Intervention de Éric Doligé

Réunion du 30 novembre 2004 à 16h00
Loi de finances pour 2005 — Débat sur les recettes des collectivités locales

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Monsieur le ministre, madame la ministre, recevez tout d'abord mes sincères félicitations ; je suis heureux de vous retrouver dans vos nouvelles fonctions respectives après avoir pu vous apprécier sur d'autres dossiers.

Monsieur le président, mes chers collègues, mon intervention portera sur les finances des collectivités locales, à l'exception de la péréquation, dont il a été déjà beaucoup question. Et si je réduis parfois mes exemples à un territoire, c'est pour mieux faire comprendre la réalité.

Je ne suis pas de ceux qui hurlent avant d'avoir mal. Je sais que certains départements et pratiquement toutes les régions annoncent des besoins de fiscalité importants pour faire face à la décentralisation.

A ce jour, nous ne pouvons pas connaître l'impact financier exact de la décentralisation ; les transferts sont à venir et nous n'en sommes malheureusement qu'aux prémices dans les discussions avec les services décentralisés.

Il existe encore beaucoup de zones d'ombre et les règles du jeu ne sont souvent connues que par l'une des parties qui reçoit les décrets et circulaires sans toujours en communiquer le contenu à ses partenaires.

La révision constitutionnelle sur la part prépondérante et sur la compensation intégrale nous rassure, mais chat échaudé craint l'eau froide et les élus locaux, ayant connu de nombreux gouvernements et des majorités changeantes, savent fort bien que les mauvaises habitudes sont souvent profondément ancrées.

La propension de l'Etat à se décharger sur les collectivités est connue et tous les discours tendant à démontrer le contraire sont, à coup sûr, contredits par les faits.

Afin d'essayer de rectifier les penchants des administrations de l'Etat et d'éclairer les services sur ce qui peut se passer hors des murs de Paris, je vais vous donner quelques pistes comparant recettes et dépenses.

Monsieur le ministre, madame la ministre, pensez aux élus populaires que nous sommes et qui résistent encore aux décisions non contrôlées de la sphère étatique. Comme exécutif je n'aime pas devoir faire appel à l'impôt si je n'ai pas la maîtrise de la décision.

Depuis plus de dix ans, l'Etat met progressivement la main sur notre autonomie financière, comme en témoigne la suppression de la vignette, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, notamment, à quoi il faut ajouter, pour l'ambiance, l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle, voire de la suppression du foncier non bâti, et je ne mentionne que pour mémoire les décrets d'application et les circulaires souvent très éloignés de l'esprit de la loi que nous avons votée.

Voilà pour la réalité de notre environnement instable.

Pénétrons dans la réalité d'un budget départemental préparé aujourd'hui pour assurer la pérennité des ressources et l'application progressive de la décentralisation en 2005.

Le premier exemple est relatif aux services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Le Gouvernement, conscient du choc financier résultant de la loi de modernisation de la sécurité civile, a décidé de nous transférer une recette dynamique.

La formule est simple et a été concoctée de la manière suivante : il s'agit de transférer 900 millions d'euros de taxe spéciale sur les conventions d'assurance aux départements avec une dynamique annoncée de 6 % à 7 %, de retrancher 880 millions pour la dotation globale de fonctionnement destinée aux départements assortis d'une progression de 1, 5 % à 2 % l'an. Cela représente donc 20 millions d'euros, plus ou moins 3 %.

Ainsi, nous nous partageons 20 millions d'euros modulés du différentiel entre le dynamisme de cette fameuse taxe sur les conventions d'assurance et la modération de la dotation globale de fonctionnement. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Malheureusement, nous constatons aujourd'hui que le produit de la taxe sur les conventions d'assurance risque de ne pas augmenter autant que nous l'avions prévu, car les taxes sur les assurances n'ont pas augmenté, ce qui est louable. Parallèlement, la dotation globale de fonctionnement risque d'augmenter beaucoup plus que ce qui avait été prévu. Nous risquons donc de nous retrouver avec une taxe sans aucune dynamique.

Ramenons cela à la réalité d'un département moyen représentant 1 % de la surface du territoire, 1% de la population et 1 % du nombre des pompiers. Si l'on divise 20 millions d'euros par 100, ce qui représente la différence entre les 60 millions d'euros annoncés et les 40 millions d'euros qui nous manquent, cela représente 200 000 euros par département. Pour mon propre département, cela fait 572 000 euros de charges pour 200 000 euros de recettes.

Permettez-moi de citer quelques autres menues dépenses nouvelles : le congé pour raison opérationnelle, soit 30 000 euros, la formation des officiers soit 40 000 euros, le nettoyage obligatoire des nouvelles tenues, soit 40 000 euros, enfin la journée de solidarité, qui représente 60 000 euros.

Si je calcule le montant des dépenses nouvelles pour le département induites par la réforme des SDIS et des augmentations mécaniques, je passe cette année, pour mon département, de 8 millions d'euros à 15 millions d'euros, soit donc 7 millions d'euros supplémentaires.

Le deuxième exemple concerne les actions sanitaires des départements. Selon la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ces actions faisaient partie d'une recentralisation décidée à compter du 1er janvier 2005, ce qui avait pour corollaire naturel de réduire les charges correspondantes pour les départements. L'Etat vient de parvenir à faire introduire une disposition nouvelle dans la loi de finances rectificative, qui prévoit de reporter au 1er janvier 2006 la recentralisation des compétences en matière de dépistage du cancer, de vaccination, entre autres choses.

Cette perspective de report au 1er janvier 2006 serait motivée par la difficulté technique rencontrée pour organiser la continuité des actions. Quelle belle excuse !

En définitive, nous allons devoir réinscrire cette charge aux budgets départementaux. Je pourrais vous donner de nombreux exemples complémentaires. Les lois qui s'ajoutent les unes aux autres depuis des années apportent leur lot de charges nouvelles : RMI, RMA, APA, SDIS, 35 heures, TOS, handicap, sans compter la loi Borloo citée par M. Mercier.

Ce que je connais dans mon département, tous les départements le connaissent. Il faut suivre cette évolution inquiétante avec beaucoup d'attention.

Madame la ministre, monsieur le ministre, le Gouvernement doit prendre en considération le rôle des collectivités et leur part dans les investissements nationaux. Notre territoire est attractif parce que les collectivités réalisent des routes, des collèges, des lycées et, nous le savons, mieux que ne le faisait l'Etat. Ce n'est d'ailleurs pas l'Etat qui assume le plus grande part des charges liées à l'assainissement, la culture ou le sport.

Si l'on asphyxie nos budgets, qui fera respirer notre pays, qui accueillera les entreprises, qui entretiendra le territoire ?

Mon rôle d'élu est de dire ce que je pense, et je ne manque jamais de le faire. Tout en soutenant l'action du Gouvernement, je me permets donc de lui dire que, si nous pouvons nous considérer comme un pays d'influence dans le monde, c'est uniquement parce que nos territoires vivent et peuvent conserver leur réactivité et leur créativité.

La décentralisation, c'est bien ; elle est indispensable et je la souhaite, sous réserve cependant qu'il existe encore des collectivités fortes pour l'assumer.

Qui aime bien châtie bien, dit-on ; j'aimerais parfois que l'Etat nous aime un peu moins !

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