Intervention de Louis Souvet

Réunion du 19 octobre 2004 à 10h00
Questions orales — Mise sur le marché français d'une voiture destinée aux pays émergents

Photo de Louis SouvetLouis Souvet :

Monsieur le ministre, je regrette de vous dire que je ne partage pas vos conclusions.

Vous dites que l'industrie automobile crée des emplois en France. Mais les chiffres qui vous ont été transmis tiennent compte pour l'essentiel du remplacement de personnes qui partent en retraite ; il n'y a pas de créations d'emplois. J'habite à proximité d'un site automobile et, croyez-moi, je peux vous affirmer qu'en ce moment il n'y a pas de création d'emplois ; à l'inverse, les emplois diminuent.

Vous ajoutez que les ventes seraient restées stables, en particulier en France. Ne devrait-on pas alors se dépêcher de produire en France des véhicules du type de la Logan pour doper nos ventes ?

Vous me répondez aussi que, sans expansion à l'international, l'industrie automobile péricliterait. Je ne suis pas aussi sûr que vous que l'expansion à l'international soit favorable à la situation en France.

Le pari pour Renault est gagné, dites-vous, d'autant que ce modèle correspond aux standards de la marque. Alors si les pays de l'Est, les pays étrangers inondent l'Europe qu'allons-nous vendre, nous ? Que deviendront nos véhicules ?

Vous affirmez que le mouvement est inéluctable. Or je suis persuadé que l'on va tuer le marché des petites voitures, en particulier celui de la voiture d'occasion qui fait vivre des centaines de milliers de personnes. Pourquoi achèterait-on une voiture d'occasion quand on peut acquérir une voiture neuve qui, même si elle n'est pas aussi bien équipée, sera proposée à un bien meilleur prix ?

Permettez-moi de revenir sur ce qui fonde mon intervention.

L'automobile est et restera longtemps l'élément privilégié d'affichage du niveau de technologie d'un pays, mais aussi un révélateur de son niveau social. A titre individuel, l'automobile est encore le produit qui permet d'afficher la classe sociale à laquelle on appartient, beaucoup plus sûrement que la maison, ou le costume trois pièces « bon chic bon genre ». Sur le plan de la technologie, c'est le réceptacle de toutes les innovations, et c'est surtout sur ce point que je voudrais insister.

Si l'automobile est un produit en perpétuelle évolution, la Logan, elle, n'a rien de ces produits issus des technologies modernes. Bien sûr, l'automobile de 2005 comparée à la première De Dion-Bouton, c'est toujours un moteur thermique, un châssis et quatre roues. Mais que de progrès, que d'innovations, que de matière grise se cachent derrière cette évolution ! Qu'on pense au système de freinage par câble par rapport au double circuit de freinage compensé qui tient votre voiture en ligne même sur le verglas, aux échappements des premiers véhicules par rapport au filtre à particules actuel pour lutter contre la pollution, aux premières lanternes par rapport aux projecteurs à iode ! Qu'on pense aux airbags, au GPS, aux pneumatiques, j'en passe à dessein !

L'automobile s'est modifiée de proche en proche pour atteindre un degré de technologie qui fournit d'importantes activités à toutes les branches économiques, fabrication de tissus pour l'industrie textile, de tôles pour la métallurgie, fourniture de peinture pour la chimie, de composants électroniques, etc.

Mais l'automobile n'est pas que cela, monsieur le ministre ; c'est aussi un univers riche en relations humaines, dans le commerce, dans les services. C'est une activité qui emploie un fort pourcentage de passionnés, où les jeunes trouvent une réponse à leurs ambitions pour concrétiser leur carrière professionnelle.

N'oublions pas qu'en Europe une personne sur dix vit pour et par l'automobile. C'est le premier secteur d'emplois. Ainsi 36 millions de véhicules sont vendus dans le monde. À la photographie de cette activité innovante, il faut ajouter environ 500 000 emplois de services au public : les auto-écoles, les loueurs, les recycleurs, les stations-service, etc.

Monsieur le ministre, nous devons tout faire pour protéger ce secteur de notre activité et ne pas se contenter de penser qu'on va faire travailler les Français parce qu'on fabrique des voitures à l'étranger ; je n'y crois pas beaucoup.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion