Seule une règle pédagogique peut permettre une bonne gestion de l'eau : la progressivité des prix. L'eau n'est pas une marchandise, et encore moins une ressource inépuisable. L'augmentation de son prix proportionnellement à sa consommation incitera à une économie généralisée de ce bien précieux.
S'agissant du droit à l'eau, la quantité nécessaire indispensable pour vivre a été estimée à cinquante litres par jour et par personne par l'Organisation mondiale de la santé. Nous proposons que le coût de ces cinquante premiers litres soit fixé par un tarif unique, sans discrimination géographique.
Par ailleurs, les produits phytosanitaires font l'objet de publicités abondantes et mensongères. Par exemple, en novembre dernier s'est ouvert le procès de la firme multinationale Monsanto, assignée par l'association Eaux et rivières de Bretagne, à propos du Round Up. Qualifié dans les publicités de « biodégradable », ce pesticide est pourtant composé de glyphosate, produit classé « toxique pour les organismes aquatiques » en 2001 par la Commission européenne. Nous ne pouvons plus rester passifs face à ces opérations de promotion : il nous faut informer nos concitoyens des effets néfastes de ces produits.
Monsieur le ministre, le projet de loi fait l'impasse sur la pollution des nitrates par l'agriculture intensive et ne respecte pas le principe pollueur-payeur inscrit dans la Constitution. Le groupe socialiste et Vert a présenté un amendement à ce sujet et sera fort attentif à son adoption par cette assemblée. La taxation des engrais aurait été un signe fort, que des aides écoconditionnelles à l'agriculture auraient pu ultérieurement renforcer, certains l'ont souligné ce matin. Il aurait fallu un tel geste, aujourd'hui, dans ce projet de loi !
L'agriculture intensive cause des dégâts écologiques considérables sur les milieux aquatiques, dont les agriculteurs eux-mêmes sont parfois les premières victimes. Ainsi, la situation frise le burlesque, notamment en Bretagne : des éleveurs doivent s'équiper d'un purificateur d'eau ou se faire livrer de l'eau de source pour que leurs cochons ne s'intoxiquent pas en buvant de l'eau qu'ils polluent eux-mêmes !
Et quelle désolation de découvrir trop souvent dans la presse régionale les alertes des communes déconseillant formellement aux femmes enceintes et aux nourrissons de consommer l'eau du robinet ! En effet, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que les nitrates sont à l'origine de la « maladie bleue » du nourrisson, la méthémoglobinémie, qui empêche l'oxygène de se fixer. Et, si la responsabilité des nitrates dans les cancers digestifs fait encore débat, il est démontré que ces substances sont cancérigènes chez de nombreux animaux.
Pour toutes ces raisons inquiétantes et devant tous ces constats navrants, il faut donner à l'agriculture biologique la capacité de prendre toute sa place. Encourageons les reconversions en agriculture biologique et récompensons ces agriculteurs qui contribuent, par leurs pratiques, à restituer une eau de bonne qualité !
Par ailleurs, si nous retrouvons de nouveau aujourd'hui des cours d'eau conformes aux normes européennes, comme ils sont entravés de hauts barrages successifs, nous ne sommes pas près d'y revoir des saumons. C'est pourquoi il faut également inciter les constructeurs d'ouvrages hydrauliques à ne pas dépasser une hauteur d'un mètre, pour permettre la migration des poissons.
Ainsi, monsieur le ministre, vous auriez dû nous proposer un texte plus déterminé, plus ambitieux et, surtout, plus indépendant des intérêts catégoriels.
A titre d'exemple, je voudrais citer le cas de la Bretagne, qui est particulièrement éloquent. En 2015, si aucune mesure efficace n'est prise, 72 % des cours d'eau, 85 % des plans d'eau, 100 % des nappes d'eau et 84 % des eaux littorales ne respecteront pas la directive-cadre européenne.
En Bretagne, si le taux moyen de nitrates dans l'eau est de 5 milligrammes par litre en 1970, il est actuellement de l'ordre de 35 milligrammes par litre, ce qui représente une augmentation moyenne d'un milligramme par litre par an. Pour atteindre en 2015 ne serait-ce que 25 milligrammes par litre, nombre guide européen, il faudrait une baisse significative, qui ne peut être obtenue que par une meilleure répartition de la production animale sur l'ensemble du territoire français, appuyée par d'autres modes de production non polluants.
Ce projet de loi aurait été l'occasion idéale de faire preuve de volontarisme en faveur de l'environnement et de la santé publique. Il n'est malheureusement pas à la hauteur du défi que nous avons à relever, pour nous aujourd'hui comme pour les générations futures.
En effet, monsieur le ministre, sans moyens financiers importants, sans réelle incitation à changer les pratiques agricoles en France, sans maîtrise de la compatibilité des ouvrages hydroélectriques avec la préservation de la biodiversité, sans lutte contre les gaspillages, chaque nouveau projet de loi sur l'eau ne sera qu'une goutte supplémentaire dans l'océan de la négligence envers cet élément essentiel de la vie qu'est l'eau.
Dans cette assemblée, durant ce débat, j'ai entendu à maintes reprises la plupart des orateurs faire état de leur souci écologique. Je me réjouis de cette prise de conscience et de ces positions. Il faut dire que c'est un plaisir d'être écologiste au Sénat !