Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 13 septembre 2006 à 21h30
Prévention de la délinquance — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas à cette heure tardive sur tout ce qui a été dit d'intéressant par les uns et par les autres, en particulier par mes collègues du groupe socialiste.

Je voudrais simplement compléter leur propos en me référant à notre expérience en matière de prévention depuis un certain nombre d'années, spécialement depuis la démarche engagée depuis le colloque de Villepinte à la suite duquel avait été encouragé le renforcement des mécanismes de prévention.

En écoutant notamment Jean-Pierre Fourcade, on mesure combien les expériences peuvent être diverses. Les uns peuvent rencontrer tel type de problème avec le parquet, avec les services de police ou avec d'autres partenaires. Néanmoins, quelles que puissent être ces difficultés, nous sommes nombreux à être très fortement impliqués dans ces démarches de coproduction de sécurité, de renforcement des actions partenariales, de prévention de la délinquance - je pense en particulier aux villes qui sont plus que d'autres touchées par ces questions de délinquance.

Nous l'avons fait avec peu d'éléments d'ordre législatif ou réglementaire. Nous avons agi, expérimenté, échoué ici, réussi là, évalué, corrigé le tir, beaucoup innové assurément. Soit dit en passant, il serait dommage qu'un texte, quel qu'il soit, freine cette démarche, souvent très riche, qui a été la nôtre.

Évidemment, cela m'amène à porter aujourd'hui sur ce texte un regard à la fois pragmatique et critique.

Je dis « oui », comme d'autres avant moi, à la reconnaissance du maire comme pivot des actions de prévention. Et je ne le vis pas comme un piège, puisque cela vient conforter ce que nous faisons, ce que nous vivons. Ce rôle du maire est même indispensable, puisqu'il donne une assise juridique aux actions que nous menons, aux responsabilités que nous assumons ; encore faut-il avoir les moyens de l'exercer.

Je souhaiterais évoquer rapidement quelques éléments de réflexion, en commençant par la question des relations avec le département, qu'un certain nombre des mes collègues, dont Mme Létard, viennent d'évoquer.

Évidemment, il faut pouvoir passer des conventions avec le département sur ce qui, en matière de prévention, relève de sa compétence. Nous l'avons tous expérimenté, je le fais dans ma ville pour les éducateurs de rue. Je suis très satisfait, parce que, dans l'un des quartiers les plus sensible de cette municipalité, il n'y avait plus - j'allais dire : par une opération du Saint-Esprit ! - aucun éducateur de rue depuis deux ou trois ans. Le club de prévention était arrivé au terme de ce qu'il pouvait faire.

La négociation a donné lieu au début à quelques discussions au sujet de cette compétence. On a critiqué le fait que le maire ne pourrait pas conserver l'indépendance nécessaire à sa mission. En fait, tout se passe très bien, et les professionnels de la prévention spécialisée sont aujourd'hui rassurés. Les négociations avec le département sont importantes, mais elles ne doivent pas remettre en cause le pilotage qui est enfin affirmé. Le texte devrait encourager les conventions, comme c'était le cas dans de précédentes versions. Ainsi, une sorte de pression serait exercée sur certaines communes ou sur certains départements, plus rétifs que d'autres. Ce ne serait pas simplement une supplication, cela ferait partie des objectifs envisageables.

Toujours en ce qui concerne les moyens permettant de remplir cette mission, nous sommes favorables à l'information partagée. Ce que d'aucuns appellent le « secret partagé » est très important et implique une certaine déontologie quant au respect de l'évocation nominale des différentes situations auxquelles nous sommes confrontés et que nous essayons de traiter en temps réel.

Dans ce domaine, sans nous transformer en juge, nous pouvons déjà aller assez loin dans l'évocation des différentes situations avec l'ensemble des partenaires : justice, police, éducation nationale. Je peux témoigner, chez moi, d'expériences de coordination territoriale autour des collèges. La mise en oeuvre de ce partenariat n'a pas été évidente, elle s'est heurtée à des obstacles, mais nous avons réussi à les surmonter. Aujourd'hui, les chefs d'établissement qui n'ont pas encore profité de ces mécanismes nous demandent de les mettre en place au plus vite.

Comme l'ont fait remarquer mes collègues à propos du financement, le fonds interministériel a existé dans des versions précédentes. La commission s'est prononcée sur ce point. Ce fonds est important. Je ne pleurniche pas en disant cela, parce que, depuis que je suis maire, j'ai pratiquement décuplé les moyens mis en oeuvre pour la prévention. L'effort a donc été fait. Toutefois il est indispensable que l'État puisse également être présent dans ce domaine. La politique de la ville nous a permis de financer un certain nombre d'actions en matière de prévention, comme le soutien à certaines associations d'aide aux victimes, d'aide aux familles de personnes en prison, etc. Malheureusement, le désengagement en matière de politique de la ville nous a causé de gros soucis.

En revanche, je dis « non » - cela a déjà été dit, mais il faut le répéter, car c'est un aspect qui me préoccupe et sur lequel je suis très critique - au rôle qui pourrait être attribué au maire dans le cadre du conseil pour les droits et devoirs des familles. Il y a la réalité du texte et la manière dont il sera perçu. Permettre au maire d'exercer cette mission quasi juridictionnelle n'apportera rien par rapport aux partenariats qui existent déjà.

Chez moi, j'ai une école des parents qui fonctionnerait, s'agissant des stages parentaux, que parce que le juge décide et contraint certains parents à agir. Nous acceptons la contrainte à côté du volontariat. Mais c'est le juge qui décide, pas moi. Il faut qu'il en soit ainsi à l'avenir. À défaut, nous perdrons - je suis en désaccord profond avec vous sur ce point - cette capacité d'arbitrer, et, croyez-moi - beaucoup peuvent en témoigner -, elle a son importance ! Nous devons être au-dessus de la mêlée dans les moments difficiles.

Les expériences sont diverses, mais nombre d'entre nous savent que les partenariats locaux en matière de sécurité et de prévention fonctionnent quand un climat de confiance existe sur le terrain. Je peux en témoigner, malgré les difficultés réelles et des partenaires parfois un peu plus rétifs, ce climat de confiance existe, et c'est extrêmement important. Aucun texte ne doit pouvoir le remettre en cause.

La préparation de ce projet de loi n'a pas été un long fleuve tranquille, puisque plusieurs versions se sont succédé. Parmi les nombreuses dispositions que comporte ce texte, certaines sont bonnes et d'autres plus contestables. Même si je suis d'accord avec la remarque sur la transversalité et le fait que chacun ne doit pas faire sa petite cuisine dans son coin, ce texte comprend trop de mesures disparates, ce qui nuit à sa lisibilité et à sa cohérence, tandis que d'autres dispositions qui étaient attendues sont absentes.

Or un tel texte, à notre époque, sur un sujet aussi sensible, doit être le plus fédérateur possible - cela n'empêche pas le débat et les oppositions au sein du Parlement. Ce point est important, car d'aucuns, qui ne siègent pas dans cet hémicycle, sont aux aguets. Dans ce domaine, tout dérapage, toute polémique, tout ce qui pourrait laisser penser que sur des questions aussi essentielles pour la cohésion nationale il n'y a pas un minimum d'entente peut être extrêmement grave, y compris pour les échéances à venir. Il reste donc du pain sur la planche. Au-delà des aspects positifs et des critiques, ce texte gagnerait à être fédérateur, ce qu'il n'est pas aujourd'hui.

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