Intervention de Jean Desessard

Réunion du 5 avril 2005 à 16h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

je veux rendre hommage à ce fondateur de l'écologie politique et saluer la justesse et la pertinence de ses propos visionnaires.

Trente ans plus tard, en 2004, l'Organisation mondiale de la santé s'est livrée à un triste constat : dans le monde, un milliard de personnes n'ont pas accès à une source d'eau potable et 2, 6 milliards de personnes ne disposent pas d'installations sanitaires convenables. En 1998, les maladies d'origine hydrique ont tué 3, 4 millions de personnes, majoritairement des enfants.

Au problème de la pollution de l'eau s'ajoute l'enjeu crucial de la ressource. En 2000, ce sont 450 millions de personnes, dans vingt-neuf pays situés principalement en Afrique et au Moyen-Orient, qui ont souffert de pénuries chroniques d'eau. D'ici à 2050, si les taux actuels de consommation, de croissance démographique et de développement se maintiennent, ces pénuries toucheront environ les deux tiers de la population mondiale.

En France, la situation des ressources en eau, nous le reconnaissons tous, est tout aussi préoccupante et assez peu réjouissante.

Malgré la mise en place des agences de l'eau il y a quarante ans, malgré la loi sur l'eau de 1992 qui a déclaré l'eau « patrimoine commun de la nation », malgré les nombreuses directives européennes et malgré deux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, en 1994 puis en 2001, l'eau est de plus en plus polluée en France.

Ainsi, le dernier rapport de l'Institut français de l'environnement, publié en 2002, constate que 75 % des rivières et 57 % des nappes d'eau souterraines sont polluées. Par ailleurs, les zones vulnérables, c'est-à-dire celles où la concentration en nitrates est supérieure à 40 milligrammes par litre, représentent la moitié du territoire national.

Face à cette inquiétante situation, nous devons aujourd'hui rechercher les responsabilités.

Certes, depuis trente ans, des mesures importantes ont été prises en France pour faire face aux pollutions domestiques et industrielles.

Ainsi, les rejets polluants de l'industrie ont été réduits de façon significative grâce à l'installation de dispositifs de dépollution.

De même, au prix d'efforts financiers considérables, la situation de l'assainissement des collectivités est en voie d'amélioration : la France dispose aujourd'hui de plus de 12 000 stations d'épuration - c'est le niveau d'équipement le plus élevé d'Europe -, auxquelles 95 % des logements sont raccordés.

Toutefois, nous ne pouvons nier que l'industrie est responsable de la moitié des rejets polluants organiques et de la quasi totalité des rejets toxiques. Je pense ici aux métaux lourds tels l'arsenic, le chrome, le mercure, le plomb, etc., et aux polluants organiques persistants, comme les dioxines.

De même, chaque habitant produit en moyenne un kilogramme par jour de déchets ménagers, lesquels contiennent 45 % à 50 % de matière organique et polluent, une fois mis en décharge, les sols et les eaux en se décomposant.

Mais c'est surtout le modèle agricole intensif, développé depuis 1950, qui est ici en cause. En favorisant l'augmentation des niveaux de production, l'accroissement de la taille des élevages et l'extension des élevages hors-sol, l'agriculture est conduite à utiliser divers produits dont les effets sont dévastateurs pour l'environnement.

Ainsi, dans les zones d'élevage et d'agriculture intensifs, 25 % des points de prélèvement d'eau ont une teneur en nitrates supérieure à 40 milligrammes par litre et 12 % ont une teneur supérieure à 50 milligrammes par litre, seuil de pollution.

Les effets de cette pollution se font également sentir dans le milieu marin et dans l'atmosphère. Ainsi ; les précipitations déversent annuellement 200 000 tonnes d'ammoniac dans la mer du Nord.

Bref, nous ne pouvons que déplorer l'échec des politiques de l'eau menées jusqu'à présent et assister aux condamnations successives de la France pour non-respect des directives européennes.

Des structures existent pourtant. Créées par la loi sur l'eau du 16 décembre 1964, les agences de l'eau sont des échelons pertinents de gestion et de valorisation de la ressource en eau.

Cependant, la plupart des consommateurs ignorent jusqu'à leur existence, et pour cause : ils n'y sont représentés que de façon symbolique et ne reçoivent aucune information. En revanche, la majorité des membres des comités de bassin représente les secteurs industriels et agricoles qui, ainsi, dominent des débats d'initiés.

Il est un problème plus grave encore : les redevances versées aux agences de l'eau et servant à payer les opérations d'assainissement et de dépollution sont prélevées de manière inégale et injuste.

Concrètement, sur les 2 milliards d'euros de redevances diverses gérées par les agences de l'eau, les ménages en supportent actuellement 85 %, les industriels 14 %, et les agriculteurs seulement 1 % !

Or la réforme des redevances que vous proposez, monsieur le ministre, ne modifiera qu'à la marge la répartition entre les différents consommateurs. Les ménages demeureront les plus importants contributeurs, à hauteur de 82 % ; les industriels verront leur contribution stagner à 14 % ; les agriculteurs verront, quant à eux, la leur passer de 1 % à 4 %. Ce taux est dérisoire proportionnellement à la pollution et à la consommation engendrées par les pratiques agricoles intensives !

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