Intervention de François Zocchetto

Réunion du 13 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Discussion générale

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

... et nous nous en félicitons.

Mais, dans le même temps, nous devons malheureusement constater que les actes de violence ont augmenté de 7, 5 % entre août 2005 et juillet 2006. Il reste donc du travail à accomplir pour consolider et même améliorer la situation.

Il est, par conséquent, tout à fait légitime que nous discutions de la prévention de la délinquance.

Le texte que vous nous présentez, monsieur le ministre d'État, messieurs les ministres, est ambitieux, voire audacieux en ce qu'il tente le jeu de la transversalité entre les ministères. Il n'est guère facile, en effet, de traiter de matières aussi différentes mais complémentaires que l'ordre public, la justice, le logement, la solidarité, l'éducation nationale et la santé.

Des inquiétudes se sont manifestées ici ou là ; je pense en particulier aux acteurs des services sociaux et aux psychiatres. Une certaine confusion risque également de régner parmi ceux qui interviennent dans la politique de prévention.

Au demeurant, même à l'issue de notre discussion, peut-être éprouverons-nous, nous aussi, un sentiment d'inquiétude en nous demandant si nous n'avons rien oublié tant le texte touche à diverses matières...

Permettez-moi de dire quelques mots sur les acteurs de la prévention.

Vouloir faire du maire l'acteur majeur de la politique de prévention est une bonne idée ; c'était d'ailleurs souvent le cas. Il s'agira donc de concrétiser des pratiques qui existent déjà, au nom du principe de proximité, un principe qui nous convient.

Néanmoins, je crois utile de rappeler, après d'autres intervenants, qu'il est absolument nécessaire de préciser les relations et les responsabilités entre les maires, les présidents de conseils généraux et les présidents de structures intercommunales. Au passage, je dirai qu'il me semble délicat de confier à ces derniers, alors qu'ils ne sont pas élus au suffrage universel direct, des pouvoirs similaires à ceux des maires.

Quoi qu'il en soit, les amendements déposés à l'article 5 par nos rapporteurs nous paraissent constituer une grande avancée.

L'échange d'informations entre le parquet et les maires existe depuis la loi du 9 mars 2004, dite « loi Perben II ». Les maires ne réclament pas forcément des pouvoirs de police supplémentaires, mais ils ont besoin d'être informés et écoutés.

En matière de lutte contre les violences conjugales, je ferai deux remarques, qui rejoignent, d'ailleurs, la position du rapporteur de la commission des lois.

D'une part, il convient de tenir compte de la loi récemment adoptée et de ne pas modifier à nouveau ce que nous venons de décider.

D'autre part, nous n'avons pas totalement résolu, au cours de nos travaux en commission, la question du secret médical.

Je crois nécessaire de rappeler devant vous, monsieur le ministre d'État, le caractère absolu du secret médical. Je suis opposé à la possibilité pour un médecin de révéler au procureur de la République les violences dont est victime une patiente majeure dans sa vie familiale sans en informer l'intéressée. J'espère que notre discussion permettra de clarifier ce point.

Le dispositif proposé en matière de lutte contre la toxicomanie recueillera, je pense, l'assentiment de la majorité d'entre nous. Chacun sait que le dispositif actuel est inadapté et, d'ailleurs, inappliqué. À quoi servent des dispositions que plus personne n'applique ? Il est beaucoup plus utile d'adopter un nouveau dispositif orienté vers l'injonction thérapeutique, d'une part, et l'ordonnance pénale, d'autre part.

Quoi qu'il en soit, les mesures proposées en la matière sont assez consensuelles.

Pour ce qui concerne la justice des mineurs, il est évidemment toujours risqué de modifier des articles de l'ordonnance de 1945. À cet égard, tout comme pour l'hospitalisation sous contrainte, qui est régie par la loi du 27 juin 1990, j'aimerais vous faire part de notre déception. Un travail de fond plus ambitieux aurait en effet pu être conduit, d'autant que le temps ne manquait pas.

S'il est vrai que les principes de l'ordonnance de 1945 nous paraissent intangibles, il n'en demeure pas moins que les dispositions qui en découlent doivent être nettement adaptées. Le projet de loi prévoit quelques modifications auxquelles, là encore, nous ne pouvons que souscrire. Ainsi, il est prévu d'étendre les possibilités de contrôle judiciaire pour les jeunes de treize à seize ans, de créer quatre nouvelles sanctions éducatives applicables aux mineurs de dix ans et plus, d'introduire une mesure éducative d'activité de jour et de placer en centre éducatif fermé des mineurs condamnés à de l'emprisonnement ferme.

Cela étant, il y a deux mesures nouvelles sur lesquelles j'aimerais faire quelques observations.

La procédure de jugement à délai rapproché des mineurs - qui pourrait être dénommée « présentation immédiate » - relève d'une bonne initiative. En effet, vouloir juger un mineur un an ou un an et demi après les faits n'a de sens ni pour la victime, qui ne comprend pas, ni pour le mineur lui-même, qui n'est absolument plus, lorsqu'il se présente devant le tribunal, celui qu'il était au moment où il a commis les faits. Faut-il le rappeler, l'effet dissuasif et pédagogique de la sanction pour des mineurs ne s'entend que si celle-ci est prononcée rapidement après les faits.

Néanmoins, je proposerai de ramener à un an au lieu de dix-huit mois le délai durant lequel doivent s'effectuer les investigations concernant la personnalité du mineur, car nous avons vraiment intérêt à bien connaître le mineur qui sera présenté de façon immédiate au tribunal pour enfants - et non, d'ailleurs, devant le juge pour enfants.

Mon autre observation concerne la composition pénale, dont la commission des lois a pu mesurer tous les mérites au cours d'une mission d'information sur les procédures accélérées de jugement. C'est une bonne procédure : dès lors, rien ne s'oppose à ce qu'elle soit étendue aux mineurs.

Toutefois, je ferai une distinction entre les mineurs de moins de seize ans et ceux de plus de seize ans.

Pour les mineurs de seize à dix-huit ans, cette procédure est adaptée, d'autant que la gamme des sanctions qui peuvent être proposées par le procureur ou son délégué se trouve élargie par des mesures à caractère éducatif, scolaire, pédagogique ou de réparation. Cependant, j'ai du mal à me persuader que des enfants de treize à seize ans puissent avoir une capacité de discernement suffisante pour mesurer à la fois la portée de leurs actes, leurs conséquences et les implications d'une acceptation, qui est présentée - à tort, bien sûr ! - par certains comme une transaction directe avec le procureur ou, le plus souvent, avec son délégué.

Je défendrai donc également un amendement réservant la composition pénale aux mineurs de plus de seize ans.

Pour conclure, j'espère que toutes ces propositions, tant celles de la commission des lois, éclairée par les avis de la commission des affaires sociales, que de nombreux amendements « extérieurs » que nous avons examinés en commission recevront un avis favorable de la part tant du Gouvernement que des rapporteurs. Je salue d'ailleurs le travail sérieux et constructif de ces derniers, qui a permis à l'ensemble des membres du Sénat d'aborder ce texte avec discernement.

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