Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 7 mars 2006 à 21h30
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Article additionnel après l'article 1er

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Les accidents et les incidents nucléaires se multiplient ; leur gravité et leur fréquence augmentent. Ainsi, depuis le mois de septembre 2005, quatre plans d'urgence interne ont été déclenchés. Si aucun d'entre eux n'a eu de conséquence sur l'environnement, chacun d'eux atteste d'une dégradation du niveau de sûreté.

Dans toutes les centrales, le constat est le même : la contrainte temporelle exercée sur les salariés s'accroît fortement tandis que leurs conditions de travail et les conditions d'exploitation des installations se dégradent. Cette dégradation tient son origine essentiellement dans une gestion et un management tournés vers la recherche des gains financiers, qui aboutit à la réduction des coûts de maintenance et d'exploitation.

Cette volonté de réduction des coûts passe également par un recours massif à la sous-traitance. On assiste donc à un transfert de compétence du public vers le privé en matière de maintenance.

Le rôle croissant de la sous-traitance s'accompagne d'une pression accrue sur les salariés de ces entreprises : dégradation des salaires, du niveau de protection sociale et des conditions de travail. Ce phénomène se traduit également par une perte de compétence et de savoir-faire en raison d'un recours à une main-d'oeuvre de moins en moins qualifiée.

De plus, les dernières dispositions prises par EDF, avec la prestation globale d'assistance chantier, reportent la responsabilité de maître d'oeuvre d'EDF sur la sous-traitance. Cela risque encore d'amplifier le phénomène de sous-traitance en cascade. Nous constatons en effet la présence simultanée sur les sites de travailleurs employés dans des conditions extrêmement disparates.

Il est peut-être utile de vous rappeler que l'explosion de l'usine AZF à Toulouse avait déjà mis en évidence le fait que le développement de la sous-traitance conduisait à des dysfonctionnements graves. L'usage en cascade de la sous-traitance est d'ailleurs épinglé par le rapport d'enquête parlementaire sur la catastrophe d'AZF.

Aujourd'hui, dans le domaine du nucléaire, 80 % des doses d'irradiation reçues sont subies par des salariés de la sous-traitance. En outre, le recours à l'emploi précaire y est le double de celui constaté dans l'industrie, atteignant parfois 70 % dans les activités à risques professionnels.

Plus globalement, l'obsession du raccourcissement des délais d'intervention et une véritable frénésie d'abaissement des coûts ont d'importantes conséquences sur la sûreté. Le rapport de l'inspecteur général de la sûreté nucléaire, Pierre Wiroth, pointait déjà le risque qui « pourrait insidieusement conduire certains managers à se focaliser plus sur la réduction des coûts que sur les exigences de sûreté ».

Ce renversement des valeurs au profit du rendement dégrade la sécurité des salariés et des populations. Reconnaître le facteur humain dans l'énergie nucléaire est donc la première nécessité.

Ainsi, pour assurer pleinement la sécurité et la sûreté des installations, des personnels et des populations, l'ensemble des activités exercées sur les sites nucléaires en exploitation doit offrir les meilleures conditions de réalisation en termes de conditions de travail, de compétences des personnels et de qualité des opérations effectuées.

Cela implique une amélioration et une harmonisation des garanties sociales dont bénéficient tous les salariés appelés à intervenir sur ces sites, à n'importe quel moment de leur activité

Dans ce sens, le Gouvernement avait pris l'engagement, en 2004, d'ouvrir des négociations interbranches pour harmoniser et améliorer les garanties sociales et les conditions de travail des salariés du nucléaire. Elles n'ont toujours pas eu lieu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion