Intervention de Denis Badré

Réunion du 27 avril 2011 à 14h30
Projet de programme de stabilité européen — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat et d'un vote

Photo de Denis BadréDenis Badré :

La contrepartie de cette solidarité est évidemment un droit de regard mutuel et une rigueur partagée. À ce titre, la France se doit d’être exemplaire. Ce n’est malheureusement pas encore tout à fait le cas.

Ainsi, nous n’avons pas voté un seul budget en équilibre depuis 1975. La limite de 3 % du PIB, fixée à l’article 126 du traité sur l’Union Européenne, n’a été respectée qu’une année sur deux au cours de la dernière décennie. En 2010, le déficit public a dépassé le triste record des 7 % de PIB, atteignant plus 130 milliards d’euros et projetant notre dette publique au-delà de 87 % du PIB dès l’an prochain.

La France vit à crédit sur le compte de ses enfants et de ses petits-enfants. Nous perdons en crédibilité, aux yeux de nos partenaires européens comme des marchés financiers.

Je ne voudrais pas que nous attendions que la note de notre signature soit dégradée pour prendre les mesures adéquates.

Les États-Unis eux-mêmes ne semblent plus à l’abri du risque souverain. L’administration du président Obama se prépare à rencontrer de grandes difficultés lors du vote du budget américain, au risque de remettre en cause 800 000 emplois de fonctionnaires à travers le pays. Alors que les inscriptions dans les agences de recherche d’emploi ont atteint leur record historique au mois de mars dernier, le froncement de sourcil d’une agence de notation peut faire trembler Wall Street. Le service de la dette américaine, qui couvre près de 14 000 milliards de dollars, est aujourd’hui suspendu au jugement de l’agence Standard and Poor’s.

Si même la première économie mondiale n’est plus à l’abri, qu’en sera-t-il de la France et d’une Europe en dehors de laquelle il existe peu de salut pour notre pays ?

La stabilité économique et budgétaire en Europe ne se décrète pas ; elle se construit, dans une concertation renforcée. C’est dans cette perspective que les parlements nationaux de l’Union européenne doivent orienter leurs efforts conjoints.

Le vote du budget est évidemment une prérogative nationale, qui ne peut être transférée à la Commission ou au Parlement européen. Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’élus d’être vigilants quant à l’emploi des deniers publics. Cette évidence ne peut plus nous dispenser d’adopter une attitude de solidarité européenne, de solidarité tant face à la crise que dans la prévention des crises.

L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne nous a donné l’occasion de renforcer les dispositions prévues au titre XV de la Constitution. Comme cela fut programmé, les articles 88-4 et 88-6, évoqués à l’instant par Philippe Marini, donnent au Parlement des prérogatives claires à propos du contrôle du principe de subsidiarité. Il faut aujourd'hui aller plus loin.

Considérant que des questions présentant un caractère aussi important et un intérêt aussi européen que la défense, la garantie des dettes souveraines ou les budgets nationaux, voire les recettes du budget européen, donnent lieu à vote au sein des parlements nationaux, il nous faut construire le réseau de ces parlements nationaux qui, avec le Parlement européen, pourra appréhender ces questions et rendre compatibles ambitions communes et prérogatives nationales.

C’est vers une sorte de « conseil Écofin parlementaire » qu’il faut aller. J’ai eu l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat à Bruxelles, lors d’une récente rencontre consacrée au semestre européen organisée avec les commissions des finances des parlements nationaux sur l’initiative de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Cette réunion fut très utile et prometteuse.

Il nous faudra poursuivre en allant plus loin, en envisageant, notamment, d’éventuelles formes de contrôle. Un contrôle parlementaire concerté sera un gage de lisibilité et de démocratie budgétaire à offrir à l’Europe. Alors, le programme de stabilité prendra son plein sens. C’est cette idée que je défendrai lors de la prochaine réunion de la COSAC, la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, qui se tiendra à Budapest dans quelques jours et à laquelle j’assisterai avec mon collègue Jean Bizet.

En abordant cette question, nous sommes tout simplement en train de mettre en musique l’article 5 du traité de Lisbonne, qui consacre le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. On n’avait sans doute pas vu, au moment du vote du traité, à quel point cet article serait nécessaire ni quelle en serait sa portée. C’est une réelle exigence imposée aux parlements nationaux dont nous essayons de nous montrer dignes ce jour.

En cet instant, il nous faut répondre à la question de confiance posée par le Gouvernement, au titre de l’article 50-1 de la Constitution. C’est dans un esprit de confiance – denrée rare en ces temps d’instabilité économique et financière – et de responsabilité que les sénateurs centristes soutiendront le Gouvernement lors du scrutin en approuvant la transmission à Bruxelles de ce programme de stabilité, non sans l’appeler, je l’ai indiqué, à faire encore beaucoup mieux à l’avenir.

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