Intervention de Annie David

Réunion du 17 juillet 2007 à 21h45
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Exception d'irrecevabilité

Photo de Annie DavidAnnie David :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale, mon ami Michel Billout a fait part de notre opposition au projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

En effet, monsieur le ministre, ce texte nous semble inutile mais aussi dangereux, en dépit de vos efforts et de ceux de votre majorité pour tenter de le légitimer en vous érigeant aujourd'hui en défenseurs de la continuité du service public, alors que vous procédez depuis plusieurs années à son démantèlement et que vous prônez la liberté contractuelle, notamment dans le droit du travail.

Les différentes raisons qui nous conduisent à considérer ce texte inutile, voire contreproductif, ont déjà été exposées. Cependant, j'y reviendrai dans mon intervention, car les griefs d'inconstitutionnalité du projet de loi s'expliquent avant tout par l'inutilité des mesures au regard du but affiché : préserver la continuité du service public des transports.

Bien sûr, nous sommes favorables à la continuité du service public dans les transports, mais pas uniquement en cas de grève ! C'est au quotidien qu'il faut l'assurer, avec des conditions de transport de qualité, alliant régularité, confort, fiabilité et sécurité pour toutes et tous les usagers ! Or, et c'est l'une des raisons qui nous font dire que ce texte est inutile, à aucun moment, il n'y est question des besoins quotidiens des usagers, encore moins des carences ou des dysfonctionnements dus aux politiques de déréglementation et de libéralisation successives. Michel Billout en a fait une très juste démonstration !

Ce texte est également dangereux, car ses dispositions portent une atteinte grave et disproportionnée au droit de grève, constitutionnellement reconnu et constamment réaffirmé par les jurisprudences du Conseil constitutionnel, du Conseil d'État et de la Cour de Cassation. Ce projet de loi porte en lui les prémices d'une dénaturation sans précédent du droit de grève et des libertés collectives constitutionnelles dans leur ensemble.

Pourtant - cela a été rappelé par certains orateurs -, l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 proclame que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». L'inscription de ce droit dans le préambule de notre Constitution est non pas le fruit du hasard, mais le résultat de l'histoire française et internationale. Sa reconnaissance s'est faite au prix de terribles répressions et d'injustes assassinats de salariés. La grève, aujourd'hui encore, n'est pas un exutoire, comme je l'ai entendu dire : elle est un moyen indispensable à la sauvegarde des droits des salariés et à l'expression de leur volonté. Elle doit le rester tant que certains chefs d'entreprises peu scrupuleux, ces fameux « patrons voyous », défrayeront la chronique en imposant de manière unilatérale des fermetures de sites, des délocalisations ou encore des réorientations de leur production.

Les salariés, celles et ceux qui le peuvent encore, ne font jamais grève par plaisir : elles et ils utilisent cet outil à leur disposition pour obtenir de vraies négociations sur un objet de conflit qui n'a pas été résolu par d'autres voies.

Aussi, si le législateur entend proposer une nouvelle réglementation, comme le rappelle très justement le rapport de la commission présidée par M. Mandelkern, le point de départ de cette nouvelle réglementation « doit fondamentalement résider dans la recherche d'une meilleure continuité du service et de la satisfaction des besoins essentiels des populations, et non dans la diminution des prérogatives ou des droits des salariés ».

Or, monsieur le ministre, votre projet de loi méconnaît largement ce point de départ essentiel, puisqu'il entend alourdir les modalités d'exercice du droit de grève, menacer les salariés de sanctions disciplinaires, instaurer un service minimum pour qu'aucune gêne ne soit occasionnée aux usagers du service public des transports !

Monsieur le ministre, vous souhaitez rompre l'équilibre historique que garantit le droit de grève dans le droit du travail. En effet, la grève, outil au service des salariés pour défendre leurs droits, n'a de sens que si elle leur permet de peser dans les négociations. Pour cela, il est nécessaire qu'elle entrave le cours normal de la production ou du service. Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent fermement à la réglementation proposée, parce qu'elle constitue le laboratoire d'une régression sociale, qui sera sans nul doute bientôt étendue à l'ensemble des services publics.

Il est vrai que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 25 juillet 1979, a précisé que la reconnaissance du droit de grève par le préambule de la Constitution ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité des services publics, celle-ci ayant, tout comme le droit de grève, le caractère d'un principe à valeur constitutionnelle.

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