Intervention de Jean-François Lamour

Réunion du 25 janvier 2007 à 10h30
Convention internationale contre le dopage dans le sport — Adoption définitive d'un projet de loi

Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, de la corruption au dopage, il n'y a qu'un pas : c'est en quelque sorte le même principe délétère qui dégrade l'image du sport, pas seulement en France, mais partout dans le monde.

Vous êtes réunis aujourd'hui pour examiner, après les députés, le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

Cette convention avait été adoptée le 19 octobre 2005, à l'unanimité, par les délégués à la trente-troisième conférence générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l'UNESCO. La France, qui, je le rappelle, est à l'origine de cette proposition de convention, devrait être ainsi le quarante-deuxième pays à la ratifier, après l'Albanie qui l'a fait le 29 décembre dernier, ce qui permet à ce texte d'entrer en vigueur.

Comme vous le savez, cette convention est un instrument nécessaire pour définir et assurer une approche mondiale cohérente de la lutte contre le dopage dans le sport. Le dispositif, que les États ont vocation à adopter, permettra aux sportifs d'évoluer dans un environnement juridique cohérent et équitable, quel que soit le lieu de la compétition ou de la pratique. C'est l'achèvement d'un processus qui permet aux États de converger avec le mouvement sportif international, processus engagé dès 1999, un an après l'affaire Festina.

Depuis 2003, les fédérations internationales, les comités nationaux olympiques et le Comité international olympique ont tour à tour transposé dans leur ordre juridique le code mondial antidopage et les standards internationaux qui y sont annexés.

Cette convention doit conduire l'ensemble de la communauté internationale à adopter, comme nous l'avons déjà fait pour l'essentiel, des mesures spécifiques visant à réduire la possibilité de se procurer et d'utiliser des substances interdites et, à cette fin, à actualiser une liste de référence de substances interdites. Un groupe de suivi, spécialement constitué à cet effet, devra réexaminer périodiquement cette liste et suivre l'application de la convention.

Ces mesures spécifiques doivent également tendre à établir un lien entre l'application stricte de la réglementation antidopage et l'octroi d'aides aux organisations sportives ainsi qu'aux sportifs - en résumé, il s'agit de frapper les tricheurs potentiels au portefeuille -, à instaurer des contrôles antidopage réguliers, tant au cours qu'en dehors des compétitions - ce sont les contrôles inopinés -, à soutenir, concevoir ou mettre en oeuvre des programmes d'éducation et de formation à la lutte contre le dopage pour sensibiliser le public aux effets négatifs du dopage sur la santé et aux valeurs éthiques du sport, et, enfin, à informer le sportif sur ses droits et ses devoirs, en particulier sur les procédures de contrôle.

L'adoption de cette convention viendra ainsi compléter votre action législative dans le domaine particulier de l'éthique sportive et de la préservation de la santé des sportifs, dont la manifestation la plus récente est la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, qui a notamment conduit à la création de l'Agence française de lutte contre le dopage, l'AFLD.

Cette loi a notamment pour objet de clarifier les responsabilités des acteurs internationaux et nationaux, en s'appuyant sur un principe clair, conforme aux principes du code mondial antidopage.

En premier lieu, le contrôle de la loyauté des compétitions internationales doit relever des instances internationales qui ont autorité sur leur organisation.

En second lieu, le contrôle de la loyauté des compétitions nationales relève des autorités nationales, c'est-à-dire, pour notre pays, des fédérations nationales et de l'Agence française de lutte contre le dopage.

Ces dispositions sont compatibles et cohérentes avec les principes généraux que la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport nous fait obligation d'intégrer dans notre droit interne.

Cette répartition des compétences entre les autorités sportives internationales et les autorités nationales a été comprise, admise, et n'a soulevé, à l'occasion des procédures consultatives préalables à l'adoption de la loi du 5 avril 2006, aucune objection juridique.

Je précise ce point car, préalablement à la saisine de la représentation nationale, la question de la compatibilité avec notre droit d'une des dispositions du code mondial antidopage relative à l'appel d'une sanction disciplinaire devant le tribunal arbitral du sport, le TAS, a été débattue.

L'interrogation a porté sur la situation des sportifs de niveau international : les sanctions qui les concerneraient, même infligées par une autorité nationale, à l'occasion d'une compétition nationale, ne pourraient faire l'objet d'un appel que devant le TAS. Il convient de rejeter cette interprétation.

Pour lever toute ambiguïté, il faut donc, mesdames, messieurs les sénateurs, préciser la portée et le sens de cette disposition.

D'abord, la convention ne prévoit pas la transposition littérale du code mondial antidopage, puisque ce texte n'est pas juridiquement intégré, mais seulement annexé, à la convention. Celle-ci précise que les États parties s'engagent à respecter les « principes » de ce code, ce qui exclut toute notion d'applicabilité automatique de ses dispositions en droit interne et laisse ainsi aux États une marge d'interprétation et de transposition. Cela a été clairement rappelé par le Conseil d'État lors de son examen du projet de loi.

Ensuite, il résulte des dispositions mêmes du code mondial antidopage que ces dernières respectent les prérogatives des autorités nationales lorsqu'elles existent. Ainsi, lorsqu'une sanction nationale aura été prononcée contre un sportif français, que ce soit par une fédération nationale ou par l'AFLD, ce sportif pourra épuiser toutes les procédures nationales d'appel et de contestation juridique, devant le juge administratif français dans le cas d'espèce, de la décision disciplinaire. La sanction qu'il encourt n'a alors de portée que pour ce qui concerne les compétitions nationales.

S'agissant des sportifs de niveau international, les fédérations internationales tirent, en ce qui les concerne, toutes les conséquences des sanctions nationales, implicitement ou explicitement. Ces décisions de transposition, dont les conséquences ne concernent que le champ sportif international, ne sont, quant à elles, susceptibles d'appel que devant le tribunal arbitral du sport.

En somme, le principe « à compétitions nationales, compétences nationales, et à compétitions internationales, compétences internationales » sera appliqué.

De ce fait, les portées respectives des sanctions nationales et internationales et leurs procédures d'appel sont respectées et demeurent conformes aux dispositions de notre droit interne, sans que l'on puisse craindre une atteinte à la souveraineté nationale. Telle est l'interprétation, respectueuse des principes du code, qu'il convient de donner à cette disposition.

Sur le fondement de ce principe, la loi du 5 avril 2006 a défini les compétences respectives, en matière de contrôles antidopage, des fédérations et de l'AFLD, compétences qui ont été explicitées par les décrets d'application.

Enfin, certains ont pu prétendre que les sanctions, telles qu'elles sont inscrites dans le code mondial antidopage, seraient automatiques, privant les sportifs de la possibilité d'invoquer la Constitution ou la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Comme je l'ai indiqué, les dispositions du code mondial antidopage sont compatibles avec notre droit interne et nos principes constitutionnels. Ainsi, le Conseil d'État a explicitement considéré que le projet de loi de ratification ne contrevenait ni aux principes constitutionnels ni aux obligations résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en matière de nécessité et de proportionnalité des peines. Les sportifs peuvent être entendus et faire valoir, dans l'examen de leur dossier, les circonstances de la faute qui leur est reprochée. Dès lors, les sportifs bénéficient bien, au travers de cette ratification, de l'ensemble des garanties constitutionnelles et internationales applicables à tout citoyen.

L'interprétation des dispositions du code mondial antidopage que je viens d'évoquer sera d'ailleurs explicitée à l'occasion des travaux du groupe de réflexion ayant vocation à actualiser ce dernier, dans la perspective de la conférence mondiale sur le dopage dans le sport qui se tiendra à Madrid en novembre prochain. En effet, c'est lors de cette conférence que les dispositions du code pourront évoluer. Durant cette période, j'aurai l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, au titre de mes responsabilités au sein de l'Agence mondiale antidopage, l'AMA.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la ratification de cette convention va confirmer la détermination de notre pays à lutter contre le dopage dans une dynamique internationale. Le dopage nie les principes moraux et éthiques qui sont à la base du sport, ruine la santé des athlètes et crée des dommages irréparables à la nécessaire exemplarité de l'exploit sportif. Seules une prise de conscience collective et une action internationale peuvent permettre de lutter efficacement contre ce phénomène dont les effets de plus en plus insidieux n'affectent pas uniquement les sportifs concernés ou le sport lui-même, mais touchent toute la société.

Voilà résumé, mesdames, messieurs les sénateurs, l'essentiel de cette convention qu'il est temps d'introduire, eu égard à sa nature et à sa portée, dans notre édifice normatif. Je remercie le Sénat qui, aux cotés de l'Assemblée nationale, n'a cessé d'apporter un soutien indéfectible à la lutte contre le dopage, soutien qui s'était notamment manifesté par l'adoption à l'unanimité, le 19 octobre 2005, du projet de loi relatif à la lutte contre le dopage.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion