Intervention de Pascal Clément

Réunion du 13 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Discussion générale

Pascal Clément, garde des sceaux :

Je suis convaincu qu'il faut faire évoluer le droit et l'adapter aux nouvelles formes de délinquance des mineurs. Mais il faut en même temps respecter les grands principes de l'ordonnance du 2 février 1945, notamment la spécialisation de la justice des mineurs, dont le Conseil constitutionnel a rappelé la valeur constitutionnelle dans sa décision du 29 août 2002.

J'ai souhaité agir sur trois fronts, qui correspondent à des phases décisives du processus pénal : en développant les alternatives aux poursuites dès la commission de l'infraction, en facilitant la procédure de jugement à délai rapproché, en améliorant l'exécution des peines et en favorisant l'insertion des mineurs.

Avant la phase de jugement, il faut que le parquet puisse développer encore davantage les alternatives aux poursuites, qui permettent d'éviter les classements « secs ». La composition pénale, applicable jusqu'à présent aux majeurs, le sera aux mineurs âgés de treize à dix-huit ans. Le procureur de la République, lorsque les faits seront reconnus, proposera aux mineurs une mesure qui devra être validée par le juge des enfants. Le parquet recueillera le consentement du mineur et de ses représentants légaux.

Il faut que les magistrats puissent placer plus facilement sous contrôle judiciaire les jeunes délinquants âgés de treize à seize ans non connus. Actuellement, seuls les multirécidivistes peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire avec obligation de placement dans un CEF.

Lorsque la peine encourue sera de sept ans d'emprisonnement, les mineurs sans antécédents pourront désormais être astreints à des obligations du contrôle judiciaire. Deux nouvelles formes de contrôle judiciaire sont prévues : l'accomplissement d'un stage de formation civique et le suivi régulier de la scolarité ou d'une formation professionnelle. Ils seront placés dans un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse et seront sanctionnés par un placement dans un CEF, s'ils ne respectent pas leurs obligations. Je précise que ces mesures sont ardemment souhaitées par les magistrats, en particulier les juges des enfants, qui m'ont alerté sur ce point à plusieurs reprises.

Pendant la phase d'audiencement et de jugement, la fin de l'impunité passe par des procédures judiciaires plus rapides. La présentation immédiate des mineurs âgés de seize à dix-huit ans sera donc mise en oeuvre, encadrée par des conditions précises.

Je suis persuadé qu'il faut rendre encore plus efficace la procédure de jugement à délai rapproché, validée par le Conseil constitutionnel, et inciter les magistrats à y recourir plus fréquemment. C'est pourquoi j'ai souhaité que le quantum des peines permettant de recourir à cette procédure soit abaissé de trois à un an en cas de récidive et de cinq à trois ans dans les autres cas.

Actuellement, un mineur dispose d'un délai de dix jours à un mois avant sa comparution devant le tribunal pour enfants. Je vous propose qu'il ait la possibilité d'y renoncer, ce qui permettra de le juger à la première audience utile. Ainsi, un mineur interpellé le matin pourra comparaître dans l'après-midi si le tribunal pour enfants est en mesure de se réunir et si l'enfant et ses parents sont d'accords.

Dans le domaine des sanctions éducatives et des mesures éducatives, nous devons donner aux mineurs qui comprennent la gravité de leurs actes la possibilité de rompre avec l'entourage des bandes qui exercent sur eux une influence néfaste.

Les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées pour les jeunes âgés entre dix et dix-huit ans seront élargies, notamment en prévoyant le placement du mineur dans une structure éloignée du contexte criminogène où il se trouve. Les violences urbaines de novembre dernier nous ont démontré à quel point une telle mesure était nécessaire.

Parallèlement, les admonestations et les remises à parents seront limitées. Chacun sait que le prononcé de mesures d'admonestation à répétition n'a pas grand sens et contribue à développer le sentiment d'impunité chez les mineurs. Il faut donc en limiter le nombre, car la crédibilité de la réponse judiciaire en dépend. Le projet de loi prévoit que, lorsque les mineurs ont déjà fait l'objet d'une admonestation ou d'une remise à parents pour une infraction identique commise moins d'un an avant la nouvelle infraction, celles-ci ne pourront à nouveau être prononcées.

Enfin, une mesure éducative de jour sera créée. La réinsertion des jeunes passe par l'insertion professionnelle. C'est en donnant aux jeunes le goût du travail et de l'effort, seul gage de réinsertion, que la délinquance pourra être stoppée. L'obligation de suivre une mesure d'activité de jour prend en compte cet impératif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est le fruit d'un travail interministériel de plusieurs années. La concertation avec tous les partenaires impliqués dans les politiques de prévention de la délinquance a été intense. De multiples expérimentations ont été mises en oeuvre dans les quartiers les plus difficiles de notre pays. Des efforts importants en matière d'urbanisme et d'égalité des chances ont été faits.

Je crois que le projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui permettra d'améliorer significativement le dispositif de lutte contre la délinquance. Il complétera utilement les textes adoptés ces dernières années dans le domaine de la justice et de la sécurité et permettra ainsi aux Français de bénéficier durablement de la sécurité retrouvée.

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