Cela prouve bien qu'elle est, d'une certaine manière, particulièrement visée.
C'est donc de l'Île-de-France que je vais à mon tour vous parler, car elle présente une singularité très forte : 12 millions de voyageurs par jour empruntent Transilien, Intercité, métro, tramway, bus, et 60 % des trains qui circulent dans cette région sont des trains nationaux ! Il faut garder ces deux chiffres présents à l'esprit.
C'est certainement dans cette région plus qu'ailleurs que tout empêchement au déplacement est vécu comme une atteinte à ce que l'on peut appeler, dans une conception juridique moderne, un droit à la mobilité.
Région capitale, l'Île-de-France est l'objet de comparaisons européennes et internationales et doit à ce titre rivaliser en attractivité et en compétitivité. Sa force ou ses défaillances, loin de nuire aux autres régions ou de les favoriser, tirent le pays tout entier ou l'abaissent. Elle est aussi l'objet de bien des convoitises et de manoeuvres plus ou moins affichées, mais que l'on peut assez facilement identifier.
L'année 2008 est sans doute un peu trop proche pour le Gouvernement. Ce texte prépare sans nul doute 2010, avec l'échéance régionale.
Permettez-moi un bref rappel historique.
L'Île-de-France a longtemps été soumise à un régime juridique et financier dérogatoire. C'est après toutes les autres régions qu'elle a obtenu son autonomie en matière de transport. Encore fallait-il résoudre la question des transferts financiers.
Malgré le compromis arrêté par la commission consultative sur l'évaluation des charges, et en dépit des efforts de son président, Jean-Pierre Fourcade, aucune compensation supplémentaire n'a été accordée par l'État, notamment pour le renouvellement du matériel roulant. L'État avait pourtant décidé, en 2005, sur l'initiative de la commission, qu'une enveloppe de 400 millions d'euros sur dix ans, dont 200 millions d'euros versés dans les trois années suivantes, devait servir à renouveler le matériel roulant. Or, à ce jour, rien n'est encore versé, et c'est bien le coeur du problème.
Sous le couvert de répondre à une attente forte autant que légitime des usagers, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne remédie en aucun cas aux perturbations, retards réguliers, voire quotidiens, que subissent les voyageurs et qui ont pour origine la vétusté des matériels roulants et des infrastructures. Et ce sont évidemment ceux qui habitent le plus loin qui sont pénalisés.
Monsieur le ministre, vous qui êtes un élu de l'Aisne, vous devez vous rappeler que, le 13 juin dernier, cent cinquante voyageurs de la ligne Paris-La Ferté-Milon sont restés bloqués deux heures en gare d'Isles-Armentières-Congis, et ce n'était pas en raison d'une grève !
Le 25 mai dernier, à la suite de l'annulation d'un train, les usagers sont descendus sur les voies, à la gare de la Ferté-sous-Jouarre, pour arrêter une rame et obliger ainsi la SNCF à les conduire à Paris. La cause de cette situation n'était pas non plus la grève.
Les exemples de cette nature alimentent souvent les pages de la presse locale. Le conseil régional d'Île-de-France prend ce problème à bras-le-corps en consacrant aux transports un milliard d'euros, soit un quart de son budget. L'amélioration de la qualité du service, qui passe par l'augmentation des dessertes et la rénovation du matériel, constitue l'une de ses priorités.
Les engagements financiers représentent la seule évaluation concrète des politiques annoncées, au moment où, justement, ce gouvernement, à la suite du gouvernement de M. de Villepin, se désengage de ce secteur, comme cela a été souligné tout à l'heure par l'un de mes collègues de la majorité.
Monsieur le ministre, M. le président de la région d'Île-de-France vous l'a dit le 12 juillet dernier : « Si le Président de la République et le Gouvernement veulent apporter aux Franciliens des réponses aux retards dans les transports, il faut que l'État participe à un effort financier de l'ordre de 30 milliards d'euros sur quinze à vingt ans. »
Vous ne pouvez ignorer que, dans le prochain contrat de projet, l'État réduira sa participation financière en faveur des transports. Celle-ci ne représentera plus alors que 25 % des investissements, au lieu des 35 % prévus par le précédent contrat de plan.
Quand on sait que les actes extérieurs, notamment la malveillance et les suicides, engendrent 45 % des perturbations du trafic, la vétusté du matériel roulant et des infrastructures, 35 %, et les grèves, seulement 3 %, on peut pour le moins s'étonner de ce projet de loi, aussi inutile qu'inapplicable.