Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2009 s’élèvent à 11, 8 milliards d’euros, en baisse de 5, 2 % par rapport à l’an dernier.
La mission « Travail et emploi » est désormais composée de quatre programmes.
Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi », qui coûte 6, 34 milliards d’euros, a pour objet de lutter contre le chômage et l’exclusion durable du marché de l’emploi, en subventionnant les emplois non marchands à hauteur de 1, 21 milliard d’euros et les emplois marchands pour seulement 158 millions d’euros.
Les autres dépenses sont destinées, d’une part, à la réussite de la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, et de l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, l’UNEDIC, pour un montant de 1, 7 milliard d’euros – les coûts supplémentaires de fusion sont estimés à 350 millions d’euros – et, d’autre part, aux allocations de solidarité pour un montant de 1, 4 milliard d’euros, soit une baisse de 200 millions d’euros, qui, il faut bien le reconnaître, créent peu d’emplois.
Je tiens au passage à faire remarquer que l’annonce de créer 100 000 emplois aidés supplémentaires au coût de 250 millions d’euros me laisse perplexe, car ce chiffre me semble un peu sous-évalué, non pour la première année, mais pour les suivantes qui seront des années pleines. En effet, si l’on divise 250 millions d’euros par 100 000, on obtient 2 500 euros par personne et par an. Cela fait moins de 200 euros par mois en année pleine !
Le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », qui est doté de 5, 81 milliards d’euros, vise à prévenir l’impact des restructurations et à permettre aux personnes, aux entreprises et aux territoires de s’adapter au mieux à leur nécessaire reconversion.
Je tiens à le préciser, le plan de cohésion sociale a fixé un objectif ambitieux en matière d’apprentissage : 500 000 apprentis d’ici à la fin de l’année 2009. C’est un bon objectif, mais il est difficilement applicable en raison du manque de CFA, les centres de formation d’apprentis, de la réticence des chefs d’entreprise à prendre des apprentis – ce qu’il faudrait corriger, peut-être en les y obligeant – et surtout de la faible motivation des jeunes à entrer en apprentissage. En effet, le maintien du collège unique pousse les jeunes à passer un bac qui trop souvent ne les mène à rien d’autre qu’au chômage. L’enseignement au collège devrait être profondément rénové pour faciliter l’enseignement des métiers.
Par ailleurs, on ne connaît ni les résultats d’embauche de ce programme ni combien de jeunes ont trouvé un emploi. Heureusement, un rapport annuel de performances devra désormais être établi à la fin de chaque exercice. On devrait en savoir plus l’année prochaine.
Je tiens également à préciser que la formation professionnelle a souffert jusqu’à présent d’un système de financement trop complexe et trop lourd. Il faut rationaliser la structure de la formation professionnelle, qui reste trop éclatée en de multiples organismes, et surtout intégrer la formation professionnelle au collège dès quatorze ans, et ne pas s’en remettre à la formation continue qui coûte trop cher.
Au sein de ce programme, l’action « Développement de l’emploi » s’articule autour d’un réseau d’aides, d’allégements de charges sociales et de déductions fiscales, dont l’efficacité devrait, elle aussi, être mesurée. Elle augmente de 14 %, avec 1, 5 milliard d’euros de crédits. Mais une véritable statistique serait là aussi bien utile, car les objectifs les plus coûteux ne sont pas forcément les plus utiles.
Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » coûte peu, soit 86 millions d’euros. Il tend à améliorer les conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. Il s’appuie sur la nouvelle direction générale du travail, la DGT, créée au mois de mars 2006 dans le cadre de la modernisation de l’inspection du travail.
Le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », qui s’élève à 792 millions d’euros, est un programme support. Il augmente de 8, 3 %, mais il ne regroupe que partiellement l’ensemble des moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes de la mission « Travail et emploi ».
En outre, il convient de prendre en compte les emplois des principaux opérateurs. Leur nombre excède 44 000, soit près de quatre fois plus que les emplois requis par la mission. L’augmentation de près de 700 emplois s’explique par la fusion des inspections du travail, des transports et de l’agriculture. En tout, plus de 50 000 personnes sont mobilisées pour mettre en œuvre ce budget. Il serait utile de savoir, par un contrôle systématique qui n’existe pas encore, si elles sont toutes vraiment indispensables, car il y a certainement beaucoup d’économies à faire dans ce domaine que personne ne contrôle.
La fusion ANPE-ASSEDIC, dont il convient de féliciter le Gouvernement et que j’avais moi-même souhaitée, entraîne la création d’un nouvel opérateur appelé « Pôle emploi ». Celui-ci comptera 42 000 personnes et 1 500 locaux. Cette fusion coûtera quand même 350 millions d’euros, dont il faut espérer quelques gains de productivité.
Mentionnons également la fusion des contrats aidés regroupés sous le nom de « contrat unique d’insertion », dont le contrat d’accompagnement dans l’emploi, le CAE, pour le secteur non marchand et le contrat initiative-emploi, le CIE, pour le secteur marchand. Cependant, il faut souligner le coût élevé de leur prise en charge par l’État, qui atteint 95 % des salaires versés pour les CAE, et surtout le faible taux de réinsertion dans l’emploi, soit 30 % dans le secteur non marchand et un peu plus de 50 % dans le secteur marchand.
Tout cela montre que l’efficacité de ces emplois aidés est plus que relative et qu’il y a des économies à faire dans ce domaine.
Ce n’est pas tout ! Le coût réel du budget de l’emploi est bien supérieur au montant de celui de la mission « Travail et emploi », qui ne reflète qu’un quart des dépenses globales de l’État au titre de la politique de l’emploi. Ces dépenses s’élèvent en fait à près de 55 milliards d’euros, et non à 11, 8 milliards d’euros. En effet, un certain nombre de dépenses ont été supprimées de ce budget et doivent être prises en compte.
Ainsi, il faut intégrer 10, 24 milliards d’euros de dépenses fiscales, dont près de 4 milliards d’euros pour la prime pour l’emploi, qu’il faudra un jour supprimer ou réduire. Certes, cette prime incite les chômeurs à travailler, mais on pourrait parvenir au même résultat par d’autres moyens. De plus, 1, 5 milliard d’euros de réduction d’impôts sont accordés pour les emplois de salariés à domicile. C’est vrai que cette mesure crée des emplois, mais elle coûte aussi fort cher à l’État.
Il est également nécessaire d’intégrer les allégements généraux de cotisations patronales comptabilisés au titre de la loi de financement de la sécurité sociale. Leur montant estimatif est de 26, 5 milliards d’euros, dont 23, 4 milliards d’euros servent à réduire les charges jusqu’à 1, 6 SMIC sans limitation de durée, ce qui semble une lourde erreur, chaque nouvel allégement s’ajoutant aux autres, selon le principe de l’échelle de perroquet.
Que l’État décide d’accorder des allégements sociaux, oui, mais à condition d’en limiter la durée ! Or il ne le fait pas. C’est anormal, voire dangereux, car chaque aide nouvelle, je le répète, s’additionne aux autres. Tout cela est payé par des emprunts qui accroissent sans fin notre déficit budgétaire et notre dette.
Le cumul de tous les allégements de charges représente 33 milliards d’euros par an, ce qui équivaut au budget de la défense. On pourrait utiliser cette somme autrement.
En quinze ans, ces allégements auront représenté plus de 200 milliards d’euros, c’est-à-dire presque autant qu’un budget annuel. Songeons aux impôts que l’on aurait pu supprimer !
Il serait temps de commencer à diminuer ces charges, quelles que soient les éventuelles conséquences pour l’emploi. C’est vrai qu’elles peuvent permettre de maintenir des emplois, mais il faut choisir entre la dette qui nous mine et le chômage que l’on peut combattre autrement, plus efficacement et pour moins cher.
Cette politique coûte donc 55 milliards d’euros, c’est-à-dire presque autant que le budget de l’éducation nationale, dont il y aurait aussi beaucoup à dire, mais ce n’est pas le moment.
Je suis persuadé que les dépenses énormes qui sont prévues dans ce budget pour favoriser l’emploi pourraient être considérablement réduites et avec beaucoup plus d’efficacité si l’on prenait le problème autrement.
En effet, on oublie que le problème de l’emploi est constitué de deux éléments complémentaires : les chômeurs d’une part, que l’on peut aider, mais surtout les entreprises, d’autre part, qui n’embaucheront que si elles ont des produits à vendre et pas seulement parce que l’’Etat paiera à leur place les charges sociales et une partie des salaires, ce qui n’est pas son rôle.
Il serait donc beaucoup plus efficace qu’au lieu de payer leurs charges de fonctionnement, ce qui est peu efficace et ce qui l’endette, l’État accorde aux entreprises des crédits d’investissement pour leur permettre de développer leurs activités, de créer de nouveaux produits, de rechercher de nouveaux marchés. Ces dispositions les conduiraient tout naturellement à embaucher et à payer elles-mêmes leurs charges, sans que cela coûte à la collectivité.
Les emplois n’existent pas naturellement et ne poussent pas dans les champs comme les asperges. Il faut les créer, d’autant qu’ils ont plutôt tendance à diminuer en raison de la réduction de notre production en France et de la multiplication des délocalisations. En outre, compte tenu des difficultés d’obtention de crédits que connaissent les banques actuellement, des financements d’investissement garantis par l’État seraient les bienvenus pour toutes les entreprises.