Intervention de Michèle San Vicente-Baudrin

Réunion du 27 juin 2005 à 21h30
Services à la personne et mesures en faveur de la cohésion sociale — Article 1er suite, amendement 77

Photo de Michèle San Vicente-BaudrinMichèle San Vicente-Baudrin :

Madame la ministre, à quoi servira l'Agence nationale des services à la personne ? La définition de ses activités, qui est fixée dans le projet de loi, est extrêmement floue, et ce n'est pas la brièveté du débat à l'Assemblée nationale qui nous apportera des réponses.

Sans nous immiscer dans ce qui relèvera du domaine réglementaire, nous souhaitons, par l'amendement n° 77, que soit insérés dans le projet de loi des éléments de définition plus précis, par le biais des missions qui seront finalement dévolues à l'Agence.

Cantonner l'Agence nationale des services à la personne à une mission de promotion reviendrait à en faire une sorte d'agence de publicité, mais pas une structure susceptible de conseiller utilement le Gouvernement.

Il convient aussi de mettre particulièrement l'accent sur le secteur médicosocial, qui ne dispose pas d'emplois en nombre suffisant pour faire face à des besoins de plus en plus grands.

Tout est lié : le besoin de développer les services, celui d'augmenter le nombre d'emplois et celui de former les personnels dans une perspective de qualité. L'Agence pourrait utilement jouer ce rôle moteur auprès des différents partenaires.

Cet amendement prévoit donc que l'Agence élabore et assure le suivi d'un plan d'incitation au recrutement et à la formation pour les emplois de services en direction des personnels concernés, notamment auprès des structures médicosociales, en s'appuyant sur le fonds de modernisation de l'aide à domicile.

L'amendement n° 78 complète l'amendement n° 77 et tend à faire en sorte que l'Agence intervienne auprès des différents partenaires - entreprises et associations, représentants des personnels, représentants des usagers - pour les mettre régulièrement en relation, et ce toujours afin d'améliorer la qualité du service.

II ne nous semble pas sérieux d'envisager les services à la personne comme un simple gisement d'emplois, sans mettre en oeuvre les modalités de développement de ces types d'emplois. Ainsi, la formation est un élément indispensable. Mais il convient également de prévoir une amélioration des conditions de travail, dont nombre de salariés du secteur se plaignent aujourd'hui à juste titre.

Emplois précaires, temps partiels contraints, salaires trop bas, parcellisations des interventions sur une aire géographique trop importante, sous-qualifications qui entraînent des difficultés à réaliser des tâches pour lesquelles le salarié n'a pas été préparé, perspectives d'évolution dans la profession inexistantes : tous les éléments qui font que certaines professions sont délaissées sont réunis ici. Il nous faut être lucides sur ce point !

Nous ne pouvons nous en remettre à une hypothétique négociation à venir des partenaires sociaux sur cette question qui a un impact non négligeable sur tout un pan de la santé publique.

Sauf à contraindre les chômeurs d'aller vers ces métiers de services en les menaçant de supprimer leur allocation chômage, dans les conditions actuelles, nous aurons le plus grand mal à trouver des personnels pour exercer ces tâches indispensables. Ceux que nous trouverons auront les plus grandes peines à demeurer dans leur emploi en raison des conditions qu'on leur impose, à l'instar de ces professions où les employeurs se plaignent de manquer de main-d'oeuvre.

Or, dans les services à la personne, en particulier quand il s'agit de personnes âgées et d'enfants, la motivation est essentielle et ne peut naître sans intérêt pour le travail. Cela suppose non seulement des conditions matérielles favorables, mais aussi une meilleure considération, la conscience d'exercer un véritable emploi qualifié, reconnu, rémunéré en fonction de son utilité sociale, ainsi que la perspective d'acquérir de nouvelles qualifications.

Quel organisme serait le mieux placé à l'échelon national pour mettre en oeuvre ces mesures nécessaires, sinon l'Agence nationale des services à la personne ?

L'amendement n° 79 tend à préciser le rôle et les missions que le Gouvernement entend confier à l'Agence nationale des services à la personne. S'il s'agit d'« un établissement public national à caractère administratif », elle devra fonctionner, en vertu de la législation, avec des personnes sous statut ou des contractuels de droit public. Dès lors, préciser qu' « elle peut recruter des contractuels de droit privé pour une durée déterminée ou pour une mission déterminée » pose question.

En effet, cette mention nous fait craindre que les missions de l'Agence ne se réduisent qu'à l'élaboration de statistiques, des études diverses ou des actions de publicité baptisées promotion.

Pis encore, cela revient à instaurer la précarité dans une agence qui sera chargée de développer des emplois... précaires. Cela ne manque pas d'ironie !

La notion de « mission » réapparaît au travers de ce projet de loi, ce qui n'est pas sans rappeler le rapport Virville. Le texte indique, en effet, que ces salariés seront recrutés en CDD « ou pour une mission déterminée ». Certes, nous comprenons bien que le Gouvernement ne veuille pas contrevenir lui-même à la définition des conditions d'un recrutement en CDD, telle qu'elle est fixée par le code du travail. Néanmoins, l'expression « ou pour une mission déterminée » est porteuse d'ambiguïté, surtout en ces temps de législation par ordonnances.

C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous souhaitons que vous nous précisiez le statut exact de ces salariés.

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