Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 17 novembre 2005 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Article additionnel avant l'article 26

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Par cet amendement, nous entendons renouer avec la tradition d'accueil, de solidarité et de prévention qui fut celle de notre pays.

L'article 57 de la loi de finances rectificative pour 2002, introduit par la majorité parlementaire, a mis en place une forme de ticket modérateur sur le montant de l'aide médicale gérée par l'État en direction de ses ressortissants. Dans les faits, depuis la loi du 15 juillet 1893, les populations les plus fragiles de notre pays, qu'elles soient françaises ou étrangères, pouvaient bénéficier d'un accès gratuit aux soins sans distinction statutaire.

Cette disposition a remis en cause le principe constitutionnel d'égalité.

Pour expliquer ce recul de plus d'un siècle, la majorité de l'époque avait argué de la nécessité de soumettre au droit commun les personnes étrangères, qu'elles soient en situation régulière ou non.

Il s'agissait de respecter l'équité, mais, comme le reconnaissait la majorité, avec la mise en place de la CMU, le dispositif de l'AME s'adressait majoritairement aux étrangers en situation irrégulière.

Or ces personnes ont bien souvent un parcours sanitaire cahoteux, pour ne pas dire quasi inexistant.

Par ailleurs, comme tout citoyen français, elles peuvent se prévaloir des dixième et onzième alinéas du préambule de notre Constitution : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.»

Cette disposition avait également pour objet d'« éviter que nos compatriotes eux-mêmes ne se présentent au service des urgences en prétextant être des étrangers en situation irrégulière ».

À l'époque, nous n'avions pas partagé cette analyse. Elle culpabilisait déjà les assurés sociaux, alors que l'IGAS elle-même considère les dépenses liées à l'AME comme peu fiables.

Vous aviez également estimé cette mesure indispensable pour désengorger les hôpitaux, prétendant qu'en basculant cette population sur les soins de ville une amélioration notable s'ensuivrait.

Mais, bien évidemment, cette disposition ne concernait certainement pas les cliniques privées, ni les laboratoires ou tout autre établissement devant pratiquer des examens radiologiques.

Quant aux médecins, certains font preuve d'humanisme, d'autres pas. En fait d'équité et de soumission au droit commun, cette mesure obéissait seulement à une logique comptable. Elle visait à réaliser des économies sur le dos des plus pauvres, tout en risquant de les mettre en péril. Elle ne s'inscrivait nullement dans une démarche humaniste, méconnaissant les péripéties fantastiques auxquelles avaient été soumis nombre d'ayants droit.

Ces dépenses non négligeables - entre 300 et 450 millions d'euros entre 1999 et 2002 -, couvraient des soins nécessaires et permettaient d'éviter une aggravation des pathologies constatées.

En effet, selon l'association Médecins du Monde, la mise en oeuvre de cette disposition, à laquelle s'ajouteront malheureusement la réforme de 2004, ainsi que les récentes circulaires de cet été, « met tous les jours la santé de milliers de personnes en danger. Les progrès réalisés ces dix dernières années dans le cadre des dispositifs AME et CMU doivent être consolidés au lieu d'être ruinés. C'est pourquoi nous demandons de revenir au dispositif AME qui existait avant décembre 2003 et qui permettait aux plus vulnérables d'avoir un accès effectif et immédiat au système de droit commun. ».

Parce que l'atteinte au dispositif de l'AME constitue une remise en cause du principe constitutionnel d'égalité, parce qu'elle déroge aux dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution, parce qu'elle ne correspond nullement à une démarche de prévention et qu'elle met en cause la notion même de santé publique, nous souhaitons, par cet amendement, revenir à la rédaction initiale de l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles.

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