Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 23 juin 2011 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Article 17, amendements 223 3

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Pour trouver la mesure essentielle de ce projet de loi de finances rectificative, il ne faut pas aller plus loin que l’article 1er. Je veux évidemment parler de l’allégement très sensible de l’impôt de solidarité sur la fortune, que le Gouvernement considère comme une contrepartie nécessaire à la suppression du bouclier fiscal.

Vous soutenez, monsieur le ministre, que ce projet de loi de finances rectificative répond à un objectif de justice et d’équité. Nous considérons, au contraire, que cette réforme n’est rien d’autre qu’un marché de dupes ! Pour 700 millions d’euros gagnés d’un côté, 2 milliards d’euros seront perdus de l’autre : c’est le coût, supporté par l’ensemble des Français, du nouveau cadeau que vous vous disposez à faire aux plus riches.

Nos concitoyens subissent pourtant déjà la très forte diminution des crédits budgétaires alloués à l’éducation, à l’emploi ou à l’action sociale. Ils vivent au quotidien les effets de la suppression de milliers de postes de fonctionnaires.

Bien entendu, les Français établis hors de France sont logés à la même enseigne, ce qu’illustrent, par exemple, la baisse implacable des crédits consacrés à l’action sociale à l’étranger ou le démantèlement continu de nos réseaux consulaire et culturel.

Mais cela ne devait pas suffire ! Voilà que l’article 17 du collectif, que la majorité UMP a voté comme un seul homme à l’Assemblée nationale, soumet les Français fiscalement domiciliés à l’étranger à une taxe sur la résidence qu’ils possèdent en France, trouvant opportunément en eux des « vaches à lait » fort utiles pour financer un cadeau fiscal…

Rappelons en premier lieu que ces Français demeurent aujourd’hui imposables en France dès lors qu’ils perçoivent des revenus de source française. En cas de domiciliation fiscale à l’étranger, ils sont soumis à une taxation forfaitaire alternative sur leur habitation en France ; l’assiette de cette imposition, équivalente au triple de la valeur locative de l’habitation, se voit appliquer un barème progressif, ainsi que le système du quotient familial.

À ce dispositif, qui prend en compte la capacité contributive des non-résidents, on a souhaité substituer une véritable taxe foncière nationale à un taux de 20 %, faisant fi de la progressivité de l’impôt. De plus, cette mesure ne peut qu’encourager la spéculation immobilière puisque les non-résidents qui investissent dans des logements locatifs bénéficient d’une exonération.

Il s’agirait en outre d’une nouvelle stigmatisation des Français de l’étranger, venant s’ajouter au projet d’interdire la binationalité inclus dans le rapport, rendu public hier, de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le droit de la nationalité en France.

Faut-il rappeler que les Français vivant à l’étranger, dans leur immense majorité, ne sont pas des exilés fiscaux, mais des membres de la classe moyenne qui, s’ils peuvent en effet avoir hérité ou acquis un pied-à-terre ou une maison en France, ont surtout le souci légitime de préparer leur retraite ou d’anticiper un éventuel rapatriement d’urgence ?

Il convient d’en finir avec cet amalgame, parfois bien utile, mais tout à fait injuste, entre les Français qui ont fait le choix de tenter leur chance hors de nos frontières, pour des raisons familiales ou professionnelles, ou qui y sont simplement nés, et les multimillionnaires qui s’exilent dans le seul but de se soustraire à l’impôt, et donc à la solidarité nationale.

Dénonçant ce projet de loi de finances rectificative, quelques jours seulement après sa présentation, les élus de gauche à l’Assemblée des Français de l’étranger ont fait voter à l’unanimité une résolution demandant l’abandon de l’article 17.

Il semble que le Gouvernement vienne enfin de découvrir les réalités que ces élus connaissent parfaitement : il était temps ! Il est vrai que les premières élections législatives à l’étranger auront lieu dans moins d’une année…

Quoi qu’il en soit, la nouvelle taxe à laquelle on prétendait soumettre les non-résidents est injuste. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à la supprimer. L’adoption de l’amendement n° 223 du rapporteur général, à l’article 3, en procurant à l’État des recettes d’un montant équivalent au produit de cette taxe, a ouvert la voie à sa suppression.

Il reste que la méthode est révélatrice de l’improvisation et de la recherche du coup d’éclat qui caractérisent la politique que le Gouvernement nous inflige depuis quatre ans. Car enfin, la question demeure : qui paiera la baisse de l’ISF ? Malheureusement, je ne me fais aucune illusion à ce sujet…

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