Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 1er décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Défense

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Je considère qu’il permettait d’établir un lien étroit avec la nation, de disposer d’une réserve de puissance et de mobilisation en cas de circonstances exceptionnelles et, enfin, de bénéficier d’une ressource abondante, diversifiée et peu chère. C’est grâce au service national que nous avons pu maintenir pendant plusieurs décennies un effort d’équipement supérieur à 60 % de notre effort global de défense, contre un peu plus de 40 % aujourd'hui.

J’observe que les objectifs du « modèle d’armée 2015 » n’ont pu être atteints. Le Président Sarkozy en a pris acte. Conscient des insuffisances de l’équipement, il a décidé une très forte déflation des effectifs pour pouvoir les équiper correctement. Telle est la logique de la loi de programmation. Mais correspond-elle aux besoins de la défense nationale ? Je ne le crois pas.

Nous sommes en dessous de l’effort nécessaire pour parer aux risques de tensions, de crises, de conflits, dont l’horizon est chargé.

Le siècle qui commence comporte pour la France un grave risque d’effacement, présent dans l’esprit de nos concitoyens. Cet effacement peut résulter de notre absorption dans un empire : c’est l’idéologie « occidentalitaliste » théorisée par Édouard Balladur, dans un petit livre trop peu lu, intitulé Pour une Union occidentale entre l’Europe et les États-Unis. L’effacement de la France peut aussi résulter du triomphe des communautarismes, antichambre de la guerre civile.

La France est en Europe, et gardons-nous d’oublier que l’Europe n’est pas à l’abri de conflits – on l’a vu dans les Balkans ou dans le Caucase –, qui peuvent dégénérer si nous ne sommes pas capables de développer un véritable partenariat avec la Russie. À cet égard, la responsabilité de la France est essentielle.

Outre l’effacement de la France, le second risque réside dans la mondialisation, qui rétrécit la planète et peut nous entraîner dans toutes sortes de conflits d’intensité faible ou forte, dans lesquels le ressentiment accumulé, au fil des derniers siècles, contre les Européens peut se cristalliser de manière soudaine et irrationnelle.

Nous ne devons pas céder à l’idéologie occidentaliste, ou entrer dans le schéma, théorisé par Samuel Huntington, du « choc des civilisations ». Au contraire, nous devons maintenir l’idée des valeurs universelles : le Nord est pluriel, le Sud aussi, mais l’humanité est une ; tel devrait être le message de la France, qui a toujours été contre les empires.

C’est pourquoi le choix de rejoindre l’organisation militaire intégrée de l’OTAN est une grave erreur. À quoi sert cette organisation depuis la disparition de l’Union soviétique ? Monsieur le ministre, il faudrait que vous nous le disiez ! L’institut John Hopkins a été chargé de réfléchir sur un « nouveau concept stratégique de l’OTAN ». Pourriez-vous nous éclairer sur les fruits de cette réflexion, monsieur le ministre.

L’élargissement à l’Est de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie et au cœur même de l’espace russophone est contraire à l’intérêt de la France, et contraire à l’intérêt européen bien compris. Le Président de la République a soutenu à Bucarest la mise en place de systèmes antimissiles en Tchéquie et en Pologne. Cela ne me paraît pas très cohérent avec le souci qu’il a par ailleurs manifesté, et que j’approuve, de maîtriser le conflit géorgien.

Le Président de la République dit vouloir développer parallèlement une « Europe de la défense efficace ». Monsieur le ministre, quelles en sont donc les manifestations ?

Il n’y a rien à gagner à revenir dans la structure militaire intégrée de l’OTAN, sinon une implication toujours plus grande dans les OPEX et un accroissement de 10 % cette année de notre contribution financière à l’OTAN, ce qui représente 115 millions d’euros.

À long terme, notre défense est confrontée à deux risques.

Le premier est celui du contournement de notre dissuasion, qui peut s’opérer de deux manières.

D’en haut, par le développement du bouclier spatial américain, qui mettra les autres pays européens, voire le nôtre, à la merci d’informations et surtout de décisions dont il serait illusoire de penser qu’elles ne seraient pas exclusivement américaines. Nous devons donc nous doter de nos propres moyens d’observation et perfectionner sans cesse la capacité de pénétration de nos propres missiles, …

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