Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 7 mars 2006 à 21h30
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à abroger la loi du 9 août 2004, laquelle a entériné le changement de statut d'EDF.

En effet, EDF reste aujourd'hui la seule entreprise habilitée à exploiter des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire.

Au regard des impératifs de sécurité, il nous semble indispensable de lui conserver son statut d'établissement public industriel et commercial.

D'une part, ce statut permet de garantir une meilleure transparence, tandis que le passage à la gestion privée crée, au contraire, un déficit démocratique en privant les citoyens de leur droit de regard sur la politique de l'entreprise.

D'autre part, la libéralisation du secteur énergétique a de lourdes conséquences sur la gestion de l'entreprise. EDF est incitée à modifier sa politique d'entreprise pour s'adapter au mode concurrentiel, selon lequel les coûts sociaux, les sommes consacrées à la recherche, ainsi que les investissements sont considérés comme des freins à la compétitivité.

La mission de service public qui lui incombe est désormais sous le contrôle vigilant des actionnaires dont l'objectif premier est de disposer d'un retour sur investissement maximal, et non de satisfaire à l'intérêt général.

Par exemple, cette année, la progression du résultat net est de 102 %. Elle s'explique par une hausse de 3, 6 % de l'excédent brut d'exploitation, « sous l'effet notamment des gains de productivité générés par le programme de performance Altitude ».

Les objectifs présentés par le président d'EDF pour la période 2005-2008 sont « une croissance annuelle moyenne du résultat net à deux chiffres » et un « taux de distribution de dividendes de 50 % du résultat net ».

Dans le même temps, ce programme prévoit la suppression de 6 000 à 7 500 emplois d'ici à 2007.

Nous sommes donc fondés à déclarer que sécurité et déréglementation ne font pas bon ménage en matière nucléaire.

En effet, nous estimons que la sécurité nucléaire passe avant tout par la sécurité des installations et les conditions de travail des salariés du secteur.

Dans ce sens, nous pensons que la recherche du profit immédiat, liée à l'actionnariat privé, est antagonique avec la nécessité d'investissements importants, non rentables à court terme. Ces investissements concernent notamment le démantèlement des centrales ainsi que la gestion des déchets.

Il ne faut pas oublier non plus les questions de maintenance. Ainsi, quand la recherche du profit se substitue aux impératifs inhérents à un service public, cela induit un recours accru à la sous-traitance, par des entreprises où les conditions salariales sont plus que critiquables. Cette pratique fait également peser de lourdes craintes sur la sécurité nucléaire.

Aujourd'hui, la plupart des défaillances proviennent de l'homme, poussé par les lois de la rentabilité.

Il faut en effet considérer que la complexité des installations de production d'énergie, leur haut niveau de technicité et les risques qu'elles peuvent représenter requièrent des salariés en nombre suffisant, ayant des compétences individuelles et collectives leur permettant d'assumer leurs responsabilités.

Au-delà des progrès techniques qui peuvent améliorer la sécurité, cette dernière repose en tout premier lieu sur le rôle et la place des hommes dans l'organisation de l'entreprise. Cette exigence est encore plus grande quand il s'agit d'énergie nucléaire.

Or, on l'a dit, sécurité et sûreté ne font pas bon ménage avec la recherche de rentabilité maximale. La sous-traitance, la mobilité forcée, l'individualisation cassent les collectifs de travail des entreprises qui sont à la base de la formation des compétences.

Seul un service public dynamique et renforcé, où le statut, l'organisation et les critères de gestion seront à même de « reconnaître » les compétences et le sens des responsabilités individuelles et collectives permettra aux filières de l'énergie de répondre aux défis de sécurité qui leur sont posés. C'est également l'une des raisons qui justifie notre volonté de revenir au statut d'établissement public industriel et commercial.

Les risques spécifiques liés à la filière nucléaire ne peuvent pas être laissés à une gestion privée.

Ainsi, nous estimons que le secteur énergétique doit au contraire rester sous contrôle public et se consacrer à l'entretien, à la sécurité, au renouvellement du parc et à la recherche d'énergies nouvelles. L'État reste la seule autorité à pouvoir s'inscrire dans une stratégie de long terme et à garantir une sécurité minimale.

Nous vous demandons donc d'adopter cet amendement pour garantir pleinement la sécurité en matière nucléaire.

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