Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire en fin de législature fait un peu figure d'exercice convenu. Quels que soient les résultats électoraux de l'année prochaine, la loi de finances pour 2007 a vocation à ne pas être exécutée en l'état.
Ce débat d'orientation - M. le ministre nous a encouragés à le faire ce matin - nous offre l'occasion de dresser un premier bilan de l'actuelle mandature budgétaire et de dessiner des pistes de réformes afin que la France s'engage dans un assainissement réel et durable de ses finances publiques.
Le premier bilan que j'en dresse, c'est que la France aurait pu mieux faire.
Depuis plus de quatre ans, le déficit budgétaire tourne autour de 3 % du PIB. Le respect du critère de Maastricht résulte plus de concours exceptionnels, comme les fameuses soultes, que d'un effort réel et durable de maîtrise des dépenses publiques.
Le bilan est simple : l'État vit à crédit depuis plus d'un quart de siècle, les dépenses excédant les recettes de 15 % à 20 %. Même si la tendance est à la réduction, le déficit public a atteint 4, 2 % en 2003 et 3, 7 % en 2004. En 2005, une légère amélioration a été constatée avec un taux de 2, 9 % du PIB. Il n'y a pas de quoi crier victoire !
De plan quinquennal en plan quinquennal, les gouvernements n'en finissent pas d'annoncer la réduction du déficit, voire sa suppression, ce message n'ayant comme objectif que de rassurer la Commission de Bruxelles et la Banque centrale européenne. Dans ce jeu de théâtre, vous en venez à vous congratuler lorsque le déficit est sur la crête des 3 % du PIB, ce qui est pourtant loin de ce que vous appelez le « déficit stabilisant » !
Certes, c'est toujours la faute à pas de chance, à la croissance qui n'est pas au rendez-vous, à la hausse du prix du pétrole, aux taux d'intérêt, à l'euro, ... C'est vrai, la croissance se dérobe souvent sous nos pieds ; elle arrive toujours en retard, elle est toujours fragile, et repart aussi sec.
Certes, la stagnation n'est pas que française. Depuis des années, la zone euro accumule les contre-performances avec un taux de croissance moyen d'à peine 1, 2 % au cours des trois dernières années, la France étant avec l'Allemagne et l'Italie en fin de peloton alors que, sur la même période, l'économie mondiale a battu tous ses records.
Est-ce suffisant pour expliquer l'infernale dérive de nos comptes publics ? Je ne le crois pas. De toute façon, quand la croissance est de retour, les gouvernements ne réussissent pas à assainir nos finances publiques, preuve manifeste que le problème est ailleurs.
Au-delà de ces résultats, la véritable question est la suivante : pourquoi la croissance évite-t-elle les routes de la vieille Europe, en particulier les routes françaises, alors qu'elle s'épanouit de l'autre côté des Pyrénées, aux États-Unis, voire au Royaume-Uni ?
Renversons la charge de la preuve : cessons d'incriminer la croissance, le pétrole, les taux d'intérêt pour nous concentrer sur les vrais problèmes. Les déficits publics ne jouent-ils pas le rôle de boulets qui tirent notre économie vers le fond ? La dette publique - 66 % du PIB, un record en temps de paix - n'est-elle pas la cause d'un lourd dérèglement ? Pour mémoire, elle représentait un cinquième du PIB en 1981. Au rythme actuel, elle représentera 100 % du PIB en 2015.
Aujourd'hui, le seul paiement des intérêts correspond déjà à 150 % des dépenses consacrées à la recherche développement et à l'enseignement supérieur. N'est-ce pas l'incapacité des gouvernements successifs à lancer la réforme de l'État et de notre système d'État-providence qui explique tout à la fois le dérapage des dépenses et l'atonie de la croissance ? La France vit, je le regrette, au rythme de son administration. Quand elle est bien gérée, le pays connaît la croissance et l'emploi ; quand elle n'est plus gérée, les cataclysmes se multiplient. Or la dépense publique représente plus de 54 % du PIB, soit plus de la moitié de notre richesse.
Depuis 2002, les dépenses publiques ont augmenté de 134 milliards d'euros, accaparant 65 % de la création des richesses ! Pour 1 euro créé, 35 centimes restent dans les mains des Français.
C'est pourquoi une rupture est nécessaire. Si je ne peux qu'approuver l'intention du Gouvernement d'abaisser d'ici à 2010 la dette publique à 60 % du PIB ainsi que d'équilibrer les comptes publics, je tiens néanmoins à souligner que le respect de ce plan ambitieux est conditionné par l'existence d'une croissance d'au moins 2, 25 % sur toute la période, ce qui semble malheureusement présomptueux.
Quelles sont les solutions pour endiguer le flot de la dette ?
Il faut surtout mettre un terme à la hausse ininterrompue des prélèvements. Dans ce domaine, nous avons dépassé la ligne rouge. Parmi les grands pays, la France détient le plus haut taux de prélèvements obligatoires avec plus de 44 % du PIB, soit 3, 5 points au-dessus de la moyenne européenne. Pour la seule année 2005, les prélèvements ont augmenté de 1 %. Une fois de plus, notre pays prend la mauvaise direction.
Il y a quatre ans, une promesse avait pourtant été faite, celle de diminuer les prélèvements obligatoires, en particulier l'impôt sur le revenu, de 30 %. Cette promesse était d'autant plus importante qu'elle visait à effacer les augmentations que nous avions connues sous le gouvernement de Lionel Jospin. Je rassure M. Massion, qui est intervenu ce matin, elle n'a été respectée qu'à hauteur du tiers. Elle a été mise en sommeil, toujours en raison de cette fameuse absence de croissance.
Une fois de plus, le Gouvernement a renoncé : il a découvert la dette à la suite des rapports Camdessus et Pébereau. Certes, une telle décision est plus facile à prendre que de réaliser des économies, mais elle discrédite vos engagements et elle est contreproductive sur le plan économique.
La France recule en termes de compétitivité, en grande partie en raison des coûts fiscaux et sociaux. À ce sujet, je remercie M. le président de la commission des finances d'avoir évoqué la compétitivité nationale et les entreprises, car j'avais le sentiment que l'on cherchait plutôt à rassurer le secteur public. Il faut sortir de la politique du « ni-ni » : ni réduction fiscale ni réduction des déficits.
Le second volet important des orientations budgétaires est la réduction des effectifs de l'État. Avec la suppression de 15 000 emplois dans la fonction publique, c'est l'un des axes qui sont très commentés. Toutefois, je suis dubitatif face à cette annonce.