Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 7 mars 2006 à 21h30
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Article 2 bis

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Je connais par avance l'avis de la commission et du Gouvernement, mais cet amendement est l'occasion de préciser à nouveau notre opinion sur la question.

Nous voici arrivés à la principale innovation de la lettre rectificative : une Haute autorité de sûreté nucléaire, dont la création avait a été annoncée par M. le Président de la République, le 5 janvier 2006. Cette nouvelle autorité administrative indépendante sera chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information.

Le Gouvernement estime que la création d'une autorité administrative indépendante permettra de garantir une meilleure indépendance en matière de contrôle des installations. Pour notre part, nous considérons que, dans ce domaine, une externalisation de ces services par l'État, loin de garantir une indépendance renforcée, laisse présager au contraire une pression accrue des grands groupes industriels sur cette autorité.

En outre, comme le soulignait l'avis du Conseil d'État de 1999, la sécurité nucléaire est une prérogative régalienne. Il s'agit d'un domaine qui ne peut faire l'objet d'une externalisation de l'administration centrale.

La définition des champs de compétence entre l'autorité ainsi créée et la part réservée au gouvernement ne peut donc pas nous satisfaire.

Ainsi, la nouvelle autorité « indépendante » serait constituée d'un collège de cinq membres nommés pour six ans, irrévocables, omnipotents et légalement « irresponsables ». Elle cumulerait les pouvoirs réglementaires, de police, d'imposition et de dépense des taxes spécifiques et d'information, sans assumer la responsabilité de ses actes devant les tiers, puisqu'elle ne serait pas dotée de la personnalité morale.

Le gouvernement, tout en restant responsable devant les tiers, se retrouverait dépouillé de ses propres capacités d'expertise et de contrôle, puisque tous les fonctionnaires s'occupant de sûreté nucléaire et de radioprotection seraient affectés à la nouvelle autorité. L'ensemble du dispositif de sûreté nucléaire et d'information se retrouverait finalement concentré dans les mains de cette Haute autorité.

De plus, cette nouvelle répartition des compétences est source d'insécurité juridique et de lenteur administrative, puisque les actes de cette Haute autorité devront être homologués par les ministres concernés.

Comme nous venons de le voir, cette nouvelle autorité va disposer des moyens de la direction générale de sûreté nucléaire et de radioprotection. Nous aurions alors souhaité que ce projet de loi explicite les moyens humains qui seront maintenus dans les services de l'État pour procéder à l'instruction des demandes visant à la création de grandes installations nucléaires.

À l'inverse de ce que vous proposez, il nous semble au contraire fondamental de renforcer la direction générale de sûreté nucléaire et de radioprotection. Cela passe par une augmentation des moyens humains et matériels qui lui sont accordés. Il s'agit là d'un moyen efficace de garantir une meilleure sécurité nucléaire.

Aucune obligation européenne ou internationale n'imposait la création d'une autorité administrative indépendante. Plus globalement, celle-ci intervient avec, en toile de fond, la libéralisation du secteur énergétique et la privatisation des entreprises publiques. Dès lors, comment ne pas analyser cette création comme le préalable à l'ouverture à la concurrence de l'exploitation de l'installation nucléaire civile ?

Souhaitez-vous donc permettre à Suez, déjà exploitante en Belgique, de s'installer en France ? La coïncidence de sa fusion avec GDF est plutôt significative et laisse présager le pire.

Les exemples dont nous disposons dans la mise en oeuvre de ce type de structures nous poussent à être critiques. Traditionnellement, leur rôle est de garantir la concurrence libre et non faussée en organisant le déclin de l'opérateur historique.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accréditer la création de cette nouvelle Haute autorité de sûreté nucléaire.

Mes chers collègues, cette argumentation vaudra également pour les articles qui viendront ensuite en discussion. Ainsi, nous n'aurons plus non plus à nous expliquer.

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