Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est le sixième projet de loi répressif que le Gouvernement présente depuis août 2002, autrement dit en quatre ans ! Mme Éliane Assassi a énuméré les cinq premiers, je vais donc me contenter d'en citer les dates : août 2002, septembre 2002, mars 2003, mars 2004 et décembre 2005, soit en moyenne une loi tous les sept ou huit mois. Et, par le plus grand des hasards, en voici un dernier - probablement - à la veille de la campagne électorale de l'élection présidentielle ! Il ne pourra sans doute pas être appliqué avant cette élection, et l'on devine aisément l'effet d'annonce recherché.
Il s'agit bien d'une loi répressive puisque, sur cinquante et un articles, huit seulement concernent la prévention. Aussi serait-il plus juste de parler de prévention de la récidive que de prévention de la primo-délinquance.
Ce texte intervient sans qu'aucune évaluation, même partielle, de l'application des lois antérieures ait été réalisée, et sans aucun souci des projets de loi en discussion comme celui de la protection de l'enfance, dont on peut se demander s'il ne va pas finir au cimetière des projets mort-nés.
À la place, vous utilisez des chiffres bien choisis qui, selon les nécessités de votre argumentation, servent tantôt à démontrer vos succès, ainsi les 9 % de baisse de la délinquance globale, qui sont à porter à votre crédit, tantôt à justifier la poursuite de votre politique répressive, ainsi les chiffres inquiétants en matière de délinquance des mineurs, que vous ne portez cependant pas à votre débit.
Ainsi en va-t-il aussi de la réelle augmentation des violences en milieu scolaire, mais dont vous ne vous sentez pas comptable puisque vous ne vous interrogez pas sur les causes, qui tiennent notamment à la baisse spectaculaire de la présence d'adultes dans les établissements : moins de professeurs, moins de maîtres d'internat, moins de surveillants d'externat, pas ou plus d'assistants d'éducation.
Ces deux attitudes sont fallacieuses et n'ont, en réalité, pour seul objet que de faire fructifier votre « fonds de commerce électoral », avec tous les dangers que cela représente.
Car, monsieur le ministre d'État, mis à part vos résultats en matière de sécurité routière, laquelle relève de la compétence du ministre des transports, vous avez échoué. La vérité des chiffres est, somme toute, douloureuse : les violences « non crapuleuses » contre les personnes ont augmenté de 27 % en quatre ans, de mai 2002 à mai 2006, et les atteintes aux personnes ont progressé de 7 % sur les douze derniers mois. Certains quartiers sont encore plus abandonnés qu'avant 2002 et des voitures continuent de brûler toutes les nuits : 45 580 en 2005, certes en partie à cause à des émeutes, mais on en dénombre déjà 21 013 au premier semestre de l'année 2006.
Les violences scolaires s'aggravent. Une étude des renseignements généraux indique que les violences avec armes en milieu scolaire ont augmenté de 73, 2 % entre les années 2003-2004 et 2004-2005.
La vérité, monsieur le ministre, est que ces chiffres, déjà forts inquiétants, sont en réalité sous-estimés, car ils ne tiennent pas compte des délits et des infractions qui ne donnent jamais lieu à plainte et ne sont donc pas répertoriés.
Et vous nous proposez de continuer dans la même voie ? Ne comptez pas sur nous !
Nous ne sommes pas des anges : nous pensons bien évidemment qu'il faut réprimer quand une infraction est commise. Nous sommes pour le maintien de l'ordre et ne sommes absolument pas résolus à accepter sans sourciller que 117 voitures brûlent toutes les nuits en France, comme c'est le cas actuellement.
Mais nous pensons également que, si la répression ne remplit pas son rôle, si le nombre d'infractions va croissant, cela tient précisément à l'absence de prévention et de dissuasion.
Là encore, vous ne vous interrogez pas sur les causes. La disparition de fait de la police de proximité en est pourtant une. Les syndicats de police ne sont d'ailleurs pas hostiles à cette police de proximité. Ils reconnaissent que, si elle n'a pas produit tous les effets escomptés, c'est d'abord faute de temps - vous y avez mis fin, monsieur le ministre -, mais également de moyens, comme c'est d'ailleurs le cas dans tous les domaines liés à la délinquance.
Vos chiffres sont irrémédiablement faussés par la faiblesse du taux d'élucidation des délits. En effet, seuls 10 % des vols violents et des cambriolages sont élucidés. Dès lors, que signifient les statistiques ?
Vous voulez que les juges des enfants soient plus répressifs - les chiffres en notre possession indiquent d'ailleurs qu'ils ne sont pas aussi laxistes que vous le dites - et souhaitez pour cela confier l'audiencement au procureur et au président du tribunal de grande instance. Cette tentative de mise sous tutelle des juges est vouée à l'échec : en effet, avant de juger, il faut instruire. Or l'on sait que la justice manque cruellement de personnel pour le faire.
Mes collègues socialistes reviendront dans le détail sur les mesures que vous proposez. Je me contenterai donc de les évoquer brièvement.
Mes collègues reviendront notamment sur le rôle du maire, dont vous souhaitez faire, monsieur le ministre, un acteur majeur de la prévention de la délinquance. Nous sommes d'accord, mais nous refusons en revanche qu'il soit le premier maillon de la chaîne pénale. Cette position lui ferait perdre toute la force de médiateur que lui confère son élection par ses concitoyens.
Au fond, vous avez une vision agreste de la fonction de maire, monsieur le ministre : vous le voyez tirer les oreilles du voleur de cerises ! C'est oublier que la grande majorité de la population est administrée par des maires de grandes villes : ce sont donc leurs services qui effectueront les rappels à l'ordre, pas eux. Cela change tout !
Nous ne voulons pas non plus qu'on laisse les maires pratiquer une politique de prévention sans moyens. En effet, les crédits alloués aux contrats locaux de sécurité sont en forte diminution et les associations sont financièrement aux abois.
Enfin, les maires ne peuvent devenir des shérifs pourchassant et fichant les mineurs de moins de seize ans qui sèchent leurs cours !
Que les maires soient informés, très bien ! Qu'ils contribuent au fichage généralisé des familles à problèmes, non !
Nous ne sommes pas non plus d'accord pour que les maires soient impliqués, plus encore qu'aujourd'hui, en matière d'hospitalisation d'office, surtout si, au bout du compte, un fichier des malades est créé. Une telle possibilité mettrait les édiles dans une position délicate face à des cas psychiatriques lourds, n'ayant fait l'objet que d'un simple avis médical, comme c'est souvent le cas.
Mes collègues reviendront également sur la justice des mineurs.