Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 13 septembre 2006 à 21h30
Prévention de la délinquance — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Ainsi, vous transformez le maire, acteur de conciliation, d'intermédiation et d'équilibre social, en un « maire fouettard », agent de délation et de contrôle social ; sans parler des reproches qui lui seront faits s'il ne répond pas immédiatement aux problèmes. En touchant à sa crédibilité, vous l'affaiblissez dans son rôle de conseil, au lieu de le renforcer.

De plus, avec ce type de transferts de compétences sans moyens financiers, vous faites assumer aux villes les plus pauvres, les plus endettées, les plus démunies, une part supplémentaire et toujours plus grande dans les domaines de la prévention et de la sécurité.

Il ne revient pas aux villes d'assumer ce que l'État ne peut pas ou ne veut pas assumer. Il s'agit de pouvoirs régaliens dont l'État doit assurer pleinement la charge.

Une fois encore, au nom de la lutte contre l'insécurité et les violences, vous voulez nous priver de nos droits et de nos libertés.

En créant de nouveaux fichiers, ou en élargissant le régime de gestion et de consultation de fichiers existants, sans aucune garantie de recours, comme dans le cas de l'hospitalisation d'office, on avoisine un « nouveau casier judiciaire psychiatrique ».

Cette fixation illustre la volonté de notre ministre de l'intérieur de « tout voir, tout savoir », comme il l'a déjà déclaré.

Il me semble que votre « France d'après » ressemblera vite à une société ne proposant qu'une alternative, l'enfermement, c'est-à-dire la prison ou l'hospitalisation !

Tous ces fichiers et ces listes, qui rappellent des pages noires de notre histoire, et dont l'accès, le croisement et l'orientation sont de plus en plus facilités, ne peuvent servir qu'à faire croître l'arbitraire.

La sûreté, c'est certes la sécurité des personnes et des biens, mais c'est également, et avant tout, la sûreté individuelle qui garantit le droit au respect de la vie privée.

Stigmatiser des individus, créer des peurs, amplifier la xénophobie, précariser des familles et ghettoïser tout un pan de notre société, c'est contribuer aux violences qui en découlent, et c'est permettre à M. le ministre de l'intérieur de se présenter, demain, comme l'ultime recours !

Je suis convaincue que, dans les mois à venir, profitant des faits divers qui se produiront forcément, vous serez les premiers à crier sur tous les plateaux de télévision qu'il faut aller encore plus loin dans le contrôle social, plus loin dans le tout-sécuritaire. Cela s'appelle de la surenchère électorale !

La meilleure des préventions que nous devons défendre, c'est avant tout un plan de justice sociale et de lutte contre toutes les discriminations, par l'instauration d'une réelle égalité des droits.

Voilà pourquoi nous, les Verts, nous proposons la création d'une police nationale de proximité, avec des moyens humains et financiers ainsi que des compétences clairement définies et réparties.

Afin de mettre définitivement un terme à toutes les velléités des maires qui se rêvent shérif, nous demandons la suppression de toutes les polices municipales. Le budget ainsi dégagé serait transféré aux organismes d'éducation spécialisée et aux associations locales de prévention.

Nous oeuvrons pour une autre politique, qui refuse l'amalgame, la stigmatisation et la criminalisation, notamment envers les malades et les toxicomanes, une politique de prévention qui ferme les centres d'éducation fermés et qui redonne des moyens à l'éducation spécialisée par la création de 10 000 postes d'éducateurs.

D'ailleurs, ce ne serait que « rendre à César, ce qui lui appartient »... En effet, je vous rappelle que le financement des centres éducatifs fermés s'est effectué au détriment du secteur associatif habilité, notamment des maisons d'enfants à caractère social, puisque l'enveloppe spécifique promise n'est jamais arrivée.

Pour nous, monsieur le ministre, la prévention de la délinquance commence par l'éducation !

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