Cet amendement me donne l’occasion de rappeler que la raison d’être du bouclier fiscal était de servir d’outil à la remise en cause de l’impôt de solidarité sur la fortune et d’imposer ainsi aux Français une sorte de donnant-donnant : « Puisque vous êtes attachés à la justice sociale et fiscale, d’accord pour supprimer le bouclier, mais acceptez alors une baisse de l’ISF ! ».
L’examen des faits est sans pitié ! Je vous donnerai donc quelques éléments chiffrés pour bien vous montrer dans quelle situation nous sommes.
Moins de 20 000 foyers fiscaux ont fait appel au bouclier fiscal. Nous sommes donc loin des 100 000 annoncés en 2005 !
Parmi ces 20 000 foyers fiscaux figurent une majorité de titulaires de faibles revenus. Encore heureux que les contribuables de l’ISF ne soient pas majoritaires dans le nombre des bénéficiaires du bouclier fiscal !
Pour ceux qui auraient quelque peine avec les ordres de grandeur, rappelons juste que les 550 000 ou 600 000 contribuables de l’ISF ne représentent que 1, 5 % des 36 millions de contribuables de notre pays !
Les bénéficiaires du bouclier fiscal non redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune se voient rembourser au total 5, 5 millions environ, ce qui signifie que 53 % des bénéficiaires du bouclier fiscal se partagent 1 % de son enveloppe !
En moyenne, le cadeau est de 632 euros par an.
S’il fallait encore prouver que le bouclier fiscal ne vise qu’à s’attaquer à l’ISF, nous en aurions, dans ces éléments fournis par le ministère du budget lui-même, la démonstration éclatante.
Nous trouvons même, parmi les « petits revenus », une trentaine de contribuables dont le patrimoine est supérieur à 16 millions d’euros et les revenus imposables inférieurs à 16 000 euros annuels ! Enfin, en théorie, sans doute...
En clair, le bouclier fiscal est l’un des outils de démolition de l’ISF les plus efficaces, détruisant de 15 à 20 % du rendement potentiel de ce juste impôt sur le patrimoine.
Bien abrités derrière le bouclier, nous avons quelques milliers de redevables de l’ISF – moins de 2 % du total – qui se partagent 99 % du bénéfice de la mesure, soit 580 millions d’euros, ce qui fait une moyenne de plus de 75 000 euros de restitution par redevable, soit 120 fois la moyenne de ce qui est rendu aux non-redevables de l’ISF par ce même bouclier !
Cette situation fait du bénéficiaire du bouclier fiscal soit un contribuable très modeste se faisant rembourser sa taxe foncière, soit un contribuable de l’ISF disposant d’au moins 12 000 euros de revenus mensuels !
Une telle situation anéantit d’ailleurs la fiction idéologique qui veut que le bouclier fiscal limite la somme des impôts prise en compte à 50 % du produit du travail de chacun.
Ce ne sont pas les taxes locales, la CSG ou la CRDS qui sont remboursées. À ce niveau, c’est bel et bien, d’abord et avant tout, la taxation du patrimoine qui est visée, encore une fois pour un nombre limité de contribuables !
À croire que soit le bouclier n’était pas sollicité pour éviter d’autres ennuis, soit que l’impôt de solidarité sur la fortune n’est pas si confiscatoire que cela et que la contrainte qu’il représente est finalement acceptée par la très grande majorité de ses assujettis !
En tout cas, il est grand temps que nous mettions un terme à l’existence du bouclier fiscal et que l’État retrouve les 700 millions de recettes fiscales qu’il lui faisait perdre. Il y a tant à faire avec l’argent public qu’il est toujours regrettable de le laisser se disperser !
C’est donc sous le bénéfice de ces remarques que je vous invite à adopter notre amendement.