Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons concerne l'eau et les milieux aquatiques. Il est long, complexe. Il concerne de nombreux acteurs. Il touche à de multiples domaines et il est d'une grande technicité. Il aurait donc mérité des conditions de lecture plus conformes à ce que l'on attend du travail parlementaire. Comment, en effet, se préparer sérieusement à son examen alors que le rapport de la commission n'a été disponible qu'hier, et encore uniquement sur Internet ?...
Je m'empresse néanmoins d'ajouter que les travaux préparatoires de la commission, grâce à son rapporteur, M. Bruno Sido, ont été remarquables, et je tiens à souligner l'excellence du travail conduit, dans un délai très court, avec les administrateurs de ladite commission.
Quoi qu'il en soit, le texte qui nous est soumis soulève un certain nombre de questions, et c'est dans un esprit constructif que j'aborderai ce débat.
Je m'en tiendrai volontairement à deux sujets.
Le premier concerne les missions des collectivités territoriales en matière de fourniture d'eau potable et d'assainissement.
Il est décisif que la notion de « service public de l'eau » et de « service public de l'assainissement » soit posée en préalable à l'énoncé de toute mesure technique, et qu'il soit bien spécifié que cette mission, même si elle reste sous le contrôle de l'Etat, est à la charge et sous la responsabilité des collectivités territoriales, lesquelles peuvent bien sûr déléguer l'exercice de cette mission à des opérateurs privés : je pense aux grandes entreprises, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement.
Ma seconde réflexion a trait aux captages sauvages ou incontrôlés. Il n'est pas acceptable, comme cela a déjà été dit ce matin par notre collègue M. Richert, de continuer à les tolérer. Outre qu'ils constituent un risque pour l'environnement, ils pèsent sur les budgets des finances locales dans la mesure où, échappant à toute redevance, ils s'accompagnent de rejets sur le réseau d'eaux usées, sans que la collectivité perçoive la taxe afférente. Cette pratique peut être le fait de particuliers, mais elle est parfois liée à l'exercice de certaines professions, dont l'exploitation de terrains de camping.
Après cette déclaration un peu générale, j'en viens à des questions très concrètes.
Ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, de réglementer la profession de foreur, comme l'a été celle de carrier, et de faire provisionner le coût de la remise en état des lieux afin d'éviter la prolifération de ces ouvrages abandonnés qui conduisent la pollution de surface dans la profondeur des eaux souterraines ?
Les présidents de syndicats intercommunaux et les maires ne pourraient-ils pas avoir très directement un pouvoir de contrôle et d'inspection en la matière, tel que celui que ce texte prévoit de confirmer en matière d'assainissement privé ?
Ce sont là autant de questions précises que je tenais à vous poser. Au fond, j'aimerais savoir si nous ne pourrions pas, tous ensemble, au Sénat, déléguer à chaque collectivité territoriale concernée une mission de service public relative à la fourniture de l'eau, s'étendant aux forages des particuliers, pour garantir un minimum d'assurance en matière de risques et d'équité.
S'agissant du financement des réseaux d'adduction d'eau, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez a ouvert une brèche dans la solidarité nationale en faisant voter, en 2004 - à la sauvette, d'ailleurs -, la suppression du Fonds national d'adduction d'eau et sa fusion dans les agences de bassin.
Le risque est ainsi grand de favoriser les régions riches en eau et urbanisées par rapport aux territoires ruraux, où l'accès à l'eau est coûteux et où la faible densité de population résidant à l'année a des répercussions sur les finances locales. C'est la raison pour laquelle je présenterai un amendement visant à rétablir une forme de péréquation nationale des ressources prélevées, mais avec une gestion décentralisée au niveau du département.
Je chercherai également à préciser les conditions d'application de la fourniture d'eau potable aux personnes en difficulté, comme le prévoyait la loi de 1998 sur l'exclusion.
Je le ferai pour des raisons d'humanité, de justice sociale et de solidarité, cela va de soi, mais aussi par réalisme ; ce qui me conduit, monsieur le ministre, à vous soumettre le problème suivant : une fois cette catégorie de population mise à l'abri du besoin en eau potable, qu'adviendra-t-il de tous ceux qui, bien que bénéficiant de revenus corrects, n'ont de cesse d'échapper au paiement de la redevance d'eau en multipliant les impayés ? On voit clairement que les procédures actuelles, qu'elles passent par les percepteurs ou par la justice, ne fonctionnent pas. Est-il licite - c'est une question que je me suis souvent posée en tant qu'élu local - qu'un maire ayant conservé la régie directe de l'eau coupe, en cas d'impayés, l'approvisionnement d'administrés dont la situation sociale n'a pas justifié une aide des pouvoirs publics ?
Je formulerai également un regret. Alors que l'eau doit être économisée et que le traitement qu'elle doit subir pour être potable est coûteux, aucune distinction n'est faite dans la facturation entre l'eau potable destinée à la consommation domestique et l'eau destinée au jardinage, au remplissage des piscines ou à d'autres formes de loisirs. Ce n'est pas logique.
Ne pourrait-on pas prévoir des modalités de financement pour permettre à des syndicats d'irrigation dont les terres sont gagnées par l'urbanisation, comme c'est le cas dans ma commune, de convertir facilement leur activité en affectant leurs ressources en eau à des besoins non domestiques ?
De même que mon collègue Philippe Richert, je suis très intéressé par l'idée du double réseau d'approvisionnement en eau : l'eau pluviale d'un côté, l'eau potabilisée de l'autre.
Voilà autant de propositions qui ne figurent pas dans le texte qui nous est soumis, d'où mon insatisfaction.
Il reste trois sujets que me contenterai d'évoquer, me réservant d'y revenir plus longuement au cours du débat, et qui méritaient, selon moi, plus de courage de la part du Gouvernement, quand bien même le texte qui nous est présenté contient à cet égard des dispositions intéressantes.
S'agissant, d'abord des agences de l'eau, dont notre collègue Mme Bricq vient de rappeler les dysfonctionnements et l'opacité, les rapports se sont multipliés. Or rien, dans ce texte, ne prévoit de remédier à la situation.
Concernant, ensuite, la répartition de la charge entre les acteurs économiques - et je ne pense pas uniquement à l'agriculture - et le budget des contribuables locaux, il serait sans doute souhaitable d'aller un peu plus loin, même si j'admets que cela est difficile. En la matière, il faut avancer, mais avancer avec prudence pour éviter toute rupture.
Pour ce qui est, enfin, des grands opérateurs privés, le texte acte leur présence comme si elle allait de soi, alors qu'ils imposent parfois aux collectivités territoriales des contrats léonins qui ont donné lieu dernièrement à un certain nombre de procédures judiciaires.
Quand, monsieur le ministre, allons-nous reprendre cette question ? Je pense qu'elle mérite d'être examinée et qu'elle explique le ton un peu vif de certains élus, y compris au Sénat, dès lors qu'ils constatent l'inégalité de traitement qui existe entre ces grands opérateurs privés et les collectivités territoriales de petite importance qui n'ont pas les moyens de se défendre.
Ce sont là les questions de fond et les questions techniques - mais elles aussi de portée générale - que je souhaitais verser au débat.
J'espère que le climat constructif qui a présidé à cette discussion générale se poursuivra tout au long de nos travaux et que nous pourrons, à la suite de nos réflexions collectives, adopter - pourquoi pas à l'unanimité ? - un certain nombre des amendements que nous vous proposerons et qui sont dictés par l'intérêt général.