Intervention de Pascal Clément

Réunion du 13 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Discussion générale

Pascal Clément, garde des sceaux :

C'est ce que vient de confirmer la dernière enquête nationale menée auprès des jeunes participant à la journée de préparation à la défense. Près de 33 % des garçons et près de 22 % des filles âgés de seize à dix-huit ans avaient fait usage de cannabis dans les trois jours précédant leur interrogation. En outre, la consommation de la cocaïne et de l'ecstasy augmente tout en se banalisant.

L'application souple des règles actuelles, par comparaison avec la dureté du texte législatif, peut sembler paradoxale. Près de 100 000 interpellations sont réalisées chaque année pour des infractions liées aux stupéfiants, dont 90 % pour usage de cannabis. Pourtant, seules 10 000 sanctions pénales sont prononcées chaque année, dont seulement 4 000 par les tribunaux.

La plupart des procédures aboutissent en réalité au prononcé d'un « avertissement à usager », qui n'a aucun effet si l'on en croit l'augmentation du nombre d'usagers dans notre pays.

Il faut donc d'abord lutter contre le caractère virtuel des sanctions et les rendre crédibles, notamment à l'égard des consommateurs les plus jeunes.

Par ailleurs, la consommation de drogue des années soixante-dix n'a plus rien à voir avec celle d'aujourd'hui. Il s'agit non plus de lutter contre la consommation d'héroïne, mais d'éviter le développement de la consommation d'autres substances, tels le cannabis ou l'ecstasy, qui ne nécessitent ni le même traitement judiciaire ni la même prise en charge sanitaire.

J'ajoute qu'il est absolument nécessaire de mettre en oeuvre dans ce domaine un dispositif proportionné qui ne remette pas en cause la politique de réduction des risques initiée par le Gouvernement afin d'éviter la contamination des usagers de drogue par le VIH ou les hépatites.

Il nous faut simplement, d'une part, rappeler l'interdit de certaines pratiques addictives et, d'autre part, adapter nos procédures pour les rendre véritablement efficaces.

Nous avons démontré, en matière de lutte contre la violence routière, que ce type de politique permettait d'obtenir rapidement des progrès significatifs.

Je vous propose, avec le ministre de la santé, la mise en oeuvre d'une nouvelle politique répondant à l'attente de nos concitoyens.

Je souhaite, en premier lieu, que l'usage de stupéfiants ou l'abus d'alcool ne soient plus une excuse lorsqu'ils aboutissent à la commission d'une infraction.

Trop souvent, la consommation de drogues ou l'abus d'alcool sont présentés comme une circonstance atténuante par l'auteur d'une infraction, alors que ce type d'addiction est à l'origine d'un très grand nombre d'infractions. Cette période de tolérance est arrivée à son terme.

Une circonstance aggravante sera créée chaque fois qu'un individu commettra une infraction contre les personnes, sous l'emprise d'un produit stupéfiant ou en état d'ivresse manifeste.

De même, une circonstance aggravante permettra de sanctionner plus sévèrement une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui consomme de la drogue dans l'exercice de ses fonctions.

Enfin, il vous est proposé de créer une circonstance aggravante au délit de provocation à l'usage ou au trafic de stupéfiants lorsqu'il est commis envers un mineur, dans un établissement scolaire ou bien encore dans les locaux de l'administration.

Je souhaite, en second lieu, rendre la réponse pénale plus diversifiée et plus systématique.

C'est pourquoi je vous propose que la procédure d'ordonnance pénale soit étendue au délit d'usage de stupéfiants, afin de pouvoir traiter rapidement ce contentieux de masse.

Ainsi, dans tous les cas où des soins n'apparaîtront pas nécessaires, les magistrats du parquet pourront, après analyse de la procédure, proposer au juge de prononcer à l'encontre d'un usager une sanction mesurée et adaptée, comme une amende, sans qu'il soit besoin de tenir une audience. Les classements sans suites devraient ainsi diminuer de manière très importante.

Le ministère public pourra également recourir à l'encontre de l'usager, même si celui-ci est mineur, à une mesure de composition pénale. L'auteur de l'infraction pourra se voir signifier l'obligation de verser une amende, de réaliser un travail non rémunéré, d'exécuter à ses frais un stage de sensibilisation sur les dangers de la drogue ou une injonction thérapeutique. L'exécution des obligations mettra alors fin aux poursuites pénales.

Je souhaite, en dernier lieu, renforcer le dispositif des injonctions thérapeutiques, car un jeune qui se drogue a besoin d'être suivi médicalement.

Afin de relancer ce dispositif qui a fait ses preuves, nous avons décidé, avec Xavier Bertrand, de créer une nouvelle fonction permettant d'apaiser les appréhensions des professionnels chargés de soigner les toxicomanes et de convaincre les magistrats que ce dispositif est suivi d'effet : le « médecin-relais ». Chargé d'assurer l'interface nécessaire entre l'autorité judiciaire et les personnels de soins, il permettra notamment d'améliorer l'échange d'informations tout en respectant l'éthique de chacun.

Par ailleurs, l'injonction thérapeutique pourra être prononcée comme modalité d'exécution d'une peine. Elle prendra la forme d'une mesure de soins ou de surveillance médicale.

Une nouvelle peine imposant l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de la drogue sera créée, sur le modèle de ce qui a été réalisé dans le domaine de la sécurité routière.

Le champ de l'injonction thérapeutique sera étendu aux personnes ayant commis une infraction dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcooliques. En effet, certains actes de délinquance, notamment les violences ou les infractions de nature sexuelle, sont la conséquence de l'abus répété d'alcool. L'injonction pourra, dans ce cas-là, permettre de traiter chez un alcoolique les causes de la délinquance, afin d'éviter son renouvellement.

La diversification de la réponse pénale suppose également d'améliorer les peines existantes et de créer de nouvelles peines.

S'agissant des peines existantes, il convient de donner un nouvel élan à la peine de travail d'intérêt général, ou TIG. Une telle peine donne au condamné une chance réelle de briser le cercle vicieux de la délinquance. Mais elle ne peut actuellement être exécutée que dans des administrations publiques ou dans des associations habilitées.

Ainsi, le nombre de TIG « offerts » aux condamnés est inférieur à la « demande ». Est ainsi prévue la possibilité d'accomplir des TIG au sein de personnes morales de droit privé exerçant des missions de service public, comme les bailleurs sociaux - HLM - ou les entreprises de transports en commun.

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