Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 30 novembre 2004 à 16h00
Loi de finances pour 2005 — Débat sur les recettes des collectivités locales

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions concernant les collectivités territoriales dans ce projet de loi de finances pour 2005 montrent, une fois de plus, que la réforme du financement des collectivités territoriales reste à faire.

Les transferts actés par la loi ou dans les faits ne sont pas appréciés à la hauteur des besoins que nous avons à satisfaire chaque jour sur le terrain.

Vous semblez estimer que, compte tenu des choix que vous faites dans ce budget - la réduction de la dépense publique -, reconduire le pacte de croissance et de solidarité serait une prouesse.

Ce pacte, engagé sous le précédent gouvernement, prenait acte du fait que les collectivités territoriales contribuaient à l'enrichissement du pays. Il pourrait cependant être amélioré, comme le demandent les associations d'élus, toutes tendances confondues. Etablir son évolution sur 50 % du PIB ne serait qu'un juste retour financier. Quant à son poids dans le budget de l'Etat, il resterait particulièrement modeste - 182 millions d'euros - eu égard à la contribution des collectivités territoriales et à la réduction du déficit public, contribution d'ailleurs reconnue par le ministre lui-même, M. Sarkozy, dans son intervention de la semaine dernière.

Pour notre part, nous demeurons partisans d'une progression significative de l'enveloppe des concours budgétaires de l'Etat aux collectivités territoriales. La dotation globale de fonctionnement, la DGF, ressource fondamentale pour ces collectivités, voit sa part relative dans les budgets se réduire de manière régulière depuis la réforme de 1993. Nous constatons tous cela dans nos communes, nos départements ou nos régions.

Maniant le sens de la litote, le rapport 2004 de l'observatoire des finances locales formulait ce constat d'une autre façon en précisant que « les recettes de fonctionnement sont soutenues par la hausse de la pression fiscale », ce qui signifie que c'est d'abord au travers de l'impôt que les collectivités locales ont fait face à leurs besoins de financement.

La DGF connaît donc, cette année, une réforme non négligeable, essentiellement dans la conception de son attribution.

A cette occasion, je tiens à souligner que, même s'il est toujours difficile de choisir des critères, celui de la superficie ne me paraît pas le plus pertinent. La longueur de voirie, qui enregistre en même temps les charges réelles, me paraîtrait plus efficace en la matière.

La péréquation va jouer de manière plus importante qu'auparavant, mais dans une enveloppe globale qui ne progressera pas de manière spectaculaire.

Comme nous l'avons vu avec l'article 59 de la loi de cohésion sociale sur la majoration de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, la péréquation va en quelque sorte se concevoir et s'organiser dans un système fermé, sans sollicitation - et c'est bien là le problème principal - d'une nouvelle ressource destinée à l'alimenter.

De nouvelles structures intercommunales existent aujourd'hui ; de nouvelles compétences, mais surtout de nouveaux besoins, sont autant d'éléments qui mériteraient que soient prises en compte les réelles attentes des élus.

Il y a fort à parier que les collectivités territoriales ne pourront, dans les années à venir, que constater la poursuite du processus de réduction des concours financiers de l'Etat, avec tout ce que cela implique.

Les hausses de la pression fiscale locale viendront ainsi compenser les allégements consentis par le Gouvernement ces deux dernières années sur l'impôt sur le revenu, pour ne citer qu'un exemple.

Cette situation est d'autant plus difficile que, pour la plupart des communes, la taxe professionnelle n'est plus aujourd'hui une recette ; elle est dévolue à la structure intercommunale dont ces communes sont adhérentes. Parallèlement, si les modifications que vous envisagez prennent en compte la nécessaire évolution des dotations au profit des communautés de communes, elles vont se traduire par un affaiblissement des capacités des communautés d'agglomération au moment où ces dernières ont le plus besoin de ressources.

Je sais que certains estiment que la dotation était incitative au regroupement et qu'elle n'aurait maintenant plus de sens ; mais nous ne partageons pas cet avis.

Dans un contexte où la loi sur les responsabilités locales confie aux collectivités territoriales des compétences de plus en plus importantes, si ces dernières ne décident pas la hausse de la fiscalité, le risque est grand de voir s'engager un véritable délitement des services publics et l'abandon de l'intervention publique dans bien des domaines de la vie sociale.

Une telle perspective n'est pas faite pour nous réjouir.

Je partirai d'un exemple simple. Le transfert des personnels TOS, les techniciens et ouvriers de service, que ce soit aux départements pour les collèges ou aux régions pour les lycées, va s'opérer dans des conditions financières particulières. Combien d'établissements ne disposaient pas de leur dotation en postes budgétaires à la rentrée ? C'est ainsi que, dans un lycée professionnel de notre département, la direction a failli fermer la demi-pension en raison, précisément, d'une dotation en personnel très insuffisante après la forte augmentation du nombre d'élèves depuis deux ans. Le personnel précaire qui vient d'être octroyé sera-t-il comptabilisé, et comment ? On comprend les inquiétudes qui s'expriment !

Quant aux recettes nouvelles transmises à ces assemblées, quelles en seront les capacités évolutives ?

Prenons l'exemple de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP : si l'on voulait être cohérent avec la politique de développement durable, on devrait s'acheminer vers une diminution des dépenses en carburant, puisque ce sont les transports qui contribuent le plus fortement à la production de gaz à effet de serre, et la recette de TIPP devrait donc diminuer. C'est d'ailleurs déjà le cas cette année, où l'envolée des prix a des incidences sur la recette estimée.

D'autre part, nous savons, avec la taxe professionnelle - seule recette évolutive des collectivités territoriales -, combien la situation peut évoluer dans le temps. Cette recette, qui s'appuyait sur la richesse économique de nos territoires et contribuait au financement de services aux populations, constituait, en quelque sorte, un salaire différé. La volonté de la supprimer reste forte alors que c'est son assiette qu'il faut faire évoluer.

Mais, déjà, la dotation de compensation pour l'allégement de 16 % des bases est devenue depuis plusieurs années pour l'Etat une variable d'ajustement de ses dotations. Et la baisse de 11 %, cette année, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, va encore peser sur les communes qui recevaient l'an dernier une péréquation de la part de l'Etat.

Pourtant, tout cela pourrait être évité. L'Etat récupère, avec la réforme de la taxe professionnelle, plus de 1, 6 milliard d'euros de cotisation de péréquation et de cotisation minimale de taxe professionnelle et 2, 5 milliards d'euros liés au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.

Je ne peux aborder l'ensemble des éléments qui nous font dire que l'Etat n'assume pas ses responsabilités au niveau nécessaire pour que les collectivités territoriales puissent assurer les leurs. Et la dernière annonce du Président de la République sur la suppression du foncier non bâti a jeté le trouble chez les élus locaux des communes rurales, dont c'est la principale ressource.

Ce qu'ont montré plus de vingt ans de décentralisation, c'est que l'action publique, dans tous les domaines qu'elle recouvre - action sociale, logement, éducation, accès à la culture et à la pratique sportive, protection de l'environnement, développement des transports et aménagement du territoire -, répond de la manière la plus efficiente et la plus équitable aux attentes de la population.

L'Etat se doit de contribuer efficacement à ce que ces compétences continuent à être assumées par les collectivités dans de bonnes conditions, particulièrement financières, sous peine d'accentuer des déséquilibres sociaux et territoriaux encore plus grands.

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