Et si autocritique il doit y avoir, à mon sens, il serait bon qu’elle fût collective…
Depuis un an en particulier, plusieurs de ces incitations puissantes sont apparues.
La première – la plus évidente – est la crise des dettes souveraines. Il est tout à fait clair que le couple coût de l’endettement-proportion de l’endettement par rapport à la richesse nationale domine tout. Une matrice a été élaborée – elle figure dans le rapport écrit – et permet de voir où se situent les États qui aujourd’hui sont en grande difficulté ou sur la sellette. Leur situation se déduit simplement de la matrice.
Il est tout aussi clair que la soutenabilité de la zone euro dépend d’un mécanisme de solidarité mis en place à titre provisoire puis devant faire l’objet, à compter de 2013, d’un dispositif pérenne. Il est cependant tout aussi clair que ce dispositif de solidarité repose sur la crédibilité des grands États du cœur de la zone euro et que, pour financer le mécanisme de solidarité, il est indispensable que ces grands États bénéficient de la cotation la plus favorable possible et du coût d’endettement le plus bas possible.
Soyons-en bien conscients, mes chers collègues : lorsque nous nous battons aux côtés du Gouvernement pour la convergence vers les 3 % de déficit en 2013, nous défendons non seulement notre pays contre les risques de dérive et de nouvelle récession, mais aussi la zone euro elle-même, car nous ne savons pas ce qu’il adviendrait de nos économies réelles si nous vivions un scénario de discontinuité en la matière.
Ce sujet est essentiel ; tout dépend de la crédibilité du chemin de convergence vers un déficit de 3 % et une dette plafonnée à 60 % du produit intérieur brut.
Rappelons enfin que, à la fin de l’année 2013, ainsi que Mme la ministre vient de l’indiquer, nous atteindrons seulement le seuil au-delà duquel la dette en capital cessera d’augmenter. Jusque-là, et quels que soient nos efforts, elle continuera mécaniquement, arithmétiquement, inéluctablement de progresser en termes de proportion de la richesse nationale.
La réforme du pacte de stabilité constitue naturellement la deuxième de ces incitations. Mme la ministre en a rappelé le cheminement institutionnel : nous ne savons pas quel sera le contenu du pacte à l’issue des discussions actuelles.
En ce qui me concerne, je ne suis pas un grand admirateur des sanctions, surtout lorsqu’elles sont automatiques ou s’adressent à des pays déjà exsangues auxquels on demanderait par hypothèse de payer sur des ressources qu’ils ne peuvent plus se procurer des sommes très importantes qui seraient mises en pension auprès des autres États ou de l’Union européenne. Très sincèrement, je ne crois pas que de tels dispositifs, surtout s’ils sont présentés comme automatiques, puissent appartenir au monde réel.
Les États sauront cependant corriger les dispositions qui pourraient sembler trop doctrinaires dans l’approche de la Commission européenne. Le cheminement institutionnel permettra sans doute d’aboutir à une formule raisonnable, faisons-lui confiance.
Il n’en reste pas moins que, au bout de compte, plus de contraintes seront imposées, ce qui créera davantage de devoirs que par le passé.
Enfin, la troisième incitation est celle que – je l’espère – nous nous donnerons par la Constitution ; le débat sur ce sujet se tiendra très prochainement. Il s’agira de prendre en compte, année par année, en termes de plafonds de dépenses et de mesures nouvelles portant sur les recettes, les efforts à réaliser pour respecter la trajectoire fixée.
Cependant, et soyons-y très attentifs, mes chers collègues, cette règle de convergence ne sera opérante que si les hypothèses économiques sur lesquelles elle repose sont réalistes. Nous entrons ici dans un débat d’une grande ampleur que la commission des finances s’est efforcée de traiter dans son rapport écrit.
Nous faisons référence – car nous aussi vivons à notre façon le semestre européen – aux déplacements que nous venons de réaliser.
Nous nous sommes en effet rendus en Grande-Bretagne, où l’une des premières initiatives du nouveau gouvernement a été de créer un Office de responsabilité budgétaire pour fixer les hypothèses économiques, et aux Pays-Bas, où le Bureau central de planification créé après 1945 par Jan Tibergen est unanimement respecté par toutes les formations politiques, qui sont tenues de passer par son crible quand elles annoncent des programmes électoraux…
Nous sommes également passés par Berlin, où nous avons observé que le gouvernement fédéral se conforme toujours au consensus des conjoncturistes. Si je ne me trompe, une dizaine d’instituts travaillent très régulièrement sur la conjoncture allemande et, systématiquement, le gouvernement allemand retient la moyenne des prévisions issues de ces travaux.