Je souhaite également rendre hommage aux parlementaires qui, dans le passé, ont posé la question de la conciliation du droit de grève avec les exigences de la continuité du service public et les droits des usagers. Je pense en particulier aux travaux de Claude Huriet et d'Hubert Haenel, que j'ai cités tout à l'heure, mais aussi à la proposition de loi déposée au Sénat en 1999 par Philippe Arnaud, car ce texte, discuté et voté par la Haute Assemblée, a permis de poser des jalons utiles au présent projet de loi.
Je souhaite aussi saluer les expériences en matière de prévention des conflits qui, comme Hubert Haenel l'a rappelé, ont été menées dans certaines régions pionnières, notamment l'Alsace, chère à M. Ries, et qui ont, elles aussi, servi de base à l'élaboration de ce projet de loi.
En ce qui concerne l'esprit de ce texte, je reprendrai deux termes employés, entre autres, par Alain Gournac et Pierre Hérisson dans leurs interventions, à savoir « équilibre » et « négociation », car ils résument parfaitement l'esprit du projet. Messieurs, je vous remercie l'un et l'autre du soutien franc et clair que vous avez apporté à la démarche du Gouvernement.
Je me réjouis aussi que le Sénat se soit approprié la logique d'un projet qui, comme l'ont rappelé à juste titre MM. Haenel, Gournac et de Montesquiou, vise à concilier le droit de grève avec d'autres droits de valeur constitutionnelle, et non pas à stigmatiser le droit de grève, dont nous connaissons l'importance et la portée.
Monsieur Billout, contrairement à ce que vous avez soutenu, parmi d'autres, il ne s'agit pas d'affaiblir la négociation collective mais, au contraire, de lui donner toute sa place afin d'éviter que le conflit ne se déclenche ou ne dure.
D'ailleurs - et ce n'est pas le membre du Gouvernement que je suis qui vous l'indique, mais la Cour de cassation, dont vous connaissez la jurisprudence à ce sujet - les accords qui ont été passés à ce jour sont fragiles, car ils ne disposent pas de base légale. L'intervention d'un texte de loi est donc nécessaire afin de donner une base légale à la négociation, et notamment aux accords qui ont été conclus par quatre régions, par la SNCF et par la RATP.
Aujourd'hui, un syndicat qui en a la volonté peut s'affranchir de l'alarme sociale - que nous appelons tous de nos voeux -, car celle-ci ne possède aucune base légale. Ce ne sera plus le cas après l'adoption de ce texte : je le répète, l'alarme sociale sera obligatoire partout et pour tous, comme tout le monde le souhaite dans cet hémicycle, si j'ai bien compris.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué divers incidents qui sont dépourvus de lien avec le droit de grève, mais que vous avez eu raison de mettre en évidence. Il en est ainsi des retards importants subis en Bretagne par un TGV dans lequel, d'ailleurs, se trouvait une de mes collaboratrices.
Monsieur Gournac, vous avez raison de le souligner, cet incident montre qu'il existe encore d'importantes marges de progression dans le domaine de l'information des usagers. Je vous livre le fond de ma pensée, car je ne suis pas le ministre en charge de ce domaine mais un simple usager des transports et encore régulièrement du train : l'absence de communication en la matière est intolérable !
Nous savons pertinemment que les TGV peuvent connaître des problèmes techniques et qu'en cas de rupture de l'alimentation électrique les systèmes de communication à l'intérieur des trains ne fonctionnent plus. Toutefois, et je m'en suis d'ailleurs entretenu récemment avec le directeur général de la SNCF, dans un tel cas de figure, les agents et les contrôleurs peuvent passer parmi les passagers, compartiment par compartiment, afin de les informer, ni plus ni moins ! Tel est précisément notre objectif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi n'est ni de droite ni de gauche, il est au service des usagers, car nous ne pouvons plus nous satisfaire de ce genre de situations ! Je tiens d'ailleurs à vous indiquer que Dominique Bussereau a demandé à la SNCF une enquête, qui portera d'abord sur les aspects techniques de l'incident, ensuite sur les raisons pour lesquelles l'information n'a pas été donnée correctement aux voyageurs, enfin sur la possibilité de mobiliser des locomotives diesel pour toutes les rames de TGV qui tomberaient en panne.
Je le répète, une telle situation n'est pas facile à gérer pour les contrôleurs qui se trouvent à bord d'un train confronté à ce genre de problème, mais elle l'est encore moins pour les usagers qui ne reçoivent aucune information - et je n'évoque même pas le cas de ceux qui voyagent avec leur famille et leurs enfants et qui doivent, en plus, rassurer les leurs !
Comme l'ont souligné MM. Biwer et Nogrix, l'usager-client est au centre du dispositif. Au reste, madame Bricq, contrairement à ce que vous avez affirmé, il ne s'agit pas seulement des usagers des grandes agglomérations, mais aussi de ceux des zones rurales, qui ont toute leur place dans ce projet de loi.
Monsieur Cambon, vous avez tout à fait raison de rappeler que les entreprises de transport, une fois le projet de loi voté, devront accomplir des progrès significatifs en matière d'information. Le « service après vote » est au coeur de la conception que je me fais de la politique, conception que vous partagez, je le sais. Je serai donc très vigilant sur la mise en oeuvre effective de cette loi, car voter un texte, c'est bien, mais le faire appliquer, dans l'esprit que vous avez voulu lui donner, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est encore mieux !
Comme l'a souligné M. de Montesquiou - et c'est l'un des aspects essentiels de ce texte -, il faut considérer la grève comme un ultime recours, lorsque toutes les tentatives de négociations préalables ont échoué. Notre objectif est tout simplement que la négociation précède désormais l'action revendicative, comme c'est déjà le cas dans de nombreux pays européens.
Dans ce cadre, il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'a indiqué M. Billout, de créer un « super-préavis » - les délais légaux en la matière resteront inchangés -, mais d'instituer une procédure de dialogue social préalable, visant précisément à éviter le préavis en désamorçant le conflit le plus tôt possible.
En ce qui concerne les délais, je ne partage pas le point de vue de M. Krattinger car, pour ma part, je ne confonds pas urgence et précipitation. Dans ce dossier, l'urgence est juridique, mais aussi sociale, car voilà des décennies que le législateur n'a pas pris les responsabilités que lui confère la Constitution !
Certes, la date du 1er janvier 2008 est volontariste, et je l'assume tout à fait, mais elle est nécessaire pour créer une dynamique qui implique à la fois les autorités organisatrices de transport et les partenaires sociaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le temps qu'on parle du service minimum, si l'on ne parvient pas à le réaliser en cinq mois, on ne le fera jamais, ce que les Français ne supporteront pas, tout simplement !