Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 27 avril 2011 à 14h30
Projet de programme de stabilité européen — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat et d'un vote

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Comprenne qui pourra !

Si tout cela se fait sous l’étroite surveillance des marchés, lors de la présentation devant nos collègues de la commission des finances de l’Assemblée nationale la semaine dernière, vous avez bien insisté, madame la ministre, et déclaré : « La France doit impérativement défendre son triple A ».

Mais un autre paramètre ne doit pas être oublié : les peuples, auxquels il va être demandé essentiellement de porter l’effort de redressement. Certains peuvent se réjouir de connaître une situation moins pire qu’ailleurs. Prenons garde cependant, mes chers collègues, au rejet, qui se manifeste un peu partout, de l’idée même d’Europe. Les événements délitent chaque jour un peu plus l’idée même d’une Europe unie.

Une procédure budgétaire, fût-elle constitutionnalisée, peut-elle se substituer aux choix démocratiques d’une politique et d’une stratégie économique, qui plus est à un an de l’échéance cardinale que constitue, nous le savons, l’élection présidentielle ? Certainement pas !

Reconnaissons que l’obstacle est de taille, eu égard à l’ampleur de nos déficits. Certes, la crise est passée par là et nous n’en sommes pas encore sortis, mais elle ne saurait exonérer la majorité sortante de ses responsabilités, car son bilan est négatif. Je ne citerai que quelques chiffres : un déficit public de 7 % à la fin de l’année dernière, alors qu’il s’élevait à 2, 7 % voilà quatre ans ; une dette multipliée par deux en dix ans.

La Cour des comptes avait estimé à deux tiers l’impact des choix budgétaires que vous avez opérés. Au sujet de la trajectoire 2010-2013, elle note, dans son rapport annuel pour 2011, que le déficit structurel, qui atteignait 5 % du PIB en 2009, s’est encore aggravé, en raison des baisses durables de prélèvements obligatoires qui ne respectent pas les règles de la loi de programmation, à peine celle-ci votée.

Pour nous, socialistes, le rétablissement des comptes publics est un objectif à la fois de souveraineté politique et de justice. Nous ne pouvons pas ignorer le coût des déficits que vous avez accumulés pour le présent et l’avenir, et qui seront difficiles à résorber.

Encore faut-il articuler finement redressement économique, justice fiscale et responsabilité budgétaire. Or la trajectoire budgétaire que vous proposez n’est sous-tendue par aucune stratégie économique.

En 2007, vous aviez fait le choix du paquet fiscal pour, disiez-vous alors, « libérer les énergies » de ceux qui, parmi les plus aisés, étaient susceptibles de contribuer à la croissance, qu’il fallait aller chercher avec les dents. On sait ce qu’il en fut : une économie rentière s’est substituée à une économie productive.

Depuis, vous détricotez le paquet fiscal, sans pour autant remplacer votre stratégie de 2007 par une nouvelle stratégie économique susceptible de permettre à notre pays de retrouver le chemin de la croissance durable, solide et créatrice d’emplois pérennes.

N’oublions pas non plus que les stratégies budgétaires des pays voisins de la zone euro convergent, elles aussi, vers l’austérité, ce qui accentuera la faiblesse de la croissance et, ce faisant, compromettra le rétablissement budgétaire.

C’est le multiplicateur keynésien à l’envers qui est à l’œuvre.

Ces considérations macroéconomiques ne sont pas superflues, quand on voit que l’hypothèse de croissance sur laquelle repose la trajectoire que vous transmettez est manifestement optimiste et sa crédibilité, de ce fait, quelque peu amputée.

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