Intervention de Valérie Létard

Réunion du 27 juin 2005 à 15h00
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

C'est la raison pour laquelle il nous paraît impératif de bien distinguer deux types de prestataires de services à la personne : le premier regroupe l'ensemble des prestataires susceptibles d'être agréées par l'Etat et de bénéficier d'un régime fiscal dérogatoire. Ces prestataires devront remplir, de près ou de loin, une mission d'intérêt général, même s'ils ont une vocation commerciale. Le second type de prestataires, dont l'objet est exclusivement économique, ne pourront pas recevoir d'agrément.

En clair, le principe de concurrence doit être respecté entre des prestataires aux missions comparables. Nous avons déposé deux amendements dans ce sens. Si ce principe n'était pas respecté, les entreprises existantes, notamment les entreprises artisanales, pourraient lourdement souffrir de l'arrivée sur le marché de prestataires agréés avantagés sur le plan fiscal. Elles risqueraient alors d'être mises en difficulté et pourraient se trouver contraintes de licencier leur personnel. Créer des emplois d'un côté pour en détruire de l'autre n'est évidemment pas une manière efficace de lutter contre le chômage.

Une fois le secteur aidé délimité, encore faut-il que l'aide apportée soit efficace et incite à la création d'emploi. Pour ce faire, il convient de solvabiliser une demande déjà existante. C'est l'objet du présent projet de loi. Y parviendra-t-il ? Autrement dit, ouvrira-t-il la possibilité au particulier employeur, qu'il passe ou non par une structure intermédiaire, de rémunérer à sa juste valeur le travail effectué par le salarié ? Nous ne le croyons que partiellement.

Ne nous y trompons pas, le coeur de ce projet de loi ne réside pas dans la création du chèque-emploi-service universel. Le CESU ne fera que prendre le relais des dispositifs déjà existants. La véritable innovation de ce projet de loi réside dans l'aménagement fiscal qui accompagne la mise en place de ce titre unique.

Et, dans le faisceau des dispositions fiscales contenues dans le projet de loi, l'une d'entre elles nous paraît particulièrement à même de répondre aux attentes des consommateurs et des prestataires de services à la personne. Il s'agit de l'exonération totale de cotisations patronales au profit des prestataires de services à la personne. Cette mesure favorisera certainement le développement de l'utilisation du CESU dans sa version titre préimprimé.

Par cette disposition, vous répondez à un besoin réel, monsieur le ministre. Le titre emploi service, imaginé sur le modèle des chèques restaurant, n'a jamais rencontré le succès escompté. Avec une exonération totale des charges patronales, le titre emploi service, remplacé par le CESU dans sa version titre préimprimé, est rendu incontestablement beaucoup plus attractif.

Mais si cette mesure vise à développer les services rendus aux consommateurs par l'intermédiaire de prestataires, que proposez-vous, monsieur le ministre, pour développer les services rendus aux particuliers employeurs ?

Cette question est importante parce que les services à la personne ne pourront se développer dans toutes leurs potentialités que si ces deux modalités sont solvabilisées.

Or, au profit des particuliers employeurs, vous proposez un allégement de quinze points des cotisations patronales de sécurité sociale lorsque l'employeur choisira de cotiser au réel et non au forfait.

Dans l'état actuel du droit, sur la base du SMIC, la cotisation au réel est plus coûteuse pour l'employeur que la cotisation au forfait. Cela revient à dire que l'allégement de cotisation que vous proposez ne compensera que l'augmentation du coût de l'intervention engendrée par le choix du réel.

Dans le présent projet de loi, vous avez fait un choix, monsieur le ministre : privilégier le développement des services rendus par des prestataires mandatés au détriment de ceux qui le seront dans le cadre d'une relation directe de prestataire à particulier employeur. Avec un tel choix, le défi du développement des services à la personne ne nous semble qu'à moitié relevé.

C'est pourquoi, à l'instar de notre commission des affaires sociales, nous proposerons de remplacer l'exonération de cotisations sociales patronales de quinze points par une exonération de 50 %. Par cet amendement, il s'agira de répondre pleinement aux attentes des particuliers employeurs.

Dans le même ordre d'idées, nous vous proposerons de déplafonner le nombre d'heures ouvrant droit à une exonération totale de charges patronales de sécurité sociale au profit des employeurs dépendants ou handicapés.

A côté de ces deux questions qui nous paraissent centrales, vous ouvrez, monsieur le ministre, la possibilité de payer les assistantes maternelles à l'aide du CESU ou de verser l'APA au moyen de ce chèque universel ; nous saluons cette initiative. La mise en place d'un guichet unique des services à la personne, avec la création d'une Agence nationale des services à la personne chargée de piloter la réforme, est aussi une mesure de simplification tout à fait intéressante dans la mesure où cette dernière jouera bien le rôle qu'on attend d'elle.

A cet égard, nous avons déposé un amendement tendant à en préciser l'organisation.

Par ailleurs, l'examen de ce projet de loi doit être l'occasion de mettre l'accent sur la qualité des services rendus à la personne. Nous défendrons deux amendements allant dans ce sens. Il nous semble notamment indispensable que la qualité des prestations rendues dans le cadre de l'APA fasse l'objet d'un contrôle rigoureux.

Enfin, nous partagions les mêmes inquiétudes que celles que nos collègues députés avaient exprimées s'agissant de la compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges. Mais le Gouvernement nous a rassurés sur ce point en s'engageant à ce que toutes les exonérations soient intégralement compensées par l'Etat.

Le présent projet de loi comprend ensuite une deuxième partie qui vise à aménager certaines des dispositions qui ont été adoptées dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005.

S'agissant du volet relatif à la cohésion sociale, je serai brève, car il ne s'agit pas de refaire ici le débat qui nous a occupés au cours de l'automne dernier. Toutefois, certaines des mesures envisagées ne sont pas anodines et vont, globalement, dans le bon sens.

La principale d'entre elles concerne le contrat d'avenir. Ce contrat était l'un des outils phares du plan de cohésion sociale. Il est réservé aux titulaires de minima sociaux, et il nous semble positif que sa durée puisse être inférieure à deux ans, avec un plancher de six mois, pour les ateliers et les chantiers d'insertion. Si le dispositif initial n'est pas remis en cause puisque la durée de droit commun demeure fixée à deux ans, il est cependant assoupli et adapté à certaines missions circonscrites.

Un autre aménagement utile est l'ouverture du contrat d'avenir et du CI-RMA aux titulaires de l'allocation aux adultes handicapés.

Lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, nous étions déjà favorables à une telle ouverture. Il s'agit sans conteste d'une avancée. Toutefois, ce type d'adaptation ne doit pas faire oublier le fait que l'architecture actuelle des minima sociaux et de leurs droits connexes est source d'incohérences et risque de rendre captifs leurs bénéficiaires.

Le groupe de travail de notre commission des affaires sociales, que j'aurai l'honneur de conduire, se penchera plus avant sur ces questions à la rentrée prochaine et fera des propositions pour l'avenir qui seront, je l'espère, constructives.

Toujours dans la partie relative à la cohésion sociale, la suppression par l'Assemblée nationale de l'article 17 du projet de loi me paraît une excellente décision. En effet, prévoir une exception à la règle de surface minimale de 9 mètres carrés pour la mise en location d'un logement, fût-il à l'usage d'un étudiant, n'aurait en aucun cas réglé le problème de fond de la crise que connaît toute la chaîne du logement.

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