Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son livre La Rumeur du monde Françoise Giroud écrivait : « C'est un drôle de pays, la France, où les négociations ont toujours lieu après le déclenchement des grèves et non avant ».
Pour des raisons historiques, sans doute à rechercher dans les épisodes violents de l'histoire sociale du xixe siècle, l'idée prédomine dans notre pays que le conflit est au coeur de la relation sociale. Conséquence de cet état d'esprit, la grève est non plus l'arme ultime à utiliser après l'échec de la négociation, mais plutôt un moyen d'évaluer les rapports de force avant celle-ci, voire un mode de gestion du dialogue social.
C'est particulièrement vrai dans les transports publics, qui ont connu des grèves répétées et parfois d'une ampleur extrême. Troublant, dans un pays qui a théorisé à son plus haut niveau la notion de service public !
C'est pourquoi le présent débat revêt une importance particulière : c'est avant tout un débat d'égalité et de solidarité.
Un débat d'égalité, car la liberté des uns ne saurait limiter celle des autres. Le droit de grève n'est légitime que s'il respecte les autres principes constitutionnels que sont la continuité du service public, la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'aller et venir, la liberté du travail.
Faut-il rappeler que le statut protecteur des agents de la SNCF, par exemple, avait été historiquement accordé en contrepartie des lourdes sujétions des métiers du rail ? Ce consensus tacite était légitime, mais il semble que l'exigence de continuité ait été un peu oubliée au fil du temps.
Certes, le service n'est jamais totalement interrompu en cas de grève, mais il fonctionne de manière complètement anarchique. Cette situation n'est satisfaisante ni pour les usagers au quotidien ni pour les entreprises.
C'est aussi un débat de solidarité, car, nous le savons, ce sont les travailleurs les plus modestes, les petites entreprises et les artisans qui souffrent le plus...