Intervention de Georges Othily

Réunion du 13 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Discussion générale

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

...un passage obligé, un premier pas vers le mépris et le non-respect d'autrui ?

Prévenir la délinquance, lutter contre ce fléau nécessite donc de réagir dès les premières manifestations d'incivisme. D'ailleurs, monsieur le ministre d'État, ne serait-il pas préférable que votre texte s'intitule : « Projet de loi relatif à la prévention contre la délinquance et les incivilités » ?

Prévenir la délinquance et les incivilités, c'est poursuivre un objectif noble. Il s'agit d'empêcher la « production » de l'insécurité, ce qui revient par conséquent à « fabriquer » la sécurité que sont en droit d'attendre nos concitoyens. Ce projet de loi donne des outils pratiques pour permettre d'instituer un dispositif d'anticipation, de détection et d'endiguement des comportements délinquants, en agissant au plus tôt sur les rapports sociaux et sur les individus eux mêmes.

Ces dispositifs sont réactifs dès les premiers signes ou symptômes de délinquance de la part de mineurs « à la dérive » qu'il faudra ramener très vite dans ce que l'on a coutume d'appeler « le droit chemin ».

En simplifiant les procédures et en rassemblant tous les acteurs - administration, travailleurs sociaux, magistrats, élus, personnels de l'éducation nationale, associations -, ce texte permettra de responsabiliser des mineurs prédélinquants de plus en plus jeunes et de les insérer au plus vite et au plus tôt dans la société.

Comme le montrent les chiffres, on assiste bien à un rajeunissement alarmant de la délinquance des mineurs, particulièrement notable pour les actes de moyenne gravité. Et, comme le soulignait en son temps Lionel Jospin lui-même, « on ne peut nier que des comportements soient délinquants sous prétexte que leurs auteurs sont très jeunes.»

S'il n'est pas question de faire l'amalgame entre jeunes et délinquants, pas plus d'ailleurs qu'entre délinquants et jeunes des quartiers difficiles, il s'agit bien en revanche de traiter un jeune délinquant comme un délinquant qui doit être sanctionné de façon sévère et graduée en fonction de la gravité de son acte, et pas seulement en fonction de son âge.

De ce point de vue, il faut bien admettre qu'une réforme d'ensemble de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante s'impose. Certes, des modifications substantielles ont déjà eu lieu avec la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002, mais il faut aller encore plus loin.

Les jeunes ont désormais un rapport aux normes très différent de celui qui prévalait en 1945 parce que, entre-temps, le monde et les jeunes ont profondément changé. En outre, nombres des notions sur lesquelles repose l'ordonnance de 1945 paraissent obsolètes alors même que les grands principes modernes inspirés des textes internationaux auxquels la France a souscrit en sont absents, comme la proportionnalité de la sanction, l'égalité des chances, la non-discrimination ou l'intérêt supérieur de l'enfant.

Selon Alain Bauer, président de l'Observatoire national de la délinquance, les délinquants mineurs n'ont jamais été aussi jeunes, aussi « réitérants », aussi violents et aussi féminisés.

Et lorsque l'on parle de la délinquance des mineurs, il ne faut pas oublier le rôle indispensable des parents. C'est pourquoi il convient de saluer comme une avancée le stage de responsabilité parentale prévu par le projet de loi.

Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a dégagé un « principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs » qui rappelle, d'une part, l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en raison de leur âge et, d'autre part, « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».

C'est bien dans ce cadre constitutionnel que s'inscrivent les mesures contenues dans le présent projet de loi, parmi lesquelles une mesure éducative d'activité de jour pour les mineurs déscolarisés, ou encore les quatre nouvelles sanctions éducatives applicables aux mineurs de dix ans et plus : l'avertissement solennel, le placement dans un établissement d'éducation pour une durée d'un mois situé en dehors du lieu de résidence habituelle, l'exécution de travaux scolaires, le placement en internat.

Je ne doute pas du bien-fondé de ces mesures, mais elles ne doivent pas nous empêcher de poser la question de l'enfance délinquante de façon plus globale et de procéder au plus vite à une réforme d'ensemble de l'ordonnance de 1945. Nous ne pourrons plus encore bien longtemps faire l'économie d'une nouvelle législation de fond adaptée aux réalités de notre époque en matière de délinquance des mineurs.

S'il est primordial d'agir et de réagir le plus en amont possible afin de prévenir des attitudes de violence, il n'est pas pour autant question d'instaurer ce que Tony Blair préconise en ce moment pour la Grande-Bretagne et qui fait justement débat, à savoir aider les adolescentes enceintes issues de familles à problèmes afin que leurs futurs enfants ne deviennent pas « une menace pour la société ».

Votre texte, monsieur le ministre d'État, ne repose pas, lui, sur de simplistes et réducteurs principes de déterminismes sociaux qui voudraient que les délinquants et les pauvres produisent des délinquants. Il est loin le temps où l'expression « classes laborieuses, classes dangereuses » résonnait comme un leitmotiv, qui reste pourtant séduisant pour quelques-uns ! Il n'est plus question de stigmatiser ou d'accuser par anticipation telle ou telle catégorie sociale ou bien tel ou tel quartier sensible. Bien entendu, on ne naît pas délinquant, on le devient !

Votre texte tient compte d'une réalité plus complexe, monsieur le ministre d'État, puisqu'il repose sur des actes concrets et signifiants ou plus exactement sur un premier acte de violence et de délinquance. Ainsi, le rappel à l'ordre auquel pourra procéder le maire, pivot du nouveau dispositif, suppose un acte illégal préalable et bien réel.

C'est bien là un des points majeurs du présent projet de loi : le maire devient le pilote de la prévention de la délinquance, puisque l'article 1er dispose que « le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre ».

Au-delà du caractère symbolique de la reconnaissance de la forte montée en puissance, depuis une vingtaine d'années, du rôle des communes en matière de sécurité, ce texte reconnaît clairement le rôle privilégié du maire en matière de cohésion sociale.

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