Enfin, les réactions aux mesures de lutte contre la toxicomanie ont également laissé place à des appréciations divergentes. Les uns s'interrogent sur la pertinence d'une répression accrue, les autres interprètent la mise en avant de la composition pénale et de l'ordonnance pénale comme une avancée vers la contraventionnalisation de l'usage simple de produits stupéfiants.
L'impuissance de la loi du 31 décembre 1970 repose sur une extrême sévérité qui n'est manifestement plus adaptée aux réalités et la rend donc largement inapplicable. Il convient de sortir de cette impasse pédagogiquement absurde par la mise en place de sanctions systématiques, mais graduées et comprises.
Les auditions ont donné lieu à bien d'autres observations, tant le projet de loi vise à appréhender la prévention dans toutes ses dimensions et pas seulement sous l'angle de la sécurité. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen des articles.
Je voudrais maintenant vous faire part, monsieur le ministre d'État, messieurs les ministres, mes chers collègues, des convictions que je me suis forgées après avoir largement écouté, entendu, les uns et les autres - maires, présidents de conseils généraux, travailleurs sociaux, psychiatres, magistrats, policiers, associations, universitaires et services ministériels.
Je ne crois pas que la multiplication des acteurs de la prévention de la délinquance engendrera la confusion. Il nous faut sortir de l'illusion d'une réponse simple et unique aux problèmes de notre société et nous ne devons pas craindre la multiplicité des dispositifs si elle permet, dans la cohérence et la coordination, de répondre aux besoins de la population.
En outre, il convient de rester cohérent avec les choix qui ont façonné la carte administrative de notre pays. Avec 36 500 communes, nous ne sommes pas loin de compter autant de collectivités de proximité que l'ensemble de nos partenaires de l'Union européenne. Contrairement à ce qui s'est passé dans nombre d'États limitrophes, les fusions de communes se sont soldées en France par un échec sans appel. Il n'est que de comparer les ambitions de la loi du 16 juillet 1971 à la rareté de son application pour s'en persuader.
Le développement de la coopération intercommunale a achevé de convaincre la grande majorité d'entre nous, bien au-delà des clivages politiques, du fait que ces 36 500 communes étaient irremplaçables, assuraient un maillage remarquable de notre territoire et constituaient une chance pour notre pays.
À leur tête, investi de pouvoirs propres de police, le maire bénéficie d'une forte autorité morale à laquelle sa proximité confère un aspect quasi paternel ou familial. Nous ne pouvons, à la fois, revendiquer cet héritage de l'histoire - la Révolution française décida de créer 44 000 communes autour de leurs clochers - et refuser d'en tirer les conséquences concrètes pour l'amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens. Le rôle du maire, comme pilote de la prévention de la délinquance, pourrait donc faire consensus et imposer que le maire puisse recueillir toutes informations nécessaires à cette fin.
Notre pays a multiplié les niveaux de collectivités, permettant ainsi une appréhension plus fine de la réalité, mais assumant aussi le risque de chevauchements de compétence.
Le projet de loi prend acte de cette diversité, et c'est collectivement que l'ensemble des partenaires compétents, avec leurs spécificités, se doit d'apporter la réponse la plus adaptée.
Cette réforme se heurte - ne nous y trompons pas - à des résistances culturelles. Aujourd'hui, les travailleurs sociaux ne sont pas naturellement tournés vers le partage d'informations : police et équipes de prévention, tout comme élus locaux et autorités judiciaires, éprouvent encore bien des difficultés à se comprendre ; collectivités territoriales et État s'inscrivent plus souvent dans une logique de surveillance que de confiance. La finalité de tous ces acteurs et leur raison d'être sont pourtant les mêmes, celles de l'intérêt général et du service rendu à la population.
Chaque acteur - maire, département, procureur de la République, autorités organisatrices de transports, éducation nationale, région, État - devra contribuer à la prévention de la délinquance, comme chaque citoyen, ou plutôt, si vous acceptiez l'un des amendements de la commission, comme chaque personne de bonne volonté, quelle que soit sa nationalité, qui exprimera le souhait d'intégrer le service volontaire citoyen de la police nationale.
Comment ne pas approuver un dispositif qui consiste à régler dans la proximité la plus immédiate les innombrables problèmes qui peuvent y trouver remède ?
Si l'accompagnement parental permet d'éviter le contrat de responsabilité parentale ou si le rappel à l'ordre permet d'éviter le rappel à la loi, qui pourrait s'en plaindre ?
Sur la réforme des régimes d'hospitalisation sous contrainte des personnes atteintes de troubles mentaux, l'audition des ministres par les commissions des lois et des affaires sociales a permis, me semble-t-il, d'apporter tous les apaisements nécessaires.
D'une part, le projet de loi ne traite que des enjeux d'ordre public soulevés par la maladie mentale. Il met fin à la confusion qui sévit aujourd'hui entre hospitalisation d'office et hospitalisation sur demande d'un tiers, avec toutes les conséquences fâcheuses qu'elle comporte, comme il supprime la possibilité pour le maire d'hospitaliser sous contrainte en cas de danger attesté par la seule notoriété publique.
D'autre part, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, s'est engagé, lors de son audition, à ouvrir le chantier d'une révision des dispositions existantes, en tenant compte des différentes recommandations formulées par les missions d'inspection conduites sur la loi du 27 juin 1990.
L'attente d'une réforme globale de l'hospitalisation sous contrainte ne devrait donc pas être déçue.
Quant à l'harmonisation des réformes en cours, s'agissant notamment de la cohérence nécessaire entre ce projet de loi et le texte réformant la protection de l'enfance, elle relève désormais du travail parlementaire. Un certain nombre d'amendements que je vous proposerai, au nom de la commission des lois, n'ont pas d'autre fin.
Je me permettrai d'ajouter que protection de l'enfance et prévention de la délinquance ne recouvrent ni les mêmes sujets ni les mêmes problématiques. S'il peut arriver que certaines préoccupations se croisent, pourquoi ne pas considérer simplement le texte réformant la protection de l'enfance comme une loi spéciale qui dérogera, sur ce point, au présent projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ?
Enfin, en améliorant l'efficacité du dispositif de l'injonction thérapeutique par son élargissement à tous les stades de la procédure ainsi qu'aux mineurs, en ouvrant la possibilité de la prononcer dans le cadre d'une composition pénale, le projet de loi rénove les mesures de lutte contre la toxicomanie.
De la même manière, il adapte les dispositifs relatifs à la délinquance des mineurs afin de les rendre à la fois cohérents et opérationnels, face à la mutation considérable de cette délinquance et au défi qu'elle lance à la société tout entière.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi ne relève pas de l'improvisation : en préparation depuis trois ans, il a donné lieu à une très large concertation avec les associations d'élus et les travailleurs sociaux.