Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre économie connaît une crise mondiale que ni le plan américain ni le plan européen, si tant est qu’il existe réellement, ne semblent pouvoir arrêter et dont les premières victimes sont, une fois de plus, les salariés.
Dans ce contexte de crise, les crédits de la mission « Travail et emploi » s’inscrivent clairement dans un mouvement constant de réduction des dépenses, sous couvert de restriction budgétaire et de caisses vides, alors que, voilà quelques semaines, le gouvernement a su trouver les ressources nécessaires pour garantir la pérennisation du système bancaire.
Ainsi, alors que le nombre de demandeurs d’emploi dépasse désormais la barre tristement symbolique des deux millions et que l’année 2009 s’annonce difficile en matière d’emploi, vous nous présentez une mission dont les crédits sont, de l’aveu même de la majorité comme du Gouvernement, en baisse d’un peu plus de 5 %. Ce ne sont pas les exonérations sociales ou fiscales que vous voulez inclure dans notre débat qui tromperont les salariés !
C’est bien simple, presque tous les programmes connaissent une diminution de leurs ressources. La seule hausse que l’on peut relever concerne le Pôle Emploi, fruit de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. En effet, même l’action n° 1 du programme 102 subit une diminution de crédits de l’ordre de 6, 7 %. C’est clair, la nouvelle institution ne disposera pas des moyens nécessaires, particulièrement en termes de conseillers, pour co-élaborer avec chaque salarié privé d’emploi, le projet personnalisé que vous vantiez tant il y a peu, monsieur le ministre.
Par ailleurs, ce que nous dénoncions lors du débat portant sur la création de cette nouvelle institution se confirme : comme cette mesure, pour l’instant, coûte plus à l’État qu’elle ne lui rapporte, vous entendez vendre le patrimoine immobilier des deux établissements fusionnés. Cela se traduira par une fermeture d’établissements et un éloignement du service public de l’emploi des personnes qui en ont pourtant un très grand besoin et qui en auront encore plus besoin dans les prochains mois.
En ce qui concerne ce programme 102, je déplore également la baisse du montant des crédits destinés à l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi. Lors de l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active, le RSA, mes collègues et moi-même avions déjà dénoncé l’insuffisance des moyens consacrés à l’insertion des publics les plus en difficulté. Votre budget confirme la pertinence de notre point de vue, que M. Hirsch prétendait alarmiste.
La question que nous devons nous poser, que votre gouvernement aurait dû se poser, est la suivante : les crédits alloués à la mission « Travail et emploi » au titre de 2009 permettront-ils de lutter efficacement contre la crise financière et pour le maintien de l’emploi ? En toute sincérité, compte tenu de l’enjeu et de ses conséquences sur l’emploi, particulièrement dans sa dimension industrielle, je ne crois pas que votre budget en diminution y suffira. Tout juste permettra-t-il un accompagnement social du chômage.
J’en veux pour exemple l’augmentation du nombre de contrats aidés. Le Président de la République l’avait annoncée lors de l’une de ses visites en Loraine, et nous compterons effectivement, à la suite de l’adoption de l’amendement ad hoc à l’Assemblée nationale, 100 000 contrats aidés de plus. Or, il ne peut s’agir là que d’une mesure temporaire, vous le savez bien.
En outre, si le nombre de ces contrats augmente, vous décidez de diminuer de manière considérable les crédits alloués au Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, créé par la loi de finances pour 2005. Pourtant, vous présentiez alors la création de ce fonds comme une mesure emblématique.
S’agissant de cette aide, 15 millions d’euros seront perdus au seul motif de l’utilisation partielle de ces crédits. Si ces crédits n’ont pas été pleinement utilisés, c’est que les publics concernés n’ont pas été suffisamment informés, ou qu’il faut les repenser afin de les rendre plus utiles car, vous le savez, ils s’adressent à celles et ceux de nos jeunes qui rencontrent le plus de difficultés. Vous ne pouvez ainsi réduire les moyens dont ils disposent pour atteindre leur objectif : trouver un emploi.
Les contrats de transition professionnelle ne constituent pour leur part qu’une mesure d’accompagnement social du chômage. En effet, s’ils permettent aux salariés concernés de conserver, douze mois durant, 80% de leur salaire, ils ne leur garantissent nullement de conserver leur emploi. De tels contrats débouchent en effet souvent sur l’inscription à l’ANPE pour leurs bénéficiaires.
On voit mal par ailleurs de quelle manière vous comptez étendre ce dispositif à d’autres bassins d’emploi, alors que, de l’aveu même du rapporteur spécial de la commission des finances, « les crédits de paiement correspondants pour 2009 sont en forte baisse par rapport au budget pour 2008, passant de 22, 5 millions à 8, 2 millions d’euros. »
En outre, l’annonce faite par le Président de la République le 26 novembre dernier, ne nous satisfait pas. Pour lui, un chômage partiel vaut toujours mieux qu’un chômage « total ». Cette déclaration traduit un renoncement inacceptable de sa part. Il baisse la garde et laisse les vagues de licenciements laminer les salariés.
Le chômage partiel est encore une manière de faire peser sur les salariés le poids de la crise économique. Porter de quatre à six semaines consécutives la durée d’activité réduite n’est pas la réponse qu’ils attendent : ces femmes et ces hommes veulent pouvoir garder leur emploi ! C’est pourquoi je me joins à eux pour exiger que les entreprises qui font des bénéfices et dont certaines ont profité de subventions publiques ne puissent pas procéder à des licenciements boursiers et pour demander que le Gouvernement exige des actionnaires et des grands patrons des entreprises concernées qu’ils réintroduisent dans l’entreprise le montant des millions qu’ils se partagent, plutôt que de laisser licencier les salariés.
Enfin, vous savez que le chômage partiel ne protège pas les salariés embauchés par les entreprises sous-traitantes ni les personnels intérimaires. Votre proposition ne leur sera d’aucune utilité. Il suffit de regarder ce qui se passe actuellement dans l’industrie automobile.
S’agissant de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, je ne peux que dénoncer ici, avec force, la décision de réduire de 40% la dotation qui lui est allouée par l’État. Toutes et tous, nous savons que seul l’accès à la formation sera de nature à permettre aux victimes de la crise de retrouver un emploi. Par « formation », j’entends une formation qualifiante et reconnue comme telle. Or l’AFPA accomplit cette mission de formation.
C’est pourquoi nous comprenons mal la raison qui vous conduit à organiser le démantèlement de cette structure et de ses missions.
En nous proposant un désengagement en matière de formation qui représentera, en 2009, un peu plus de 112 millions d’euros, en supprimant l’AFF, l’allocation de fin de formation, destinée aux demandeurs d’emploi arrivés en fin de droit, ou encore en réduisant les crédits alloués à la VAE, la validation des acquis de l’expérience, vous ne donnez pas la possibilité aux partenaires sociaux de conclure dans de bonnes conditions la négociation engagée depuis le mois de septembre. La feuille de route est déjà tracée : « Circulez, il n’y a plus rien à dire ! » C’est ce message que vous leur faites passer.
Quant à la participation du service public de l’emploi à la formation professionnelle, nous savons de quoi il retourne : il s’agit de confier ces missions au secteur privé lucratif – j’y reviendrai lors de l’examen des amendements.
Là encore, ce seront les salariés, notamment celles et ceux qui sont privés d’emplois, qui auront à subir les conséquences d’une crise économique qui sert de prétexte au Gouvernement pour mener une politique de rigueur.
Enfin, comment ne pas conclure mon intervention sur le formidable scandale que constituent les exonérations de cotisations sociales.
Celles-ci devraient représenter, en 2009, 33 milliards d’euros. Selon notre rapporteur spécial, le montant cumulé de ces exonérations depuis dix ans atteindrait la somme faramineuse de 200 milliards d’euros.
Pourtant, ces exonérations ne constituent pas un rempart face à la perte d’emploi. Les vagues de licenciements que subissent nos compatriotes l’attestent : les exonérations de cotisations sociales ne favorisent ni le maintien ni la création d’emplois. Il convient en outre d’ajouter les dépenses fiscales, pour un montant de 10, 24 milliards d’euros.
Ces exonérations, sociales ou fiscales, sont un poids à la charge des comptes sociaux et, en raison de leur compensation partielle, un poids à la charge du budget de l’État. C’est pourquoi nous considérons qu’il faut conditionner certaines d’entre elles à des pratiques salariales différentes et en supprimer d’autres. Je pense notamment aux exonérations prévues par la loi TEPA, à commencer par celles qui sont liées aux heures supplémentaires et qui coûtent à l’État plus de 3 milliards d’euros : elles ne créent pas d’emploi, elles restreignent même le nombre de leur création, tout en ne permettant pas d’accroître considérablement le revenu des salariés qui en bénéficient.
Ces sommes exorbitantes sont à mettre en parallèle avec les 50 millions d’euros que vous souhaitez ponctionner à l’AGEFIPH, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, sous prétexte que cette dernière disposerait d’un confortable matelas… Vous auriez pourtant d’autres solutions pour augmenter vos recettes ! J’y reviendrai lors de la défense d’un amendement que nous avons déposé sur ce sujet.
Ainsi, considérant que nous ne pouvons cautionner un budget qui ne permet pas de protéger l’emploi ou d’instaurer une réelle sécurité des parcours professionnels, la « sécurité emploi-formation » qu’attendent les organisations syndicales pour l’ensemble des salariés – ce qui est radicalement différent de votre « flexisécurité » –, nous voterons contre cette mission.