Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen en première lecture au Sénat du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale nous a déjà donné l'occasion de débattre, en avant-première, du projet de réforme des dotations de l'Etat, notamment de la DGF.
L'objectif principal de cette réforme est la péréquation, nous en sommes tous conscients. J'y ajouterai, pour ma part, la justice.
Pourquoi la péréquation et la justice ? Les communes et les villes qui, pour mille et une raisons - certaines, d'ailleurs, fort anciennes - perçoivent beaucoup, voire trop, au titre de la DGF, devront à l'avenir percevoir un peu moins. Ainsi, les communes - souvent, il faut bien le dire, des communes rurales, parmi les plus pauvres - qui perçoivent trop peu au titre de la DGF percevront plus afin de pouvoir faire face à leurs obligations.
Nous savons tous que, à l'heure actuelle, onze villes de plus de 200 000 habitants perçoivent plus au titre de la DGF que les 27 000 communes de moins de 1 000 habitants pour une population totale pourtant 1, 5 fois supérieure. Et que dire de la ville de Paris, dont la DGF est deux fois plus élevée que la DGF moyenne des autres !
Il est vrai que les assemblées parlementaires comptent beaucoup d'élus de grandes villes, car il est plus difficile de se faire élire lorsque l'on est le modeste conseiller municipal d'une petite collectivité rurale. C'est peut-être un élément nouveau qui permet d'expliquer les différences de position entrent les élus qui siègent au Parlement. Mais, pour moi, un Français vaut un autre Français.
La réforme que le Gouvernement nous propose et qui a déjà fait l'objet de modifications importantes à l'Assemblée nationale se traduira-t-elle par plus de justice et par une plus grande péréquation dans la répartition de la DGF ? Un faisceau d'indices me laisse à penser que, hélas, tel ne sera pas le cas.
Pourtant, depuis trois ans, au sein de cette assemblée, j'entends bien des propos rassurants, et l'on soutient que les augmentations de DGF seraient le moyen de permettre une véritable péréquation.
S'agissant des communes, j'observe que la dotation de base « population » continue de prévoir un écart en fonction de l'importance de la population. Même s'il a été très légèrement réduit par l'Assemblée nationale, cet écart est toujours de 1 à 2, soit 60 euros contre 120 euros par habitant. Peut-être faudrait-il commencer par « recomprimer » tout cela. Mes chers collègues, lorsque nous évoquons ce sujet, on nous oppose les charges de centralité des villes. Or ces dernières ont été largement transférées aux communautés de communes, et plus encore aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines !
Dans ces conditions, je ne vois pas la raison de maintenir un tel écart : la justice et la péréquation voudraient que, dans une première phase, la dotation de base par habitant soit équitablement répartie. Nous proposerons des amendements en ce sens.
S'agissant de la dotation proportionnelle à la superficie des communes, que vont pouvoir faire les communes rurales avec 3 euros par hectare ? Une somme un peu plus importante aurait eu un début de signification.
Etait-il nécessaire de revaloriser la dotation forfaitaire ? Certes, une telle mesure permettra à toutes les communes de bénéficier d'une revalorisation de 1 % de cette dotation, mais l'argumentation développée à l'Assemblée nationale me laisse songeur : il s'agirait de répondre à une revendication des grandes villes et des communautés urbaines. Or ce sont justement ces collectivités qui perçoivent à l'heure actuelle un maximum de DGF. De surcroît, il faut bien avoir à l'esprit que les sommes prélevées au titre de la dotation forfaitaire ne sont plus disponibles pour alimenter la péréquation.
Fallait-il, par ailleurs, prélever sur les sommes résultant de la progression de la DGF l'augmentation de la DSU pour certaines villes en difficulté, ce qui réduit également l'effort de péréquation, même si cela peut paraître logique ? J'ai pour ma part plaidé pour que la solidarité urbaine s'effectue entre villes riches et villes pauvres sans pour autant pénaliser les communes rurales dépourvues de moyens. Le rattrapage par l'impôt est, en effet, pour ces communes, beaucoup plus difficile en raison de la faiblesse des valeurs fiscales de l'ensemble des immeubles ruraux.
Enfin, je souhaite soulever un problème qui semble ne pas trouver de solution dans la présente réforme, à savoir la situation des communes ayant transféré d'importants produits fiscaux à leur communauté de communes ou d'agglomération et dont le potentiel fiscal demeure élevé après ce transfert, bien qu'elles ne perçoivent plus de compensation proportionnée aux produits fiscaux transférés. De ce fait, elles se voient lourdement pénalisées par une très faible DGF, l'absence de dotation de solidarité rurale et de dotation « élu local ». Le mode de calcul du potentiel financier pourrait-il prendre en compte cette situation ?
S'agissant de la DGF intercommunale, je ne peux qu'être favorable à la réduction progressive des écarts de dotations entre les communautés de communes et les autres catégories d'intercommunalité. Car, là aussi, il existe de profondes injustices. Ainsi, pourquoi une communauté urbaine perçoit-elle, en moyenne, trois fois plus de DGF qu'une communauté de communes à taxe professionnelle unique et presque deux fois plus qu'une communauté d'agglomération, alors que les unes et les autres exercent les mêmes compétences ? Je souhaite ardemment que cette réduction des écarts intervienne dans les meilleurs délais.
S'agissant, enfin, de la DGF départementale, ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, comme le souligne la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de notre assemblée, que la nouvelle clé de répartition de la dotation de péréquation entre les départements n'introduise de nouvelles injustices du fait de la prise en compte du potentiel financier ? Ne vaudrait-il pas mieux retenir l'indice synthétique regroupant les ressources et les charges financières des départements, tel qu'élaboré par un groupe de travail du Sénat ?
Telles sont les observations et les propositions que je tenais à formuler sur la réforme de la DGF. Je souhaite que de nos travaux sorte un dispositif permettant une répartition plus juste et plus péréquatrice de cette dotation. Si tel n'était pas le cas, nos collègues maires seraient terriblement déçus, et cette déception viendrait s'ajouter à celle qu'ils éprouvent déjà devant la suppression des services publics. Mes chers collègues, le Sénat a le devoir de redonner confiance aux maires. Tous ensemble, oeuvrons dans ce sens.
Je voterai le projet de loi de finances, comme les membres du groupe de l'Union centriste. J'ai conscience des difficultés présentes. J'appartiens à une majorité qui se bat et je souhaite me battre avec elle. Cependant, certaines modifications doivent être apportées et j'espère, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous nous aiderez à faire en sorte que les amendements que nous avons déposés en ce sens connaissent un sort favorable.