déficit de 13, 2 milliards d'euros en 2004, ce qui est sans précédent dans l'histoire de la sécurité sociale. De la même manière toutes les branches sont pour la première fois déficitaires ». Certaines le sont même de façon récurrente, c'est le cas de l'assurance maladie. Ce cas est d'autant plus révélateur que l'essentiel du déficit des régimes de sécurité sociale provient de celui de la branche maladie.

Une réforme de l'assurance maladie, dite « de la dernière chance » et portée par M. Douste-Blazy, a donc été votée en août 2004. Son objectif était de permettre le retour à l'équilibre des comptes en 2007. Il s'agit d'une véritable gageure alors que le déficit pour 2005 est estimé à 8, 3 milliards d'euros et que la réduction de son montant par rapport à 2004 résulte d'artifices comptables et repose pour l'essentiel sur les efforts imposés aux assurés sociaux.

Augmentation des prélèvements et diminution des remboursements permettent au Gouvernement de se prévaloir d'une réduction du déficit. Certes, mais pour quel résultat et surtout à quel prix ? Le déficit reste plus que préoccupant, les prévisions pour 2006 ne sont pas considérées comme crédibles et la réforme d'août 2004 n'est pas à la hauteur des enjeux. Une véritable réforme structurelle de l'assurance maladie, fondée sur une meilleure organisation du système de soins, et la mise en oeuvre d'une politique de santé publique restent encore à faire.

D'ailleurs, les résultats obtenus par la réforme de 2004 sont tellement peu brillants que le Gouvernement tente d'en rehausser l'éclat en se référant à des déficits potentiels abyssaux qui auraient pu se chiffrer au double de celui qui est finalement réalisé ! On peut vous comprendre, monsieur le ministre, un déficit de l'assurance maladie estimé à 8, 3 milliards d'euros, c'est lourd à assumer... En revanche, dire que le déficit aurait dû atteindre 16 milliards d'euros et qu'on a réussi à le diviser par deux, c'est nettement plus glamour.

Ainsi, plutôt que de se féliciter de l'efficacité de son plan, le Gouvernement ferait mieux de remercier les assurés sociaux. Car ce sont eux qui assument le financement de la réforme de l'assurance maladie. Ce sont eux qui ont amorti les effets de sa mauvaise gestion, en supportant une franchise d'un euro par consultation, la hausse du forfait hospitalier, l'augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG, et celle de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS.

Et, puisqu'ils ont payé hier, ils paieront demain. Le plan de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne les épargne pas. Une fois de plus, les assurés sociaux seront mis à contribution, en remboursant de façon anticipée les prélèvements sur les revenus de leur plan d'épargne logement, en subissant un moindre remboursement s'ils ne font pas le choix du médecin traitant, en faisant les frais de la liberté tarifaire sauvage que pratiquent de plus en plus certains médecins, en encaissant une nouvelle hausse du forfait hospitalier, en endurant la mise en place d'une franchise de dix-huit euros pour les actes d'un montant supérieur à quatre-vingt-onze euros et en supportant la diminution du taux des indemnités journalières pour les arrêts maladie de plus de six mois.

Ainsi, pendant que les médecins et les laboratoires voient leurs marges progresser, les assurés sociaux voient, eux, augmenter leurs cotisations, tandis que s'amenuise leur prise en charge. C'est une situation d'autant plus injuste qu'ils sont déjà, en tant que citoyens, victimes de l'échec global de la politique du Gouvernement.

En effet, les recettes de l'assurance maladie, assises essentiellement sur les revenus du travail, dépendent du dynamisme économique de notre pays. Or, croissance en berne et emploi en panne étant devenus les fondamentaux de votre politique, les Français ont droit à la double peine : une vie quotidienne de plus en plus difficile et une protection sociale réduite, des contributions en hausse et la culpabilisation en prime.

Pis encore, le financement de l'assurance maladie, en s'appuyant essentiellement sur les assurés sociaux, ne permet pas de s'attaquer à la réforme nécessaire de notre système de santé et met à mal certains fondements essentiels de notre pacte social.

Selon les principes de 1945, notre système d'assurance maladie doit atteindre trois objectifs : permettre l'accès de tous à des soins de qualité, avoir un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé et assurer un financement pérenne fondé sur la solidarité.

Le rôle de l'assurance maladie, vue trop souvent comme un simple organisme payeur, ne se limite pourtant pas aux remboursements, il est également qualitatif.

Parce que l'égal accès aux soins est un droit, l'assurance maladie organise le système de soins, assure le contrôle des actes, a un rôle en matière de formation et d'information des personnels de santé comme des assurés et fixe également l'allocation budgétaire des hôpitaux. Or, malgré la réforme d'août 2004, non seulement le déficit de l'assurance maladie n'est pas maîtrisé, mais les inégalités dans l'accès aux soins ne cessent de croître, certains territoires deviennent des déserts médicaux et l'hôpital public est en crise.

On est en train de passer d'un système où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, à un système où seuls ceux qui auront les moyens auront accès à des soins de qualité, tandis que les autres ne bénéficieront bientôt plus que d'une protection minimale.

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